Les chants et la musique ont toujours constitué un moyen incontournable permettant au peuple Amazigh Marocain de préserver sa mémoire collective et de lutter pour sa survie. Jadis, Amediaz ou le troubadour sillonnait les monts et transmettait les nouvelles d'une montagne à l'autre sous forme de poèmes appelés Timnatine. Les Ifrrahens ou les pratiquants d'Ahidouss, munis de leurs Ayenzas pour tenir le rythme en percussion, adressaient des paroles d'amour à leurs amantes autour d'une scène musicale remplie de sentiments. Les femmes chantaient leur souffrance dans les champs et dans leurs Izghis (cuisines) et leurs enfants chantaient Bayannou dans les fêtes. En effet, chez les Amazighs, la musique n'a jamais été consacrée à une certaine strate démographique, ni à une certaine occasion. Tout le monde chantait et à tout moment. Ce manque de privatisation a, sans aucun doute, contribué à l'enrichissement du répertoire musical commun du peuple. Heureusement, ce répertoire ne cesse de s'élargir et d'assurer son évolution en fonction du temps. Dans cet article, nous prendrons le modèle de Meteor Airlines, un groupe de musique qui fait la synthèse entre les chants Amazighs locaux et des mélodies Rock. Meteor Airlines a vu le jour une nuit en été 2016, lorsque ces membres jouaient à leurs guitares dans les champs de la vallée des roses Kelaat Mgouna, sous un ciel clair dont la noirceur ne se fut perturbée que par les étoiles filantes et les phares d'avions. D'ou leur nom, qui n'est en fait qu'un oxymore de ces deux et seuls témoins. Après plus d'un an de travail en silence, les Pilotes commencent à publier des titres en anglais afin de permettre une vision universelle des thématiques qu'ils traitent, dont l'intégralité est dédiée au sud-est Marocain. D'ailleurs, leur premier album «South by Southeast», comme son nom l'indique, est un pur hommage à ces origines. Deux ans plus tard, le groupe se trouve avec suffisamment de notoriété nationale et mondiale lui accordant le passage vers ce qui représente l'essence de ses sons et la mission de sa musique : diffuser la langue et les rythmes Amazighs vers leurs fans dans le monde et dans le reste du Maroc. Les chansons AMDIKAR (Dialogue ou consultation) et TAYRI (Amour) sont un mariage entre deux univers qui reflètent la richesse du patrimoine ancestral Amazigh au son comme à l'image. Les pilotes s'introduisent dans leurs clips en portant des Azennars, ce type de Burnous marron ou noir, propre au Sud-est Marocain et portés par les hommes pendant les hivers rudes de la région. D'ailleurs, cette notion du climat cruel est souvent évoquée dans les chansons du groupe, notamment dans I Invented Fire (J'ai inventé le feu) ou encore dans The Antidote (L'Antidote). Les paroles d'AMDIKAR et de TAYRI, se manifestent traditionnellement comme des poèmes collectifs où chaque personne, tout en gardant le rythme et la rime, peut ajouter ses vers et donc son opinion et son ressenti au poème collectif qui se tisse chaque jour autour d'une histoire ou d'une autre. C'est une façon efficace d'archivage des faits historiques et sociaux, comme éclaire le proverbe amazigh « Tar Izli Ur telli »- « Ce qui n'est pas poétisé, n'existe pas ». J'ai pour longtemps espéré que notre terre soit plate Pour te retrouver, marcher ensemble et sentir la paix Mon frère, tu m'exclus de tes consultations Maintenant tu veux parler mais je suis déjà parti. Aujourd'hui où les moyens modernes de communication permettent de révéler les richesses culturelles de toutes les nations, ne serait-il pas absurde de participer l'extermination des cultures millénaires mais minoritaires pour des raisons bassement idéologiques liées à certains individus en pouvoir ? La nouvelle approche musicale de Meteor Airlines prend cette question pour défit et procède indifféremment à l'accomplissement de sa mission. En 2019, le groupe remporte un slot au Programme Hiba Rec de la Fondation Hiba et au Tremplin du festival l'Boulevard à Casablanca. Pour le groupe, il s'agit de quelques gouttes qui contribueront au remplissage d'un océan, dont la profondeur étonnera les sous-marins et les vagues frapperont à l'Amazighe. Rachid Ennassiri et Adnane El Ouardi