Le public du 18e FIFM a eu droit dimanche après midi à une projection du film «Lalla Aïcha» du jeune réalisateur Mohamed El Badaoui. Le film, qui a été projeté en avant première mondiale dans la ville ocre, est un vibrant hommage aux femmes. En outre, cette production cinématographique a été tournée dans une plage du Nord marocain, plus précisément à Al Hoceïma. «Je voudrais à travers ce film rendre hommage à la femme de ma région et surtout à toutes les mères du monde. C'est un hommage aussi à la mer et à la beauté de la ville d'Al Hoceïma et ses plages». Les propos. Al Bayane : Peu de réalisateurs marocains ont tourné des films entièrement dans un espace marin. Pourquoi avoir choisi ce petit village de pêcheur dans le Nord marocain pour tourner votre film? Mohamed El Badaoui : Nous avons tourné au bord de la mer parce que les personnages du film vivent de/ dans cet espace. Les gens de cette région vivent de la pêche traditionnelle, c'est leur gagne pain. Dans cette région, il y a aussi la beauté des plages et des visages. Ce sont pour moi des plateaux cinématographiques naturels magnifiques. Personnellement, depuis ma tendre enfance, j'aime la mer qui est présente dans mon film comme personnage principal et fondamental. La mer est aussi la voie pour l'immigration clandestine, la source de vie de la famille de Lalla Aïcha et un lieu également de divertissement par excellence. Dans le film, la mer reflète l'état d'âme des personnages et leurs sensations. Dans le film, vous avez donné beaucoup plus la parole à l'image. Il y a une absence presque totale de dialogues, mais derrière il y a toujours l'écho de la mer qui accompagne les scènes. Votre film est presque silencieux. Avez-vous peur de la langue? C'est vrai que le film de Lalla Aïcha est presque silencieux. Il n'y a pas beaucoup de dialogues parce que le cinéma pour moi, c'est d'abord l'image. Et les personnages dans le film communiquent avec les expressions corporelles, les regards… et c'est plus important pour moi que le dialogue. Pour moi le dialogue, c'est le théâtre. Dans le film, vous avez opté pour les plans à la fois larges et rapprochés pour mettre en scène l'attente des personnages et le rythme long de leur vie. Pourquoi ce choix? Effectivement, le rythme du film est lent parce qu'il ressemble, naturellement, à la vie quotidienne des personnages. Cela reflète bien entendu cette perte de l'espoir. Et puis, il faudrait que je représente tous les personnages dans un seul plan. Pour ce faire, j'ai opté pour ce plan séquence pour exprimer l'attente des personnages désespérés. Dans la vie de ces gens, il n'y a pas d'action. C'est pour cette raison que j'ai opté pour cette technique. Au-delà de la souffrance et de l'attente des personnages, il y a une beauté dans l'image. Que voulez-vous exprimer par ce choix esthétique? Le film est poétique. Et cette pauvreté dévoilée dans l'écran soit de la famille ou celle du décor a été absorbée par la beauté de l'image. C'est mon style et ma façon de travailler. Dans ce film, j'ai rassemblé la poésie de l'image, les rythmes et la musique. C'est un fruit de longues années de travail. Et puisque je suis issu de cette région, j'ai fait le repérage et j'ai choisi soigneusement les lieux pour le tournage. Quelles sont vos références en matière de cinéma? Mon style est originel. Je réalise ce que je ressens et les choses qui m'intriguent. Certes je regarde les films iraniens, russes, mais je fais recours à mes sentiments et à ma propre vision. Dans Lalla Aïcha, vous avez abordé plusieurs thématiques comme l'intégrisme, la précarité, l'immigration clandestine, la femme, le suicide, mais sans tomber dans le langage direct… Le film parle de Lalla Aïcha et ses enfants, et quand ces personnages ont perdu leur travail ; immédiatement ils sont allés chercher des solutions parfois faciles dans l'immigration clandestine, le suicide ou encore l'intégrisme. Ces situations sont traitées sans tomber dans le direct parce que ce qui m'intéresse le plus c'est le cinéma et la beauté de l'image. Vous avez indiqué lors de la présentation de votre film que la culture pourrait être un moyen de développement et de sensibilisation. Quel rôle peut jouer le cinéma dans ce cadre? Le cinéma est une arme contre tous les maux des sociétés. Le cinéma est la voix des peuples. Par exemple, dans le film de Lalla Aïcha, la souffrance de ces personnages ne pourrait pas atteindre les responsables sans le cinéma.