La roue du court métrage au Maroc a du mal à tourner. Plusieurs réalisateurs font le court métrage, soit pour avoir une carte d'artiste ou pour participer aux festivals. «Au Maroc, on est dans une époque où la production marocaine du court métrage n'est pas dans son meilleur état. C'est sans doute la conjugaison de plusieurs facteurs d'ordre liés à la création, sans oublier les facteurs d'ordre administratif parce que les gens sont obligés de faire trois courts métrages pour avoir la carte professionnelle. Il y en a qui font ces trois courts métrages seulement pour avoir la carte professionnelle. Faouzi a lancé un coup gueule, c'est dire faire un film pour faire un film», souligne le critique de cinéma, Saïd El Mazouari. Al Bayane : Vous avez présenté une masterclass avec le cinéaste et réalisateur marocain, Faouzi Bensaidi. Ces deux films ont été projetés en format 35mm lors de l'ouverture de la 17e édition du festival du court métrage méditerranéen de Tanger. Comment avez-vous trouvé cette projection en tant que critique de cinéma ? Saïd El Mazouari : C'est le hasard des choses. C'est une très bonne chose aussi que cela coïncide avec des films de Faouzi Bensaidi. Ces films n'ont pas encore été transférés au numérique. Et ça m'arrange bien de voir les films de Faouzi Bensaidi avec l'effet de l'image, les petites imperfections qui permettent d'accéder aux conditions plus artistiques. C'est vrai, on a passé un moment assez émouvant, même si malheureusement on n'a pas pu voir la «Falaise» vu que sa copie a été dégradée, mais il reste les deux films «Trajets» et «le mur» qui sont deux petits bijoux de la filmographie marocaine, et qu'on a eu le plaisir de voir avec le format 35mm. Vous avez parlé lors de la masterclass de la difficulté de filmer l'espace intérieur, notamment dans les courts métrages de Faouzi. Pourriez-vous en dire plus ? Un artiste qui ne risque rien, n'est pas un artiste. Il faut faire le pas et aller vers quelque chose et relever des défis. C'est ça l'art pour moi et c'est ça le geste fondateur, très fort derrière le film «le mur». Je trouve que c'est un film extraordinaire avec les trois plans fixes qui disent des histoires et 20 personnages qui rentrent et qui sortent. Ce film nous permet de réfléchir sur les rapports entre le cinéma et le théâtre. Il ne faut pas oublier aussi que Faouzi Bensaidi a une fibre théâtrale et comme il a dit lors de la leçon de cinéma : qu'est ce qui est cinématographique le théâtre et qu'est ce qui est ne l'est pas ? Beaucoup de gens pensent que faire de cinéma, c'est faire du théâtre filmé. Or, ce n'est pas juste. Le théâtre est l'art le plus éloigné du cinéma et la musique est l'art le plus proche. C'est l'inverse ! Dans le film «Trajets», le réalisateur a parlé des difficultés du tournage surtout dans les espaces intérieurs. Or, le réalisateur nous a dévoilé des personnages bien filmés avec une touche artistique très profonde et très fine. C'est un film dont les personnages sont complexes. Ce qui n'est pas le cas dans les autres courts métrages et aussi par son rythme parce qu'il y a un montage assez dynamique entre les situations. C'est un film sur la solitude. Trois personnages, chacun dans son coin. Ce que je trouve dans le film «Trajets», c'est qu'il permet d'avoir quelque chose que nous trouvons dans les films de Faouzi : la noirceur. Il y a quelque chose de tragique dans les personnages qu'on n'arrive pas à capter. Faouzi arrive à le filmer par ses moyens dans la pluie qui ne s'arrête pas, les plans, les regards magnifiques de Naima Lamcharki, sa façon de s'exprimer avec le langage du regard, le jeu magnifique de sa femme Nezha Rahil et Mohamed Meftah qui est égal à lui-même. Faouzi a cette particularité d'être un acteur, c'est tout ça qui donne un réalisateur de cette trempe. Quelle place occupe le court métrage dans le champ cinématographique national, sachant que bon nombre font des films, soit pour les festivals ou pour avoir uniquement une carte d'artiste ? Le court métrage est un format assez compliqué. Il est peu projetable parce qu'on ne le projette que dans le cadre des festivals. C'est un format qui est très fragile et même temps, c'est un format qui est accessible par sa relative facilité qui permet aux jeunes de s'exercer. Au Maroc, on est dans une époque où la production marocaine du court métrage n'est pas dans son meilleur état. C'est sans doute la conjugaison de plusieurs facteurs d'ordre liés à la création, sans oublier les facteurs d'ordre administratif parce que les gens sont obligés de faire trois courts métrages pour avoir la carte professionnelle. Il y en a qui font ces trois courts métrages seulement pour avoir la carte professionnelle. Faouzi a lancé un coup gueule. C'est dire qu'il faut faire un film pour faire un film.