La réforme de l'Agence de lutte contre la corruption et celle du Code pénal indonésien qui avait déjà été repoussée, une première fois, l'année dernière ne sont pas du goût de la population. C'est le moins qu'on puisse dire au vu de l'accueil que cette dernière leur a réservé alors même que l'Indonésie, véritable mosaïque religieuse avait pendant longtemps, été cité en exemple pour sa tolérance religieuse. En cause, le tournant «conservateur» qu'ont voulu faire prendre au pays les groupes musulmans traditionalistes lorsqu'ils ont cherché à «durcir» certains aspects du Code pénal datant de l'époque coloniale néerlandaise et notamment ceux ayant trait à la morale sexuelle. Et si, dans le nouveau projet de loi, le fait même de «montrer ou d'offrir» des moyens de contraceptions à des mineurs devient illégal, il en va de même du blasphème et des «insultes» envers le président ou le vice-président. Les amendements proposés ont soulevé l'ire des défenseurs des droits de l'Homme et d'une bonne partie de la population de cet archipel de 260 millions d'habitants au motif qu'ils seraient éminemment liberticides. S'agissant de la lutte contre la corruption, les mesures préconisées par le gouvernement de Jakarta risqueraient, pour leur part, d'affaiblir l'agence anti-corruption (KPK); ce qui entacherait incontestablement la crédibilité du président Joko Widodo alors qu'il avait été réélu, en Avril dernier pour un second mandat, après avoir axé l'essentiel de sa campagne électorale sur le thème de la transparence et de la lutte anti-corruption. Aussi, c'est par dizaines de milliers que les manifestants, en majorité de jeunes étudiants, investissent, depuis la semaine dernière, les rues de plusieurs villes du pays en brandissant pancartes et banderoles et en scandant des slogans hostiles au pouvoir en place si bien que les forces de l'ordre ont dû faire usage de grenades lacrymogènes pour pouvoir disperser les émeutiers. Mardi, alors que les députés étaient appelés à débattre d'une série de révisions drastiques du code pénal prévoyant notamment des peines d'emprisonnement pour toutes personnes reconnues coupables de relations sexuelles hors mariage ou homosexuelles, ce sont pas moins de 20.000 agents des forces de l'ordre qui avaient été déployés dans la capitale pour sécuriser les sites sensibles comme le palais présidentiel ou le Parlement en employant bombes lacrymogènes et canons à eau. Au même moment, Makassar, la capitale de l'île de Célèbes, était le théâtre de violents affrontements entre émeutiers et forces de l'ordre. Aussi, pour calmer la colère de la rue «après avoir écouté plusieurs groupes qui avaient des objections sur plusieurs aspects de la loi» et estimé «qu'il fallait de plus amples délibérations sur certains points», le Président Joko Widodo a ordonné à son ministre de la Justice de communiquer au Parlement sa décision «de repousser la ratification du code pénal», à la prochaine session parlementaire. Mais s'il a été immédiatement entériné par les députés, ce report sera-t-il, tout de même, amplement suffisant pour faire taire la grogne populaire au moins jusqu'à la prochaine session du Parlement ? Attendons pour voir…