Le raisonnement par l'absurde dans la question du Sahara    Le Conseil de gouvernement adopte un projet de décret-loi complétant la loi portant réforme des CRI et la création des CRUI    Trump reporte à avril l'entrée en vigueur de taxes douanières sur les produits couverts par l'ALE avec le Mexique    Bruxelles face à la montée en puissance des guerres des gangs    Mois de la Francophonie en Suède : Karim Medrek met en avant l'engagement du Maroc en faveur de la diversité culturelle    CPS de l'UA: le Maroc réaffirme sa disponibilité à collaborer étroitement avec les parties prenantes pour assurer la souveraineté climatique africaine    Macron appelle à une mobilisation européenne pour la défense    L'Algérie, déterminée à humilier Paris, proteste contre des manœuvres militaires souveraines franco-marocaines    Températures prévues pour le vendredi 07 mars 2025    la BEI accélère son soutien au Maroc avec 500 M€ de financements en 2024    Mondial 2030 : Plus de 1,7 MMDH pour renforcer la connexion du Stade de Fès    Gazoduc Afrique-Atlantique : Benkhadra présente l'état d'avancement du projet à Washington    Blockchain : la mutation en marche    L'Arabie Saoudite déterminée à consolider sa coopération avec le Maroc dans tous les domaines (Ministre saoudien des AE)    Sahara : Staffan de Mistura reprend ses consultations à la veille d'un briefing décisif au Conseil de Sécurité    ITB Berlin 2025 : L'ONMT renforce la présence du Maroc sur le marché allemand    Industrie et construction. Un premier trimestre sous pression    Xi Jinping préside une réunion de la direction du PCC pour discuter d'un projet de rapport d'activité du gouvernement    8es. Europa League : Ce soir, En-Nesyri vs Igamane et Aguerd vs Mezraoui !    Coupe arabe 2025 au Qatar : La FIFA fixe le calendrier    Hydrogène vert : le gouvernement donne son feu vert pour 6 projets d'un montant de 319 MMDH    Chutes de neige et fortes averses orageuses, jeudi dans plusieurs provinces du Royaume (Bulletin d'alerte)    Le Canadien CGI certifié Sustainable IT – Niveau 2 pour ses pratiques numériques responsables au Maroc et en Europe    Le Maroc affirme sa suprématie sur le marché britannique de la framboise    Visa for Music 2025 : l'appel à candidatures est lancé pour les showcases !    La Dolce Vita à Mogador fête le cinéma féminin    La Fondation Al Mada lance l'Académie des Arts Régionale    Athlétisme. L'Ethiopie en force aux Championnats du monde en salle 2025    Présidentielle au Cameroun. Des sanctions contre les fauteurs de troubles    Stratégie militaire : le Maroc élargit sa flotte avec les drones TB-001 de Chine    La ministre palestinienne du Développement social salue les efforts de S.M. le Roi en soutien à la résistance des Palestiniens    Classement FIFA : Les Lionnes de l'Atlas gagnent une place et se maintiennent dans le top 3 africain    Maroc : Arrestation de deux Polonais recherchés par les Etats-Unis pour trafic de fentanyl    La Agencia Bayt Mal Al-Qods apoya a los niños huérfanos y amputados víctimas de la guerra en Gaza    Maroc : Un touriste belge meurt dans un accident de parapente près d'Agadir    Foot français: Un entraîneur de Ligue 1 écope d'une suspension de neuf mois !    Futsal : La FRMF organise un tournoi international en avril prochain    Le Germano-croate Tomislav Stipić aux commandes du MAS    Les prévisions du jeudi 6 mars    Les Nations Unies mettent en garde contre la répression systématique des défenseurs des droits de l'homme en Algérie    Coupe du monde des clubs 2025 : La FIFA dévoile le pactole    Défense: Le Maroc acquiert des drones TB-001 auprès de la Chine    Irlande : L'exécutif ignore les appels à reconnaitre la «RASD»    Guía turística para descubrir Marruecos durante el mes de ramadán    El Jadida : L'ancien hôtel de police un patrimoine en ruine, un héritage en sursis !    Casablanca Events & Animations illumine Casablanca avec un programme culturel et spirituel pour le Ramadan    200 artistes à Fès pour la 28e édition du Festival des Musiques Sacrées du monde    Appels à projets pour la subvention des associations et instances culturelles, syndicats artistiques et festivals au titre de 2025    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



La «Blockchain», coffre-fort inviolable de vos données personnelles?
Publié dans Albayane le 16 - 08 - 2019

La donnée personnelle vaut plus que l'or en barre, plus que l'or noir, plus que l'uranium. C'est un gisement qui offre plus de 7 milliards et demi de mines à ciel ouvert… numérisé. Chaque habitant de la terre est une mine en soi, exploitable pour celui qui arriverait, grâce à la science de l'algorithme, à y accéder puis à l'utiliser selon ses objectifs plus ou moins licites. C'est le stade actuel auquel est arrivée la «société de l'information et des savoirs» que l'orphelin Sommet Mondial des Savoirs et de l'Information» (SMSI/WISIS) de Genève appelait de tous ses vœux en 2003.
C'est inquiétant, personne n'en doute, même à ce stade des débuts de l'ère numérique dont nul spécialiste ne peut imaginer suffisamment les extensions et bouleversements au futur. Mais l'inquiétude n'a-t-elle pas toujours été ce gros nuage qui accompagne ou précède tout saut civilisationnel de l'humanité ? La poudre a inquiété nos ancêtres, comme le télégraphe, le train, la vapeur, la voiture, la combustion, l'avion, le gaz, le nucléaire etc. Alors, n'est-il pas plus réaliste de considérer que l'inquiétude est un réflexe normal à chaque fois qu'advienne un changement, aussi imprévisible que redoutable soit-il ? Notre inquiétude actuelle – légitime – pour le secret de nos données personnelles a monté en puissance durant au moins les cinq dernières années.
Jadis, nos données intimes relevaient d'un domaine quasi sacré. L'administration, cette « science » de la gouvernance propre à l'espèce humaine depuis les Pharaons et avant eux, à l'Est comme à l'Ouest, au Nord comme au Sud, a depuis longtemps conquis progressivement, et sur des siècles, voire des millénaires, cet espace dit de la « vie privée ». Espace fait de vos données d'identification, de profilage, d'indicateurs sur vos comportements, vos croyances, vos goûts et tendances, vos choix politiques ou autres etc. Avant l'avènement du numérique, on n'avait comme craintes fantasmagoriques que le monde de Franz Kafka ou le «Big Brother» de George Orwell. La fiction n'entamait pas gravement notre foi en les bienfaits futurs de telle ou telle invention technologique ou quelconque nouveau savoir atteint par notre intelligence humaine. Et l'imaginaire des auteurs de fiction adoucissait en quelque sorte notre inquiétude dans la mesure où leurs lubies et fantasmes nous semblaient être fruits de leur pure imagination. Or, maintenant, à l'ère conquérante de l'intelligence artificielle, fruit de notre vieille intelligence humaine, la fiction d'aujourd'hui semble préfigurer la réalité de demain. L'imagination semble produire au présent la copie zéro (ou prototype) de ce qui sera demain dans notre réel!
A la vue, cette année, d'un ordinaire passant chinois, parmi une foule qui traversait un rond-point, instantanément identifié par reconnaissance faciale, à son insu, sur les écrans d'un QG administratif lointain, dévoilant en même temps tout ce qu'on peut savoir sur lui, depuis son identité jusqu'à ses préférences culinaires ou sexuelles, qui de nous n'a pas été assailli d'un vertige sans fin quedes œuvres comme «Le procès» deFrantz Kafka (https://la-philosophie.com/le-proces-kafka) et «1984» de George Orwell (https://la-philosophie.com/1984-orwell-analyse) ne pouvaient provoquer en nous avec leurs imaginations qualifiées de débordantes et d'hallucinantes à leurs époques?
Humain «algorithmé» dans un biotope connecté
Dans nos cités ou autres espaces de vie collective, bientôt complètement connectés, comme villes et villages «intelligents» («Smart Cities»), l'habitant sera «algorithmé», de la tête aux pieds, depuis sa naissance (et même avant comme fœtus iconographié!), dans ses faits et gestes, ses comportements, usages et habitudes, voire ses pensées et croyances les plus intimes. Il sera même son propre «Big Brother» puisque lui-même sera enclin, par sa «culture civique numérique», à fournir, volontairement et librement, des données sur lui-même. «Auto- algorithmés», nous vivrons dans un biotope connecté, totalement «algorithmé» par notre propre volonté.
D'ailleurs, la «Blockchain» repose cardinalement sur ce paramètre : celui des données personnelles divulguées par la personne elle-même. Paradoxalement pour un besoin de sécurité à l'origine. Je livre des informations sur moi- même, je les transfère de mon domaine privé au domaine public pour pouvoir bénéficier de toutes sortes de sécurités concernant mes transactions et échanges avec les autres.
Dans notre monde actuel, tout contemporain qui veut vivre son temps, sa contemporanéité, afin d'éviter d'être un troglodyte reclus/isolé dans une caverne non numérisée, est obligé quotidiennement de mettre librement en partage ses données personnelles. C'est la base et la raison d'être de la Blockchain. Comme l'est le foyer de feu pour une cheminée qui disperse ses fumées au gré de tous les vents et de leurs appels. L'individu injecte donc volontairement ses données, bien souvent obligé de le faire pour pouvoir bénéficier de services (depuis les codes nécessaires pour accéder à ses mails, à ses comptes bancaires, ses comptes sociaux, ses dossiers administratifs ou médicaux etc.). Et la Blockchain est fort séduisante pour vous inciter à vous délester par vous-même de vos données personnelles. Puisqu'elle est on ne peut plus sécuritaire contre tous les risques connus à ce jour de piraterie, de détournement etc.
Maître Matthieu Quiniou, avocat, magistrat spécialiste du monde du digital et chercheur associé à la Chaire Orbicom/Unesco «Innovation, transmission et édition numérique» (Université Paris 8 et Fondation de la Maison de Science de l'Homme) définit la Blockchain comme suit :
«Une blockchain est un registre distribué basé sur une structure de données appelée chaine de blocs qui sont chaînés les uns aux autres d'où le nom de blockchain. Un bloc contient, en plus de transactions, l'empreinte digitale du bloc précédent. La modification d'une transaction modifie donc non seulement le bloc auquel il appartient mais l'ensemble des blocs qui le suivent. La structure en chaîne de blocs confère au registre distribué son immutabilité».
Me Quiniou qui, en Mai dernier, a animé une journée d'exposés et de débats sur la Blockchain, au siège de l'Unesco à Paris, devant nombre de directeurs et hauts fonctionnaires de l'Unesco ainsi que des chercheurs membres du réseau Orbicom des chaires Unesco, dont le président et des membres du CA de ce réseau, ajoute :
«L'essor de la technologie blockchain sur la base de la désintermédiation et de la non centralisation, ouvre la voie à des opportunités de changement inédites dans de nombreux domaines de la société et de la gouvernance». Et au magistrat de nous annoncer qu'«un écosystème de solutions transactionnelles et opérationnelles est en cours d'élaboration, avec le potentiel de bouleverser les structures de pouvoir économique existantes et de construire des sociétés du savoir plus inclusives».
Non centralisation et immutabilité
Ce qu'on peut retenir, en clair, est que chaque bloc (ou nœud) est un coffre-fort dont le code ne peut fonctionner que s'il parleou est en synchrone avec les codes d'autres blocs. Aucun code (votre bloc à vous, par exemple, contenant vos propres données) ne peut être violé, à priori. Il se bloque si tout le système (à travers toute la Blockchain qui peut être mondiale) ne le permet pas, au niveau d'infinis et nombreux codes de tous les blocs chaînés par la chaine. Comme si, pour violer le coffre-fort d'une banque, il faut connaitre et exécuter les codes des coffre-fort de milliers de banques à la fois et en même temps. Rappelons que la Blockchain la plus connue à ce jour est celle de la cryptomonnaie, dont la plus célèbre «devise» : le Bitcoin. Une cryptomonnaie, dite aussi cryptoactif ou cryptodevise est une monnaie virtuelle, émise de pair à pair, sans nécessité de banque centrale, en circulation, sécurisée, au moyen d'un réseau informatique décentralisé : c'est-à-dire une Blockchain.
Le mot-clé de cette sécurité vantée dans la Blockchain est : l'immutabilité, car «c'est un des principaux atouts de la Blockchain (…) L'information une fois stockée ne peut plus être modifiée. L'immutabilité est garantie d'abord par le caractère distribuée de la Blockchain : modifier le registre demanderait de modifier le registre de l'ensemble des nœuds. Ensuite, pour les Blockchains, la structure de blocs renforce encore l'immutabilité en invalidant la Blockchain dans son ensemble dès qu'une simple transaction est modifiée».
Néanmoins, les risques restent tangibles au plan des conséquences sur l'utilisation des données personnelles par un tiers… On revient donc à la menace du «Big Brother» qui semble pointer son nez déjà en Chine et, peut-être, à terme (plus discrètement) ailleurs (Amérique du Nord, Europe, Asie, ces trois plus connectés continents et dominants pourvoyeurs de Big Data ou gigantesques banques de données).
La Blockchain évoluera donc dans un environnement de disponibilité, quasi sans limites, de données personnelles injectées librement et volontairement par les individus eux-mêmes. Le gisement à ciel ouvert des Data, constitué de blocs de la (ou les) Blockchain. Celle-ci peut être publique ou privée et même chainer des réseaux d'ONGs ou un groupe communautaire, comme déjà en Europe du Nord. Et elle peut fort bien s'apprêter à de multiples utilisations et exploitations : profilage, catégorisation, classement (social, politique, comme en Chine déjà) ou selon d'autres paramètres d'identification et de ciblage. On peut donc imaginer ce qu'un Etat, une compagnie d'assurance, une banque ou quelconque autre administration ou institution (publique ou privée) pourraient tirer comme parti : différencier les services et offres, discriminer/exclure un type de profils de citoyens ou clients, appliquer à d'autres des mesures spécifiques ou plus ou moins abusives, décourageantes, inhibitrices etc.
Autrement dit, la situation serait qu'un intérêt donné utiliserait à sa guise vos données personnelles contre vous-même alors que vous avez, à l'origine, volontairement mis vos propres données accessibles à la partie qui poursuit cet intérêt ou le sert ! Inquiétant, non ?! L'expérience pourrait réduire l'inquiétude en l'enchainant à une forte vigilance.
Pr. Jamal Eddine Naji
(Président du Réseau Orbicom des Chaires Unesco en communications)


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.