On ne peut parler du théâtre marocain sans faire un clin d'œil à l'un des visages charismatiques qui ont illuminé la scène nationale pendant des décennies, Mohamed Bastaoui. De la cité phosphatière, Khouribga, où il vit le jour en 1954, en passant par la France, la Belgique, la Hollande puis l'Italie, le défunt a parcouru un long chemin pour parvenir à une carrière unique. Les mots sont incapables de décrire toutes les réalisations ou encore l'Amour inconditionnel que Bastaoui vouait au théâtre et au cinéma. Autodidacte, Bastaoui était un comédien et acteur qui aimait et prenait ses différents rôles à cœur. A l'école de Omar Ben Abdelaziz, au lycée Ibn Yassine et Imam Malek, dans sa ville, Khouribga, il développait déjà une passion pour le père des arts. Il portait sa patrie dans son cœur. Son retour au bercail en 1985, après une longue tournée voire une errance à l'étranger le témoigne. «Ma rencontre avec le défunt Mohamed Bastaoui date de bien avant «Masrah Achams» parce que nous avons participé à un travail avec le dramaturge Abdelouahed Ouzri après son retour de France. A l'époque, ce dernier n'avait pas encore créé de troupe de théâtre, mais avait demandé au professeur Abas Ibrahim de monter avec ses élèves, dont Ssi Bastaoui, une pièce de théâtre appelée à l'époque «Mohtaraf Alfan Almasrahi» au théâtre Mohammed V. La pièce qui avait été jouée s'appelait «Hikayat bila Hodoud». C'est là où notre amitié s'est renforcée et s'est consolidée», nous explique son ami, le comédien et acteur, Mohamed Khouyi. «Après, nous avons travaillé sur une autre pièce de théâtre «Samak Alkirch» (le Requin) écrite par Youssef Fadel et réalisée par Abdelati El Mbarki avec une synographie d'Abdelmajid Elhaouasse et la participation d'Abderahim Chikhi et Fatima Attif. Nous avons participé dans une troupe qui s'appelait «Masrah Al Madina». Ensuite, nous sommes partis au Caire pour participer au théâtre expérimental. En flânant dans les pyramides et les monuments historiques de la capitale égyptienne, nous avons pensé ensemble à créer notre propre troupe théâtrale baptisée par la suite «Masrah Achams» et ce, après notre retour du Caire», nous confie Khouyi. En 1994, la troupe a été créée. Et la première pièce jouée dans le cadre de cette troupe était « Khoubz wa hajar» (Pain et pierre) adaptée d'un écrivain polonais par Youssef Fadel où il y avait deux personnages interprétés par les inséparables Mohamed Khouyi et Mohamed Bastaoui. Cette pièce a été réalisée par Abdelati El Mbarki et la synographie assurée par Abdelmajid Elhaouasse. «Beaucoup de gens et amoureux de théâtre ont soutenu cette idée et ce projet théâtral, entre autres le réalisateur Daoud Ouled Sayed, le peintre Ahmed Bensmail, le journaliste Saïd Ahid et autres», a-t-il ajouté. Pour lui, Mohamed Bastaoui est un grand comédien qui jouait ses personnages avec beaucoup de maîtrise, d'amour et d'énergie sur scène. «C'est un homme qui aimait sa partie et avait le souci permanent de développer le théâtre, le cinéma et la télévision nationaux. Je me souviens encore, que quand on se déplaçait au-delà des frontières nationales, il me disait : «Ya Mohamed lbilida zwina» (notre pays est beau)». Dans son cœur, il portait un grand amour pour son pays et sa mère patrie, ajoute Khouyi sur un ton nostalgique. Un grand humaniste au cœur ouvert sur le monde et les autres. D'ailleurs, cette vertu était l'une des clés de sa réussite ! «Le succès dans sa carrière réside dans son amour et sa passion, mais aussi et surtout son sacrifice. Il avait un grand cœur. Il aimait aider les autres et les soutenir. C'est pour cela qu'il était aimé et estimé par ses confrères, ses amis et son large public», juge Khouyi. Modeste et humble, son sourire lumineux a marqué à jamais les mémoires et les esprits des Marocaines et Marocains. «On trouvait un plaisir sur scène. Un jour, nous sommes partis jouer une pièce de théâtre dans un petit patelin pas loin de Rabat. Le temps de déplacer le décor à l'intérieur de la salle, l'un des passants demanda à son ami: «Qu'est ce qui se passe ici ? Son ami lui répondit : «hadakchi dyal tkhrbiq» (ce «truc» de n'importe quoi). Dans le théâtre comme dans le cinéma, il a laissé derrière lui de belles œuvres dont le public ne se lasse pas de voir et revoir. C'est à la fin des années 1990 qu'il commença sa carrière dans le 7e art en incarnant des rôles dans «Adieu Forain» (1998) du réalisateur et photographe Daoud Aoulad Syad, «Taïf Nizar» (2001) de Kamal Kamal, «Les Mains rudes» de Mohamed Asli, «Mille mois» (2003) de Faouzi Bensaïdi, «Taza» de Daniel Gervais, «En attendant Pasolini» (2007) de Daoud Aoulad Syad ou encore «L'Orchestre des aveugles» de Mohamed Mouftakir. On l'a vu à la télévision dans le fameux rôle du paysan qu'il avait joué avec beaucoup d'enthousiasme et d'engouement, notamment dans les séries «Oujaâ Trab» de Chafik Shimi, «Dwayer Zman» de Bourquia Farida, «Jnane Lkarma» de Farida Bourkia ou encore la série «Oulad Ennas».