Conclue l'année dernière et prévue pour être effective pour ce début d'année 2019, la fusion entre les filiales offshoring de Saham Group et Bertelsmann a donné naissance à une nouvelle marque, Majorel. L'ensemble ambitionne de jouer un rôle prépondérant dans le secteur de la relation client à l'échelle internationale. Au Maroc, l'on s'attend à une recrudescence de la concurrence, avec les Intelcia, Outsourcia & co entre autres dans le viseur. Les fiançailles auront duré 14 bonnes années. Puis les deux entreprises se sont dit oui en septembre dernier. Le conglomérat allemand Bertelsmann, qui est partenaire de Phone Group depuis 2004 avec une participation de 60%, et Saham Group ont finalement décidé de passer à l'étape supérieure. Durant toutes ces années, Bertelsmann pourtant majoritaire dans le capital de Phone Group en avait laissé le management à Saham. Avec cette fusion des activités, c'est une page qui se tourne dans la vie de Saham qui "parachève" sa transformation en fonds d'investissement, mouvement entamé et amplifié par la cession l'année dernière de son pôle assurance, Saham Assurances, au sud-africain Sanlam. Puis, et par la cession d'actifs de son pôle Santé. La nouvelle marque Majorel, déjà déployée, a pris la relève des noms des différentes entreprises versées dans cette fusion. Une course pour le leadership mondial Car en effet, cette fusion des activités d'outsourcing des deux partenaires de longue date a concerné de part et d'autre deux entités. Saham Group a apporté à Majorel , Ecco Outsourcing (opérateur égyptien racheté en 2015), Phone Group (créée en 2000) et Pioneers Outsourcing (opérateur saoudien acquis fin 2017). Et Bertelsmann y a ajouté Arvato CRM Solutions. En contrepartie, les deux groupes détiennent à parts égales l'actionnariat de Majorel. Et cette dernière se retrouve propulser en Afrique et au Moyen-Orient, dans 25 pays, où elle détient désormais des filiales pour près de 14.000 employés. Avec l'intégration de ces filiales (qui appartenaient à Phone Group), Majorel compte au total 48000 collaborateurs, parlant couramment 36 langues et couvre 28 pays sur 4 continents. Son portefeuille de clients est porté à 500 et l'ensemble compte pour un chiffre d'affaires annuel de 1,2 milliard d'euros. «Nous ouvrons un nouveau chapitre. La nouvelle société détiendra des positions de leader sur des marchés en Europe, en Afrique et au Moyen-Orient. Elle prévoit d'élargir encore son empreinte régionale et d'améliorer ses capacités et ses services numériques à l'endroit de ses clients», expliquait Thomas Mackenbrock, Directeur Général de Majorel, à l'occasion. La conjugaison des efforts des deux partenaires dans cette joint-venture a pour objectif de prendre des parts significatives dans le secteur et se classer parmi les meilleurs. Majorel devrait se positionner, d'entrée, comme 5ème ou 6ème opérateur d'outsourcing mondial derrière des acteurs tels que Teleperformance, Infosys, etc. L'entreprise devrait chercher rapidement à confirmer sa place dans le top 5 avant de bousculer les grands. Mais comment expliquer un tel besoin de fusionner les entités? À en croire un confrère citant une source anonyme, en 2018, le géant allemand de la communication, des médias et de l'éducation «n'était pas satisfait de la taille de son activité et envisageait deux options stratégiques, la céder ou s'agrandir». L'idée de cette joint-venture serait donc née d'une proposition faite par Phone Group, partenaire de l'allemand depuis de longues années. «Nous étions intéressés par l'activité mais nous ne voulions pas la racheter car cela implique un gros investissement. En même temps, vous ne voulions pas vendre nos filiales d'outsourcing car nous croyons dans le métier», expliquait encore cette source chez Saham. Mais la connaissance et la maîtrise du marché africain par le groupe marocain auront fini par convaincre Bertelsmann d'opter pour une co-entreprise. D'autant que sur les marchés africains où l'allemand est absent, l'entreprise marocaine est implantée, jouissant d'excellentes compétences avec une maîtrise de plusieurs langues à même de faciliter son business. L'ensemble disposera de deux sièges : l'un à Casablanca pour gérer les marchés africains et l'autre aux Luxembourg pour coiffer les clients européens. «Bertelsmann a un portefeuille client énorme et une force de frappe exceptionnelle. De notre côté, nous avons l'expertise métier depuis plus de 20 ans et une expertise des pays en voie de développement. Bertelsmann le sait, ils sont actionnaires de Phone Group à 60% depuis 2004 et nous ont laissé la gestion», expliquait une source chez Saham quant à cette opération. Avis de tempête sur le secteur? Au Maroc où Majorel se renforce immédiatement, l'opération arrive à point nommé. L'exercice 2018 du secteur s'est soldé par des réalisations intéressantes et encourageantes. Pour la première fois, le secteur de l'outsourcing devrait dépasser la barre des 10 milliards de dirhams de revenus. «Nous avons connu une belle année 2018, avec une performance bien supérieure aux deux dernières années en termes de croissance de revenus à l'export et de création nette d'emplois. Alors que la croissance moyenne annuelle s'élevait à 7% depuis 2016, nous devrions dépasser le seuil de 10% en 2018, si la tendance des 3 premiers trimestres se confirme», déclarait Youssef Chraïbi, président du Groupe Outsourcia et président de la Fédération marocaine de l'Outsourcing, à la presse. Et la perspective de croissance pour cette année en cours devrait dépasser les 10% une fois de plus. Un gâteau à partager, notamment avec des concurrents importants tels que Intelcia, géant dans le secteur. L'entreprise, présente dans plusieurs pays à l'international sera-t-elle impacté par ces changements capitalistiques ? A priori, non, étant donné que les deux acteurs ayant formé Majorel existaient déjà sur le marché, avec leurs propres portefeuilles. Mais la bataille pour la conquête d'autres clients pourrait être rude et amener à des ajustements dans le milieu. Mais ceci sera de bon augure dans un secteur qui tente de relever le défi de l'emploi et qui a contribué résorber un peu le chômage. D'ailleurs, Majorel compte «investir de manière significative dans l'humain, dans la data et dans la technologie, pour nous permettre d'innover et d'apporter à nos clients des solutions et des produits optimisés et performants», selon Thomas Mackenbrock, son directeur général de Majorel. Des investissements qui pourraient ramener le secteur de plus en plus proche des objectifs de son contrat-programme, lequel prévoyait un PIB de 16 milliards de dirhams et 100.000 emplois en 2020. Il reste encore deux ans pour les titiller… Soumayya Douieb Bertelsmann : un conglomérat aux grands appétits L'entreprise allemande est très peu connue au Maroc, encore moins dans ce secteur où des cadors comme Intelcia ou Outsourcia et d'autres jouent les premiers rôles. Pourtant, l'entreprise est un géant européen ayant généré quelque 17,2 milliards d'euros de chiffre d'affaires en 2017. Bertelsmann est un groupe de médias (56 chaînes de télévision, 31 radios), de services et d'éducation qui intervient dans plus de 50 pays dans le monde. Elle englobe le conglomérat de média RTL Group, la maison d'édition Penguin Random House, le groupe de presse Gruner + Jahr, l'entreprise musicale BMG, le fournisseur de services Arvato, le Bertelsmann Printing Group, le Bertelsmann Education Group et Bertelsmann Investments. L'entreprise compte plus de 119000 (avant joint-venture avec Phone Group). Avec le nouvel ensemble, Bertelsmann mise sur les services à valeur ajoutée comme la conquête clients, la modération et gestion de contenu, le recouvrement, la facturation, la gestion de commandes, les programmes de fidélité pour gagner des points sur ses marchés. Majorel serait déjà, selon son management, leader sur les marchés européen, africain et moyen-oriental. Elle compte se renforcer en Asie et Amérique, deux marchés importants sur lesquels elle dépassée de loin par ses concurrents, notamment américains. Le marché indien, vaste de plus de 1 milliard d'habitants est dans la ligne de mire de l'entreprise. Saham : les contours d'une transformation en fonds d'investissement Est-ce une tendance nouvelle ou le cours normal de grandes sociétés ? Car la transformation en fonds d'investissement du Groupe Saham semble faire écho à celui lancé il y a quelques années par la Société Nationale d'Investissement (SNI) qui a abouti l'année dernière au délaissement définitif de son nom pour un nouveau. La SNI, qui avait ingéré en 2010 les activités et les actifs de la non moins connue ONA, vient de boucler une année complète avec sa nouvelle identité : Al Mada. Une dénomination et un changement d'identité qui ont fini de parachever la transformation de cet acteur central de l'économie marocaine en fonds d'investissement. Le deal entre Saham Group et Bertelsmann est dans ce sens, la première d'envergure pour le groupe depuis que celui-ci s'est transformé en fonds d'investissement. Une transformation marquée par la cession de sa branche assurances, Saham Assurances, à l'opérateur d'assurances sud-africain Sanlam, la cession de cliniques de sa branche Santé. Pour rappel, la cession de Saham Assurances, dont la validation définitive n'est intervenue que des mois plus tard, aura généré à Moulay Hafid Elalamy, ministre du commerce et de l'industrie, plus de 1 milliard de dollars US. La transformation du groupe en fonds sera également marquée par la création de plusieurs filiales. La première est Saham Management Company, société de gestion des participations du fonds. Celle-ci gère six fonds dédiés aux différentes activités du groupe. Il s'agit de Insurance Fund, Outsourcing Services Fund, Healthcare Fund, Real Estate Fund, Education Fund et Media Fund. Ces fonds ont pour mission de créer durablement de la valeur sur des secteurs à fort potentiel de croissance, d'innovation, d'emplois, dans lesquels le groupe a déjà développé de l'expertise. Le pôle Services Externalisés du Groupe est présent dans sept pays -Egypte, Maroc, Sénégal, Côte d'Ivoire, Togo, Qatar et Arabie Saoudite- avec plus de 14000 employés.