Maturité du secteur ou temps opportun, les distributeurs d'hydrocarbures marocains semblent tous pris par une vague de « récurage » de leur identité visuelle. Le dernier en date à procéder à de tels changements n'est autre que l'acteur libyen OiLibya qui a opté pour un changement de logo et de nom, et devient OLA Energy. Le tout, dans un contexte où les suspicions d'entente dans le secteur pour maintenir les prix hauts et les profits record enregistrés par les distributeurs continuent de faire débat. La cure de jouvence des identités visuelles qui a touché les entreprises de distribution des hydrocarbures vient également de prendre l'entreprise libyenne OiLibya. Entamé il y a quelques années avec la reconversion des stations-service CMH en Winxo, ce mouvement s'est poursuivi tout au long de ces dernières années avec d'autres acteurs du marché. Afriquia, Petrom, Total et Shell y : chacun y allé de son relifting ou de son changement complet pour se donner une nouvelle jeunesse. En la matière, OiLibya s'inscrit dans le trend du secteur en changeant ses attributs marketing. L'entreprise libyenne change non seulement de logo, mais aussi de nom en devenant OLA Energy et compte décliner sa nouvelle identité dans l'ensemble des 17 pays dans lesquels elle est implantée sur le Continent (voir encadré). Si d'évidence elle n'a pas initié ce mouvement d'ampleur général dans la distribution des hydrocarbures, remarquons tout de même le timing de ces changements dans le secteur. Winxo annonce les changements sur son identité visuelle et ses investissements à venir au début de l'année 2014. Durant la même année, Total procède à un relifting de son identité. En 2015, c'est Afriquia qui prend la relève, et plus récemment c'est Petrom, de la famille Bouaida qui s'y est mise. Ces changements d'identité visuelle ont-ils été permis par les matelas de bénéfices confortables dont disposent les distributeurs depuis la décompensation ? Probablement. Les uns, Winxo et Total, ont senti le vent tourner et se sont préparés à prendre la vague en prenant de l'avance sur la libéralisation des prix. Les autres ont vraisemblablement attendu de se constituer un matelas confortable avant d'entamer ces mutations. Un repositionnement nécessaire Chez l'ex-OiLibya, ce changement d'identité et le repositionnement qu'il emmène avec lui étaient devenus nécessaires. D'abord, parce qu'il permet de se débarrasser d'un des derniers vestiges de l'ancien régime libyen. Mais aussi, et surtout, la nouvelle OLA Energy n'a jamais pu réellement décoller sur le marché marocain. Installé depuis 2008, le distributeur libyen continue d'être cantonné à une part de marché qui atteint à peine 10%. Dans le même temps, Petrom accapare 13% de parts de marché, Total se situe à 14% de parts de marché, Shell à 16% et bien évidemment, le leader Afriquia caracole en tête du classement avec 29% de parts de marché. Il était donc devenu urgent pour l'entreprise de réagir afin de se remettre en ordre de bataille et capter plus de marché au Maroc. Dans cette perspective, le distributeur n'a pas manqué d'afficher ses objectifs. « Notre ambition c'est d'atteindre un niveau de part de marché d'au moins 15 % dans chacun des pays du continent où nous sommes présents », précise le patron du groupe. Appartenant à la Libyan Investment Authority, le fonds souverain libyen qui le détient à travers LibyaOil Holdings Ltd, OLA Energy symbolise donc pour le groupe l'amorce d'un virage stratégique dans son développement sur le Continent. Au Maroc, la situation se présente plutôt bien, vu les bons résultats réalisés par les distributeurs de carburant depuis la libéralisation des prix. Les bons points de la libéralisation Appelé de tous les vœux, la libéralisation des prix des hydrocarbures est devenue, au fil des années, une patate chaude que les différents acteurs se refilent. « À la libéralisation, aucun mécanisme n'a été mis en place pour réagir en cas de hausse importante du cours du baril. Nous avions proposé deux systèmes mais ils n'ont pas été retenus. C'était soit un retour à la subvention à partir d'un certain niveau de prix, soit la mise en place comme c'est le cas dans certains pays d'une TIC flottante », soulignent des opérateurs rapportés par un confrère. Alors, ceux-ci ont fait ce qu'ils savaient faire de mieux : « pomper » les consommateurs. La décision de lever la régulation des prix devait permettre de répercuter aussi bien les hausses que les baisses des cours internationaux sur les prix à la pompe. Malheureusement, l'ascenseur n'a fonctionné que dans un seul sens, celui évidemment profitable pour les entreprises du secteur : celui de la hausse des prix. Conséquence : les distributeurs de carburant n'ont jamais autant garni leurs comptes que depuis la fixation des prix est devenue libre. Et c'est le consommateur qui trinque. TelQuel rapportait des analyses intéressantes dans une de ses éditions : « Depuis que l'Etat a levé la main sur la fixation du prix du gasoil et de l'essence en décembre 2015, Afriquia, Vivo Energy, Total Maroc, Winxo, Petrom et autres opérateurs ne cessent de s'enrichir. Et dans des proportions phénoménales. Exemple de Total Maroc. En 2016, année pleine de libre marché, le numéro 3 du secteur a dégagé une marge d'exploitation de 14,7 %. C'est plus du double de la marge réalisée en 2015 (6,4 %). Mieux, ses bénéfices ont triplé, de 289 millions de dirhams en 2015 à 879 millions un an plus tard ». Chez Vivo Energy, la tendance est la même affirme cette enquête. La marge brute de l'opérateur qui commercialise les produits Shell a elle aussi doublé, passant de 63,2 dollars/m3 à 122,6 dollars/m3. Les bénéfices, quant à eux, ont triplé, passant de 22 millions à 58 millions de dollars à fin 2016.L'on comprend dès lors la réticence et la résistance qu'ont opposées les opérateurs quant à la mise en place d'un système de plafonnement des prix proposé par le gouvernement qu'ils qualifient d'un retour sur la libéralisation des prix. Maintenant qu'ils tiennent leur revanche sur les prix plafonnés… Soumayya Douieb Une vocation panafricaine… C'est ainsi que se positionne désormais l'ex-OiLibya avec sa nouvelle identité. L'entreprise compte à travers ce changement d'identité visuelle affirmer ses ambitions continentales et assumer un rôle plus important dans le secteur de la distribution d'hydrocarbures en Afrique. Selon le groupe libyen, cette nouvelle identité marque la vision du groupe LibyaOil Holdings Ltd., à savoir « être l'un des acteurs incontournables de la distribution des produits pétroliers en Afrique, tout en redessinant le secteur de l'énergie et valorisant l'auto-prospérité du continent». Et notamment, sa vocation à aller sur d'autres terrains prometteurs que la distribution, d'où le nom « Energy » qui regorge d'un champ sémantique plus large dans le secteur. La nouvelle OLA Energy n'a pas fait ses choix de couleur au hasard. « La couleur bleue symbolise excellence et qualité ; quant à l'orange, elle rappelle l'énergie et la vitalité, le tout traversé du nord au sud par une ligne blanche qui représente les routes sur lesquelles nous servons nos clients au quotidien », avait précisé l'entreprise dans le communiqué accompagnant l'annonce de ce changement d'identité. Le fond blanc de ce nouveau logo, quant à lui, souligne selon OLA Energy « la qualité et la clarté ». La nouvelle identité visuelle des stations-service du groupe se présente sous une représentation stylisée de l'Afrique, avec les couleurs bleu et orange symbolisant respectivement la force et le dynamisme. Au Maroc, le rebranding de la marque dans les 200 stations-service se fera progressivement. Mais d'ores et déjà, deux stations pilotes à Casablanca et à Fès sont habillées aux couleurs de Ola Energy. La nouvelle identité visuelle sera déclinée progressivement au niveau des 1.200 stations-service dont dispose le groupe à travers 17 pays du continent. La majorité du réseau sera transformée d'ici la fin de l'année 2019. Des projets à la pelle Le changement d'identité chez OiLibya au Maroc s'accompagne d'un certain nombre de projets que l'opérateur veut développer pour booster ses positions sur le marché. Et ce sont de colossaux investissements qui sont à l'horizon. En effet, l'entreprise de distribution d'hydrocarbures compte ouvrir dans quelques semaines une nouvelle usine de production de lubrifiants à Roches Noires (Casablanca). Cette nouvelle usine sera située à proximité de la première et est censée permettre au distributeur de faire face à la forte croissance de ses ventes sur les marchés de l'Afrique de l'Ouest. Ce projet nécessitera un investissement de 100 millions de dirhams. Faut-il le rappeler, l'ex-OiLibya avait procédé l'année dernière à la rénovation de sa première usine de production de lubrifiants dans le cadre d'un plan d'investissement global de 500 millions de dirhams étalé sur plusieurs années. Le budget consacré à cette rénovation s'élevait à 85 millions de dirhams pour garantir une production de lubrifiants de qualité. Dans son plan dévoilé lors de la présentation de sa nouvelle identité, OLA Energy annonce être en pleine négociations pour le lancement des travaux de construction d'une nouvelle plateforme de stockage de produits pétroliers d'une capacité de plus de 115.000 m3. Cette nouvelle plateforme devrait être opérationnelle en 2020. Des discussions seraient également initiées avec d'autres distributeurs du marché pour plancher sur le développement sur des sites de stockage exploités en commun. À l'échelle du Continent, plus de 50 autres dépôts de stockage sont prévus pour voir le jour dans les prochaines années, en plus de 8 nouvelles usines de production de lubrifiants. Et le groupe compte porter le nombre total de ses stations-service sur le continent à 1500 dans les prochaines années. Autant dire que ce changement d'identité s'accompagne chez OLA Energy d'un appétit pour le moins féroce sur ses terres africaines.