Exilé volontaire aux Etats-Unis depuis l'année dernière, par crainte d'être arrêté après avoir critiqué l'intervention saoudienne au Yémen et certaines des décisions prises par le nouvel homme fort du régime de Riyad, le prince héritier Mohammed Ben Salmane, Jamal Khashoggi, journaliste saoudien, n'a plus été revu depuis qu'il était entré le 2 Octobre dernier au Consulat saoudien à Istanbul pour y retirer une autorisation administrative préalable à son remariage; ce qui a poussé des responsables turcs à affirmer qu'il aurait été tué au sein même du consulat saoudien par un groupe de 15 «barbouzes» venus par avion le 2 Octobre dernier à Ankara dans le seul but de le liquider. Ces propos ayant été repris par le Washington Post, journal américain avec lequel collaborait Jamal Khashoggi, l'affaire a eu un retentissement planétaire à telle enseigne que les ministres des Affaires étrangères du Royaume-Uni, de la France et de l'Allemagne ont publié ce dimanche un communiqué dans lequel, au nom de la défense de la liberté d'expression, de la liberté de presse et de la protection des journalistes, ils exigent que toute «la lumière (soit) faite sur la disparition du journaliste saoudien Jamal Khashoggi» et qu'une «enquête crédible» soit diligentée afin d'«identifier les responsables» et de «s'assurer qu'ils rendent des comptes». L'Arabie Saoudite qui qualifie d'«infondées» les déclarations des autorités turques et qui nie toute implication dans la disparition et le probable assassinat du journaliste, a dépêché, ce vendredi, à Ankara, une délégation de onze personnes à l'effet de procéder aux inspections nécessaires dans l'enceinte même du consulat d'Arabie saoudite. Déplorant l'absence de toute coopération de la part de ladite commission, le ministre turc des Affaire étrangères a souhaité que Riyad puisse laisser les «enquêteurs et les experts entrer dans le consulat». En réponse, le ministre saoudien de l'Intérieur, Abdelaziz Ben Saoud Ben Nayef, qui a clamé que son pays est attaché au «respect des règles et conventions internationales» a dénoncé les «fausses accusations» selon lesquelles Riyad aurait donné l'ordre d'éliminer physiquement Jamal Khashoggi. Et si, dans un premier temps, Donald Trump s'était montré très prudent sur cette affaire en formulant le souhait qu'elle se règle d'elle-même, ce dernier n'y est pas allé de main morte ce samedi lorsqu'il a déclaré à la chaîne CBS que son administration se tient prête à infliger un «châtiment sévère» à l'Arabie Saoudite s'il est confirmé que Jamal Khashoggi a été assassiné et qu'il allait même s'entretenir à ce sujet, ce week-end au téléphone, avec le Roi Salmane d'Arabie Saoudite. Il n'en fallait pas plus pour pousser Riyad à réagir vivement aux attaques du président américain. S'exprimant, par la bouche d'un haut responsable saoudien, cité par l'agence officielle SPA, sous couvert de l'anonymat, l'Arabie Saoudite rejette «entièrement toute menace ou tentative visant à l'affaiblir; que ce soit via des menaces d'imposer des sanctions économiques ou par l'usage de pression politique». Et le responsable saoudien de mettre en garde les autorités de Washington car si des sanctions venaient à être appliquées contre l'Arabie Saoudite, Riyad y répondra avec «de plus grandes sanctions » du moment que « l'économie du royaume a un rôle vital » et qu'elle exerce «une grande influence sur l'économie mondiale». Soucieuse, néanmoins, d'arrondir les angles, l'ambassade d'Arabie Saoudite à Washington a publié, dans la soirée, un communiqué dans lequel elle «exprime sa reconnaissance à tous ceux qui s'abstiennent de tirer une conclusion hâtive sur l'enquête en cours, y compris l'administration américaine». Enfin, si d'après les caméras de surveillance Jamal Khashoggi s'est bien présenté au-devant des employés du Consulat d'Arabie Saoudite à Istanbul le 2 Octobre dernier pour le retrait d'un document administratif, aucun enregistrement desdites caméras n'a pu prouver que le journaliste en était sorti aussi vivant qu'à son arrivée sur les lieux. L'assassinat de Jamal Khashoggi étant de plus en plus certain, à l'heure qu'il est, reste à savoir comment et dans quelle état sa dépouille a quitté le consulat d'Arabie Saoudite à Ankara. S'agissant des commanditaires, il n'y a pas lieu de chercher à jouer aux devins mais attendons pour voir…