On peint un mur ou un objet pour gagner sa vie. On peint un tableau ou une fresque pour faire éclore son inspiration. Le métier du peintre est digne et la passion de l'artiste-peintre est noble. Chez nous et, sans doute, rien que chez nous, il y a une autre sorte de peinture. Ni du béton, ni de la toile, mais de…l'homme. Eh oui, on peint l'être humain ! Seulement, cette fois-ci, le peintre est invisible. On ne le voit pas rôder dans les parages que si on veut faire appel à son don magique ! Dans notre paysage politique, cette peinture est courante et on n'a nullement froid aux yeux de s'y adonner pour conclure la « confection » de la formation du gouvernement. La pratique est telle que la notion de la politique en devient affectée. C'est du jamais vu! Dans notre jargon populaire, on parle de » peintre des ânes » qui se charge, à priori, de cette tâche, assurément dans la normale. On peut colorier un bétail afin d'en déterminer la race et la propriété. Mais, se permettre de peinturlurer un cadre dont la cervelle est bourrée de savoir, dépasse le seuil de l'insolite ! On recourt donc à cette peinture afin de bien maîtriser la carte politique du pays, à son vouloir. Le comble dans toute cette infamie c'est que nombre de partis tolèrent cette immixtion, sans objection ni réticence. Très docilement, ils admettent qu'on leur peigne un technocrate à leur choix, lui enfile la tunique coloriée et l'injecte dans leur rang sans qu'il n'ait jamais foulé le sol de leur local ni roulé sa bosse dans leur instance dirigeante. On aura alors déploré cette manière de faire de la politique qui avilit la dignité de l'homme et salit l'image du parti. Mais, il faut bien dire que cette intelligentsia qui rallie ces formations politiques, rien que pour s'adjuger le poste ministériel dicté, fait preuve d'opportunisme béat. Cette élite dont le statut social aurait largement suffi pour mener une vie décente, cherche à embrasser un prestige déshonoré dans les rouages de la bassesses. Un cadre qui se respecte n'aurait jamais accepté qu'on le transforme en jeton, à la merci du jeu de la peinture ! D'autant plus que la logique de son profil d'homme bas, sans engagement politique, ni fibre civique, n'est nullement compatible avec la logique de responsable, forgé dans l'école de la militance! Dans cette mare de la risée, les cas ne manquent pas ! On peut en citer l'exemple du récent jeu de l'un des départements névralgiques de l'essor de la nation, en l'occurrence l'éducation nationale. En effet, après avoir peint en jaune un fidèle commis de l'Etat et l'introduit dans un parti auquel il n'a jamais appartenu, on le démit de ses fonctions. Récemment encore, on se presse de peindre son successeur de la même couleur, également fort étranger audit parti et se paie même le luxe d'assister aux réunions du bureau politique, sans aucune gêne. Mais, le plus paradoxal dans cette absurdité qui ne dit pas son nom, c'est bel et bien ce qui s'est passé, il y a quelques années. En fait, au lendemain des élections, on s'apprêtait à » tirer les ficelles » du gouvernement et c'était un gros bonnet des affaires, jusqu'ici apolitique, qu'on lui ordonne de revêtir la parure jaune. Mais, il s'est avéré que ce parti, pour des frictions internes, s'attardait à répondre à l'appel pressant de la haute sphère. Le lendemain, le richissime ôta vite la couleur jaune et endossa la couleur bleue. Il eut changé de couleur comme il change de chemise! Voilà comment on pratique chez nous, le jeu de la politique, en usant de la peinture de l'homme! Et dire qu'on se plaint aujourd'hui de la décrédibilité de l'action politique et de la non confiance du citoyen envers ses pratiquants. Lorsque des peintres universels, tels Van Gogh et Monet ou encore Belkahia et Kacimi enfantaient des chef-d'œuvres pour l'humanité, le champ politique marocain excelle, en revanche, dans la « peinture des hommes » pour être bons à » l'étable » et non à la nation!