Champagne ! Le jour de gloire est arrivé pour les Bleus qui ont gagné la deuxième Coupe du monde de leur histoire, 20 ans après celle de 1998, en dominant la Croatie 4-2 au bout d'une incroyable finale du Mondial-2018, dimanche à Moscou. Et c'est sous une pluie battante que le capitaine Hugo Lloris a soulevé le trophée tant convoité, remis par le président de la Fifa Gianni Infantino sur le podium où se trouvaient trois chefs d'Etat, le Français Emmanuel Macron, le Russe Vladimir Poutine et la Croate Kolinda Grabar-Kitarovic. A Paris, les Champs-Elysées ont été envahis avant même le coup de sifflet final par une foule en liesse, comme partout en France. Et la fête s'est annoncée immense lundi sur «la plus belle avenue du monde» avant que les joueurs ne soient reçus à l'Elysée. Ils ont encore en tête cette folle finale… Enterrés, les scores étriqués, comme dans la dernière édition (Allemagne-Argentine, 1-0 a.p.): il n'y avait jamais eu autant de buts dans une finale de Mondial depuis… 1966 (Angleterre-RFA, 4-2 a.p.)! Eh oui, dans la capitale russe, l'étoile était bleue, décrochée par Antoine Griezmann, impliqué sur trois buts français. «Je vais être dans l'histoire du foot français, même si on ne réalise pas maintenant, nos enfants vont être très fiers de porter notre nom», a-t-il dit tout en mettant en exergue le collectif. Etoile saisie par «Grizou», mais aussi Paul Pogba et Kylian Mbappé, qui ont tué le match à l'heure de jeu. Et voilà, quand la France tutoie les sommets, il se passe toujours quelque chose d'exceptionnel: c'étaient les deux coups de tête de Zinédine Zidane en 1998 face au Brésil de Ronaldo (3-0), puis son «coup de boule» en 2006 (défaite contre l'Italie aux tirs au but). Dimanche, il y eut pour la première fois dans une finale de Mondial un but contre son camp, lorsque Mario Mandzukic déviait dans ses cages le coup franc de Griezmann (18e), mais aussi un recours à l'assistance vidéo à l'arbitrage (VAR) entraînant un penalty, transformé par le même «Grizou» (38e). Là encore une première. Incroyable finale, décidément, quand N'Golo Kanté, jusqu'alors un des meilleurs joueurs du tournoi, passait totalement au travers de son match, au point d'être remplacé par Steven N'Zonzi dès la 55e minute; puis quand Hugo Lloris commettait une énorme boulette en ratant son crochet sur Mandzukic, qui n'en demandait pas tant (69e). Même si le gardien, finalement peu sollicité, a fait aussi une belle claquette, sur une frappe puissante de Ante Rebic (48e). «Une compétition est réussie quand elle est gagnée», avait assené le président Macron en visite à Clairefontaine fin mai pendant la préparation, exhortant la sélection à décrocher la «deuxième étoile» devant un Deschamps un brin gêné, lui qui ne promet jamais la lune. Il la décroche plutôt qu'il n'en parle, «Dédé la Gagne», en entraîneur matois obsédé par le résultat. Et le capitaine de l'âge d'or de l'équipe française (doublé Mondial-1998/Euro-2000) a rejoint le Brésilien Mario Zagallo et l'Allemand Franz Beckenbauer, vainqueurs de Coupe du monde comme joueurs puis sélectionneurs. Au coup de sifflet final, il a salué les supporters, les deux bras levés, les poings fermés. Avant d'être porté en triomphe par ses joueurs. «Est-ce que la France est un beau champion? On est champion du monde, la France sera sur le toit du monde pendant quatre ans, c'est ça qu'on va retenir avant tout», a-t-il dit. «Ma plus grosse fierté, avec ce groupe, c'est qu'ils ont réussi à avoir l'état d'esprit pour une telle compétition». Ses joueurs ont retardé sa conférence de presse en l'aspergeant joyeusement ou en scandant son nom. «C'est une bande de fadas ceux-là», a ensuite réagi Deschamps tout sourire, trempé et le cheveu en bataille. «Je suis dans le brouillard, mais on nage dans le bonheur». Les Bleus avaient raté le toit de l'Europe en 2016 (défaite 1-0 a.p. contre le Portugal), et cette rancoeur s'est muée en rage. Ils avaient cédé à l'euphorie en battant l'Allemagne championne du monde en demi-finale de cet Euro à domicile ? Pas cette fois, ont assuré les cadres après la victoire contre la brillante Belgique en demie (1-0). Ils étaient favoris ? Ils l'ont assumé, au détriment des Croates de Luka Modric, élu Ballon d'Or du tournoi, qui connaissaient là leur première finale. Mandzukic et Ivan Perisic, buteurs pour renverser l'Angleterre en demie (2-1 a.p.), ont été cette fois leurs héros paradoxaux, en marquant encore, mais le premier contre son camp puis grâce à Lloris, le second pour l'égalisation, avant d'offrir un penalty d'une main malheureuse. Les Croates avaient eu un jour de récupération en moins et disputé trois prolongations dans les tours précédents, c'est-à-dire l'équivalent d'un match en plus. Et cela s'est vu, dans la chaleur de cet après-midi moscovite, malgré un contrôle du jeu en première période. Mais l'équipe à la Deschamps aime subir, pour mieux piquer. Et cette bascule s'est opérée autour de l'heure de jeu, quand Pogba d'une frappe du gauche (59e) et Mbappé du droit (65e), tous deux depuis l'extérieur de la surface, faisaient chanter le Coq un peu plus fort encore. Le Parisien de 19 ans, élu meilleur jeune du tournoi, devenait le deuxième plus jeune buteur en finale de la Coupe du monde, derrière… Pelé, bien sûr (17 ans en 1958). Et les comparaisons avec le légendaire Brésilien de refleurir, nées de sa performance en 8e de finale contre l'Argentine (4-3) qui avait secoué la planète foot. «Si Kylian continue d'égaler mes records comme ça, je vais devoir rechausser mes crampons…», a d'ailleurs plaisanté le légendaire Brésilien triple champion du monde sur Twitter. Et Mbappé a prévenu: «Ce n'est que le début. Ce n'est pas la fin, j'ai l'intention d'aller plus loin, aller jusqu'où mon potentiel me le permet et où les limites le permettent». Deuxième étoile pour l'éternité dans le ciel des Bleus, et des images qui resteront au long de leur parcours, un premier tour laborieux, ce match d'anthologie contre les Argentins de Lionel Messi, puis maîtrise et solidarité contre l'Uruguay (2-0) et la Belgique (1-0). Solidarité défensive, et fraternité, voilà le credo de cette équipe-là, dont le cri de ralliement fut «Vive la France et vive la République !». L'esquisse d'un nouvel optimisme national, comme en 1998? Les Bleus seront en tout cas reçus lundi en héros par le peuple de Paris, après une nuit mémorable. Pour ainsi dire à la belle étoile.