«J'appelle les Chypriotes grecs et les Chypriotes turcs à réaliser que la situation actuelle ne peut être la solution pour le problème chypriote. Dès demain, nous allons nous attaquer aux problèmes auxquels font face les jeunes et les personnes vulnérables et nous allons moderniser l'Etat». C'est en ces termes qu'à l'issue du scrutin qu'il a remporté ce dimanche avec 55,99% des voix, le président sortant Nicos Anastasiades, conservateur, s'est adressé à la population de l'île depuis son quartier général de campagne. Mais il convient de préciser, toutefois, que le plus grand problème de Chypre reste avant tout l'occupation de sa partie nord – dite République Turque de Chypre du Nord (RTCN) mais reconnue par la seule Turquie – par les quelques 40.000 soldats turcs qui y sont stationnés en permanence depuis 1974 alors que sa partie sud est membre de l'Union Européenne depuis 2004 et que la vieille ville de Nicosie est coupée d'est en ouest par une «ligne verte» surveillée par des casques bleus onusiens. A signaler, également, que les négociations menées sous l'égide de l'O.N.U. avec Mustafa Akinci au titre de la réunification du territoire sont suspendues depuis 2017 du fait de profondes divergences portant notamment sur le statut à accorder aux soldats d'Ankara, la manière de gérer la future fédération, les garanties de sécurité ou encore les ajustements territoriaux; ce que Stavros Malas, le candidat de la gauche soutenu par le Parti Communiste arrivé deuxième après avoir recueilli 44% des suffrages, avait violemment critiqué durant sa campagne électorale et qu'il n'a pas manqué de reprocher, au président élu, au moment de lui présenter ses félicitations en ajoutant même que «la lutte pour la justice sociale et le problème de Chypre ne prenaient pas fin avec cette élection». Aussi, le Président Anastasiades aura-t-il la lourde tâche de trouver des compromis avec la Turquie en ce moment-même où la dérive autoritaire, voire même expansionniste, du président Erdogan qui a envoyé ses troupes en Syrie ne semblent pas devoir faciliter les discussions entre les deux parties quand bien même la partie nord de l'île, soutenue à bout de bras par Ankara serait sur le point de se doter d'un nouveau gouvernement prétendument favorable aux négociations. Autant de faits qui font dire à Ioannis Kasoulides, le ministre chypriote des Affaires étrangères, que son principal souci est «la nouvelle politique d'expansion de la Turquie» laquelle, après avoir envoyé des troupes en Syrie, aura, sans nul doute, bien du mal à accepter de retirer celles stationnées à Chypre et encore moins, si l'on en croit Hubert Faustmann, représentant la Fondation Ebert, proche du SPD allemand, de reprendre les pourparlers avant l'année 2019 durant laquelle se tiendront des élections cruciales pour le chef de l'Etat Turc Recep Tayyib Erdogan. Force est de constater, par ailleurs, qu'outre la question de la réunification de l'île se posent, également, des questions d'ordre économique étant donné qu'après l'implosion, il y a cinq ans, de son secteur bancaire, Chypre avait été mise sous tutelle à la fois par l'Union Européenne et par le Fonds Monétaire Internationale. Et si, enfin, les casques bleus qui patrouillent le long de la «ligne verte» commencent à trouver le temps long, les chypriotes semblent, pour leur part, ne pas se faire trop d'illusions quant à l'imminence du dénouement d'une crise qui perdure depuis plus de cinq décennies…