Faut-il réformer ou abroger l'art 20 du Code de la famille? Abdellatif Ouammou : «en s'attachant à l'abrogation de l'article 20 du Code de la famille, nous avons défendu avec notre vision, celle de se conformer à la règle générale du Code de la famille». Fatima Zahra Barassat : «le Parti du progrès du socialisme ne peut qu'exprimer son rejet de cette proposition qui vise à nous mettre devant le fait accompli». Le débat risque d'être intense voire houleux dans les jours qui viennent au sein de l'enceinte parlementaire. Les élus de la nation auront la lourde tâche de débattre une proposition de loi portant sur le mariage des mineures, adoptée par la Chambre des conseilleurs lors de la législature précédente. Car si le Code de la famille fixe à 18 ans révolus l'âge légal du mariage (art19), il soumet à l'appréciation du juge une dispense d'âge prévue par l'article 20. Cet article précise que «le juge de la famille chargé du mariage peut autoriser le mariage du garçon et de la fille avant l'âge de la capacité prévu, à savoir 18 ans, par décision motivée, précisant l'intérêt et les motifs justifiant ce mariage, après avoir entendu les parents du mineur ou son représentant légal, et après avoir eu recours à une expertise médicale ou procédé à une enquête sociale». Cette exception a pratiquement vidé la réforme du Code de la Famille de son sens. Des voix au sein des partis politiques et de la société civile se sont élevées contre les dispositions de l'article 20 et ont demandé son abrogation. C'est le cas du PPS qui a fait une proposition de loi dans ce sens. D'autres formations ont proposé de limiter le pouvoir discrétionnaire du juge qui ne pourra plus, même à titre exceptionnel et par «décision motivée et une expertise médicale ou une enquête sociale», autoriser un mariage avant l'âge de 16 ans. Ces propositions ont suscité un grand débat au sein du Parlement et ont conduit au report de l‘adoption de cette réforme. Ce texte de loi, encore en état de gestation, a pris beaucoup de retard pour qu'il atterrisse finalement le mardi 30 janvier de nouveau sur le bureau de la Commission de justice, de législation et des droits de l'Homme. Il s'agit en fait d'un constat qui nous renseigne d'abord sur quelques défaillances et atermoiements de la machine législative. «La finalité de la proposition, consiste, entres autres, à accompagner les différentes mutations que connait la société marocaine, en consacrant davantage les libertés individuelles. Malheureusement, la réalité en est toute autre, vu le nombre de mariage des filles mineures qui ne cesse d'ailleurs de s'accroitre», indique Abdellatif Ouammou dans une déclaration à Al Bayane. Une telle situation s'explique par le poids des traditions et des us qui imprègnent encore l'imaginaire social, insiste-t-il. Et d'ajouter que cela «se contredit catégoriquement avec le système des droits de l'Homme consacré par l'Etat marocain, surtout après l'adoption de la Constitution de 2011». Abondant dans le même ordre d'idées, le conseiller parlementaire clarifie que lors du mandat précédent, la position de son groupe a été on ne peut plus claire, en s'attachant fermement à l'abrogation de l'article 20 du Code de la famille. «Nous avons défendu avec acharnement notre vision, celle de se conformer à la règle générale du Code de la famille, en voulant maintenir l'âge légal du mariage à 18 ans», déclare-t-il avec insistance. Même son de cloche chez Fatima Zahra Barassat, membre du groupement parlementaire du progrès et du socialisme, qui pour sa part, considère que la révision du Code de la famille demeure une condition sine qua non pour aller de l'avant et protéger, par conséquent, les droits des filles mineures, dont la place réelle devrait être dans les écoles. En fait, la proposition de loi vise à amender l'article 20 du Code de la famille en limitant le pouvoir discrétionnaire du juge. Ce dernier n'aura plus le droit d'autoriser un mariage d'une personne âgée de moins de 16 ans et doit dans ce cas motiver sa décision, en clarifiant les raisons de son acte, et ce, après avoir auditionné les parents de la fille ou son tuteur légal et aussi après recours à une expertise médicale et une enquête sociale. Pour notre interlocutrice, «le Parti du progrès du socialisme ne peut qu'exprimer son rejet de cette proposition qui vise à nous mettre devant le fait accompli».