En «consultocratie» marocaine, là où règnent en maîtres les grands cabinets de conseils étrangers sur la conception des politiques publiques ou encore les stratégies des grandes entreprises du pays, il y a ceux qui trinquent et il y a ceux qui grimpent.Promotion de cadres, croissance de l'effectif, McKinsey Maroc ne connaît pas "la crise" malgré les mics-macs des marchés sur lesquels le géant américain du conseil est présent en Afrique. La filiale marocaine vient de se désigner un nouveau Directeur Général, dans un modèle de gestion des ressources humaines très propre à McKinsey. Fin d'année fleurie chez McKinsey Maroc. Après le départ l'été dernier de l'un des pontes du cabinet Amine Tazi Riffi, l'instigateur de la stratégie africaine du cabinet au début des années 2000, certains se sont demandés s'il ne fallait pas y voir le signe d'un quelconque fléchissement de son activité. Erreur de diagnostic. La filiale marocaine du très célèbre cabinet américain vient au contraire d'annoncer, certes après quelques mois de flou artistique, le renforcement de ses équipes par la nomination d'un nouveau directeur général, JalilBensouda, de deux directeurs associés, Yassine Sekkat et Mehdi Damou, et le transfert au bureau de Casablanca du directeur associé en poste à Johannesburg (Afrique du Sud), François Jurd de Girancourt. «Le bureau de Casablanca, hub de McKinsey pour l'Afrique francophone, a connu sur les trois dernières années, un doublement de ses effectifs, en lien avec la forte croissance de ses activités au Maroc et dans la région», souligne le communiqué de McKinsey Maroc tout en précisant qu'en 2018, le bureau de Casablanca comptera près de 100 personnes dont 65 consultants et 6 directeurs associés. Une santé à toute épreuve À une époque où le cabinet Accenture Maroc a préféré fermer ses bureaux de conseil à Casablanca et accompagner ses clients locaux depuis le bureau de Paris, ou que d'autres se plaignent d'une baisse de leurs activités, McKinsey Maroc semble loin de ces soucis. En témoigne « la forte croissance de ses activités au Maroc et dans la région » qui justifie le renforcement de ses équipes. Le bureau marocain a le vent en poupe, aussi bien sur le marché national que dans les pays de la zone francophone qu'il couvre depuis les bureaux de Casablanca. En diversifiant son portefeuille, McKinsey a développé une forte expertise dans de nombreux secteurs -public, bancaire, assurances, mines, énergies, télécoms, santé, pharmacie, grande consommation- et continue de croître quelle que soit la conjoncture économique. Le doublement de son personnel, en trois années, le montreainsi dans une position confortable sur le marché. Pourtant, la commande publique qui a été le moteur de développement du secteur du conseil depuis une vingtaine d'années grâce aux investissements colossaux en infrastructures s'est considérablement rétrécie avec les coupes budgétaires. Ce sont d'ailleurs ces appels du pied qui ont poussé les cabinets d'aura internationale à implanter des bureaux à Casablanca pour accompagner ces investissements publics. Cette baisse dans la commande publique n'a, semble-t-il, pas entravé la croissance de McKinsey au Maroc. D'ailleurs, dans un entretien accordé à la presse en mai 2012, McKinsey Maroc y affirmait la part restreinte de la commande publique dans les activités du cabinet. Elle ne représentait pas plus de 20% de son chiffre d'affaires. Cette part aurait-elle davantage rétréci au point de ne point affecter la croissance de ses activités ? Sur un marché aussi concurrentiel que le conseil dont la taille estimé entre 500 et 700 millions par an, secteurs public et privé confondu, McKinsey s'en sort plutôt bien avec son pôle secteur privé visiblement. Car, en plus des cabinets de conseil purs, les grands cabinets d'audit qui ont généralement une branche Consulting constituent une concurrence redoutable pour les McKinsey, Kurt Salmon, Roland Berger, BCG, etc. Et ces branches consulting mèneraient une guerre des prix aux majors du conseil, à l'image de la guerre de prix intensément présent sur les prestations d'audit. Cette politique tarifaire très agressive qui sévit plus dans les appels d'offres publics, selon les propos de Nabil Bayahya, président de l'Association marocaine de conseil en management et associé Mazars a poussé certains cabinets à renoncer ou redimensionner leur exposition au secteur public. «Stratège», McKinsey a donc devancé la perte de vitesse des marchés publics en la confinant assez tôt dans des proportions qui lui permettent ne pas en ressentir les effets. Aujourd'hui, le secteur privé continue de porter le marché du conseil marocain, malgré la bataille sur les prix. Que ce soit l'élaboration des stratégies, les transformations de structures ou le pilotage & suivi du business, la demande reste importantes malgré tout. La demande du marché se porte désormais et essentiellement sur l'élaboration des stratégies et la transformation. Un «leave of absence» pour se régénérer Conscient du degré d'exigence et de rigueur demandé à ses consultants dans la conduite de leurs différentes missions, McKinsey leur offre la possibilité de gérer leur parcours professionnel de manière flexible, expliquait l'ex-directeur général Mourad Taoufiki. À ce titre, la firme américaine leur offre, entre autres, la possibilité de faire un break, de prendre un «leave of absence» pendant 3 à 9 mois pour initier un projet personnel ou entrepreneurial. L'objectif recherché dans cette démarche est de permettre au consultant de se régénérer, de se renouveler pour revenir enrichi de nouvelles expériences. Ce dispositif est visiblement très apprécié des consultants de McKinsey car il a permis au tout nouveau directeur général du bureau casablancais, Jalil Bensouda, de se consacrer entre 2011 et 2016, avec succès, à un projet entrepreneurial. En effet, en quittant McKinsey en 2011, Jalil Bensoudaco-fonde, avec Ghali Bennani, ancien propriétaire du groupe Fendi, Moongypse, une société100% marocaine spécialisée dans la fabrication et la commercialisation de gamme de produits à base de plâtre pour les professionnels du bâtiment. L'entreprise qui avait entamé au début de l'année 2013 des exportations, notamment vers l'Afrique de l'Ouest, avait préféré accélérer son développement en acceptant le leader mondial de l'habitat et des produits fabriqués à base de plâtre, Saint-Gobain, dans le tour de table. Ce dernier prendra 50% du capital de Moongypse, faisant de cette dernière une joint-venture entre les actionnaires de Moongypse et ceux de Saint-Gobain, et devant par l'occasion le troisième acteur dans le plâtre au Maroc derrière Lafarge Plâtre Maroc et la Compagnie Marocaine de Plâtre Enduit (CMPE) à l'époque. En 2015, Saint-Gobain et Lafarge Maroc ont décidé de regrouper leurs activités de plâtre dans une joint-venture devant rassembler en une seule société Moongypse et les activités de Lafarge Plâtre Maroc. Soumayya Douieb Bio-express Jalil Bensouda Arrivé à McKinsey après 7 ans dans l'industrie et la banqued'affaires, JalilBensouda a rejointMcKinsey au grade de "Associate Partner". Il souhaitait rejoindre leleader mondial de la stratégie et bénéficier d'une exposition à l'international, être confrontéà des problématiques complexes et variées, et baigner dans l'environnementde travail attractif et motivant de cette firme. Avant de revenir à McKinsey Maroc en mai 2016 dont il a pris la tête en décembre dernier, JalilBensoudal'avait quitté en tant que "Associate Partner" en 2011 pour créer sa propre entreprise, Moongypse, une joint-venture avec Saint Gobainspécialisée dans la fabrication de produits en plâtre. Il avait été, avant sa première entrée à McKinsey, directeur financier de Regional Air Lines pendant deux ans, de juin 1997 à mai 1999, directeur corporate de Wafatrust, banque d'investissement du groupe Attijariwafabank, de juin 1999 à mai 2004 à Casablanca puis directeur financier de Genpharma jusqu'en février 2006. Il rejoindra après cette expérience McKinsey Maroc en tant que "Associate Partner". Jalil Bensouda est lauréat de HEC Lausanne en 1997. Yassine Sekkat Le nouvel associé de la filiale marocaine de McKinsey &Companya intégré le bureau de Casablanca en septembre 2007 en tant que "Junior Associate" avant d'en sortir trois années plus tard, en septembre 2010, pour co-fonder Clicoo.maà Casablanca. Il revient à McKinsey en mars 2012 et gravit les échelons jusqu'à sa promotion au rang de Partner en décembre dernier. Avec 9 années au sein du cabinet, Yassine Sekkat est l'expert de la transformation digitale des grandes organisations et institutions. Il a lancé le «Digital Lab» à Casablanca en 2017, un pôle spécialisé dans le digital devant regrouper des talents pointus dans la technologie. Avant de rejoindre McKinsey, Yassine Sekkat a passé six mois chez Mercer OliverWyman en tant que consultanten services financiers, notamment dans le cadre des stratégies de lancement de compagnie d'assurance lowcost. Puis il rejoint, pour 4 mois, le cabinet Bain &Company à Dubai. Yassine Sekkat jouit d'un master en Ingénierie de l'Ecole Nationale Supérieure des Télécommunications de Paris. Mehdi Damou Co-fondateur de deux start-up en Algérie, dans la mode et dans l'événementiel en 2005 et 2006, Mehdi Damouest ensuite passé par une AREVA NP en tant que Analyste en Stratégie à Lyon pour une durée de 3 mois avant d'intégrer la prestigieuse entreprise L'Oreal S.A. en 2008, à Paris. Product Manager Junior de Vichy Cosmetics, Mehdi Damou a, à ce titre, assuré l'analyse commerciale et marketing des performances de cette franchise sur les marchés européens autant qu'il était chargé de concevoir et dirigé les campagnes marketing de cette marque. Il rejoint McKinsey Maroc en septembre 2009 en tant que "Engagement Manager" avant de rejoindre la branche Canadienne du cabinet à Montréal en 2014, pour une année, dans le cadre d'un transfert.Il revient au Maroc en tant que "Associate Partner" en août 2015 avant d'être nommé en décembre dernier "Partner" du bureau marocain. Il a eu à gérer des missions dans des secteurs stratégiques tels que les télécommunications, l'industrie et l'énergie, avec une spécialisation dans le redressement et la restructuration d'entreprises. Mehdi Damou est diplômé d'un master de HEC Paris et d'un DEA en économie de l'Université Paris I, Panthéon-Sorbonne.