Même Cannes, le festival, traditionnellement pro-hollywoodien, a jugé utile de réagir pour dénoncer et condamner : «C'est avec consternation que nous avons découvert les accusations de harcèlement et de violence sexuelle récemment portées contre Harvey Weinstein, professionnel du cinéma dont l'activité et la réussite sont connues de tous, qui lui valent de séjourner à Cannes depuis de nombreuses années et d'avoir de nombreux films sélectionnés au Festival International du Film dont il est une figure familière», expliquent conjointement Pierre Lescure, président du festival, et Thierry Frémaux, son délégué général. «Ces faits relèvent d'un comportement impardonnable qui ne peut susciter qu'une condamnation nette et sans appel», ajoutent les deux hommes. Lescure et Frémaux ont également tenu à adresser leurs pensées «aux victimes», « à celles qui ont eu le courage de témoigner et à toutes les autres», précisent-ils. «Puisse cette affaire contribuer à dénoncer une nouvelle fois des pratiques graves et inacceptables», espèrent encore les deux hommes. C'est en effet un véritable séisme qui vient de secouer la planète cinéma. L'homme pointé du doigt n'est pas n'importe qui. C'est une figure de proue de toute une tendance du cinéma américain si ce n'est international. Harvey Weinstein avait fondé avec son frère la société de production Miramax mondialement connue pour avoir mis sur le marché des films cultes. Je pense notamment aux Oscarisés Pulp Fiction, Shakespeare in love...Il avait même obtenu La légion d'honneur pour l'opération menée avec le film The artists oscar du meilleur film en langue non anglaise (et quatre autres oscars techniques). Il faisait la pluie et le beau temps...une figure rhétorique que l'on pourrait traduire trivialement par le faiseur de carrière. Un quotidien international parle à son propos «d'ogre des temps modernes». Un ogre dont le terrain de chasse est les festivals, les studios de tournages, les bureaux de production. Un ogre des suites de luxe de Beverly Hills. Il a bénéficié d'une sorte d'omerta pendant plusieurs décennies, protégé par l'argent, la puissance, et il faut le dire par la lâcheté des unes et la connivence des autres. C'est un article d'u journal américain qui a fait tomber le voile, ce linceul du silence qui cachait un véritable drame. Les langues se sont alors déliées et les révélations se succèdent. Le week end du 14/15 octobre, ce fut un long feuilleton de tweets et de posts sur les réseaux sociaux où des noms célèbres ou anonymes mettaient en lumière des récits et des faits aussi terribles les uns que les autres. Rosanna Arquette, Asia Argento, Gwyneth Paltrow, Angelina Jolie, shley Judd, Emma de Caunes, Judith Gdrèche... des stars hyper adorées de par le monde sont ainsi montées au créneau pour s'exprimer et décrire le mode opératoire, itératif, mené par le producteur pour assouvir ses passions : invitations, menaces. L'agression est toujours camouflée derrière un motif professionnel («Viens que je te montre un scénario», l'un de ses leitmotivs alléchants). Aux dernières nouvelles, Weinstein a été exclu de l'Académie des Oscars et le volet judiciaire ne manquera pas de suivre bientôt. En attendant, c'est la cascade des révélations qui continuent. Du Maroc (voir l'interview d'une comédienne marocaine à un site électronique) au Danemark avec ce post sur facebook de la chanteuse Björk révélant qu'elle avait été sexuellement agressée par un réalisateur danois et qu'elle s'était rendue compte que ce genre d'attitudes faisait partie de «la norme» dans le milieu du 7e art. On n'a pas besoin d'être sorcier pour imaginer de quel réalisateur elle veut parler. Drôle d'époque.