Les organisateurs de la 18ème édition du Festival international du cinéma méditerranéen de Tétouan ont rendu un vibrant hommage à une figure de proue de cette ville qui l'a aimée de toute son âme et que la colombe blanche le lui a rendu si bien. Le réalisateur Mohamed Ismail, qu'on ne présente plus, a été sur un petit nuage en montant sur scène pour recevoir son trophée, sous les applaudissements fiévreux du public admirateur. “Sans vantardise, je peux vous assurer que, durant toute ma carrière au cinéma, j'étais honoré dans de nombreux festivals à l'échelle nationale et internationale. Mais cet hommage, qui m'est rendu dans ma ville natale et parmi les miens, a, croyez-moi, un goût spécial et m'est particulièrement précieux”, a-t-il déclaré, non sans émoi, en recevant le trophée d'hommage des mains du Wali, gouverneur de la province de Tétouan, Mohamed Yacoubi, lors de la cérémonie d'ouverture du Festival. Visiblement, ce natif de la ville de Tétouan en 1951, jouit d'une popularité qui ne se dément pas auprès du public tétouanais. Et pour cause, Mohamed Ismail est demeuré fidèle et profondément attaché à la ville qui l'a vu naître et grandir, tout au long de son parcours professionnel qui s'étale sur 17 ans. D'ailleurs, il est le premier à s'en targuer. “Presque tous mes films, je les ai tournés à Tétouan et ses environs. Je vous promet de persévérer sur la même voie”, a-t-il dit à l'adresse de l'assistance. C'est à l'âge de 23 ans qu'Ismail, fraîchement diplômé de la faculté de droit de Rabat, entre au monde de l'art par la grande porte, en intégrant la télévision marocaine où il passe un pan de sa vie à produire et à réaliser des films, des documentaires et des émissions de variété. Après 25 ans de travail à l'ombre, Mohamed Ismail passe derrière la caméra pour réaliser en 1996 son premier long-métrage “Aouchtam”, dont l'intrigue se déroule dans le village de pêcheurs éponyme, à 32 kilomètres de Tétouan, sous le protectorat espagnol. Malgré un accueil “plutôt tiède” de la part de médias, Mohamed Ismail ne se laisse pas décourager et sort, quatre ans plus tard, son deuxième long-métrage “Et après”, un regard perçant sur l'immigration clandestine qui hante les rêves des jeunes du Nord du Maroc. Le film, mieux accueilli par la critique, vaut à son réalisateur le Grand prix et prix du meilleur scénario et réalisation du Festival national du film d'Oujda. C'est alors le début d'une carrière fulgurante et prolifique pour le cinéaste tétouanais. En l'espace de 10 ans (entre 2001 et 2011), il sort quelque 7 œuvres, entre films et téléfilms, dont on peut citer “Les vagues du rivage”, adaptation d'un ouvrage de Bensalem Himmich qui a remporté le prix Jamour du meilleur téléfilm marocain 2002, “Ici et là”, tourné à Lyon sur les thèmes de l'immigration, de la crise identitaire et du conflit des générations, qui rafle le Prix du meilleur scénario au Festival du film indépendant de Bruxelles. Son long-métrage “Adieu mères”, sorti sur les écrans en 2007 et mettant en relief la merveilleuse histoire de cohabitation entre Musulmans et Juifs au Nord du Maroc, est choisi pour représenter le Royaume aux Oscars de 2009. “Les temps stériles” (2011), dernier nouveau-né de Mohamed Ismail, traite, lui de la stérilité chez les hommes et de tous les préjugés qui l'entourent dans une société conservatrice de Tétouan. Si Mohamed Ismail a toujours collaboré avec les grands noms du cinéma marocain, tels que Rachid El Wali, Mouna Fettou, Naima Lamcharki et Mohamed Miftah, pour ne citer que ceux-ci, il en a été autrement pour “Les temps stériles” où de jeunes acteurs campent les rôles principaux. A 60 ans, les cheveux sel et poivre et l'allure bohémienne, Mohamed Ismail peut être fier d'avoir fait découvrir au public marocain sa ville natale en immortalisant dans ses films ses quartiers et ruelles, son accent si typique et une partie de son histoire et de ses us et coutumes, mais aussi en la représentant dignement lors des grandes manifestations cinématographiques aussi bien nationales qu'internationales. Habité par sa ville et préoccupé de son avenir cinématographique, il a tenu à adresser ce mot au public qui n'a eu de cesse de l'applaudir: “Je suis si content de voir que la ville de Tétouan et la région du Nord du Maroc en général, sont devenues des destinations de plus en plus prisées par les cinéastes marocains. J'espère que ce sera le cas bientôt pour le cinéma international, car le Nord vaut bien le détour !”.