Pour Moulay Ismail Alaoui, le ramadan représente une opportunité de retour aux sources et aux valeurs fondamentales. Il éveille chez lui des souvenirs d'une enfance vécue dans l'ancienne médina de Salé. Il estime, de même, que la programmation cathodique durant ce mois de carême traduit le niveau culturel dans notre pays. S'agissant du paysage médiatique, notre interlocuteur juge que l'environnement médiatique a connu une importante mutation plus au niveau quantitatif que qualitatif. Al Bayane : Que représente pour vous l'ambiance spirituelle et sociologique que procure le mois sacré du Ramadan ? Moulay Ismail Alaoui : Ramadan est le mois du ressourcement tant au niveau des us et coutumes que du point de vue de la réflexion et de la méditation sur le sort des êtres humains, à titre individuel ou collectif. C'est ainsi que je perçois ce mois de jeûne. Comment vous organisez vos journées durant ce mois ? Les soirées ramadanesques sont propices aux rencontres de tous genres. Avez-vous le souvenir de quelque chose qui vous a marquée durant l'une d'entre elles ? Mes journées ne changent pas au niveau de leur organisation ou de leur non organisation : Réveil de bonne heure, toilette, lecture et travail, soit au niveau du parti, soit au niveau personnel. Au coucher du soleil, déjeuner en famille au sens large du terme, échanges de points de vue, bavardages, thé, moments de méditation, puis fin de la journée. Je ne suis pas un fanatique des soirées ramadanesques, mais je suis pour les visites des membres de la famille chez eux, soit pour déjeuner avec eux, soit pour passer quelques moments agréables en leur compagnie. Je ne crois pas me souvenir d'une soirée remarquable durant l'une d'entre elles, sinon (et je ne voudrais pas paraître macabre), celle de la mort d'un proche qui a toujours souhaité rendre l'âme la nuit du destin. Et c'est ce qui s'est produit, son vœu ayant été exaucé. Sinon, je me souviens des Leylat El Qadr de mon enfance à Salé avec la féerie qui les caractérisait dans une ville de tradition comme Salé. Etes-vous de ceux qui laissent apparaître des sautes d'humeur durant la période du jeûne ? Pourquoi ? Des sautes d'humeur ? Pourquoi spécialement durant la période du jeûne ? Au contraire, durant le jeûne, il est recommandé de faire preuve encore plus de self contrôle, de pardonner les offenses et d'être zen, sinon on risque d'être connu par la «aya» qui stigmatise,” “c'est à dire ceux qui veulent «se faire voir», « frimer» pour le moins. Quelle appréciation portez-vous sur la programmation TV sur les chaînes nationales ? Etes-vous d'accord avec ceux qui estiment que le niveau esthétique et professionnel des sitcoms pêche par son indigence pour ne pas dire sa médiocrité? A qui incombe la responsabilité de cette situation ? Concernant les programmations TV pendant le Ramadan, j'espère que l'association que préside notre ami Mustapha Ben Ali va bien nous défendre en tant que spectateurs et faire en sorte que nous ne soyons plus contraints à voir des programmes affligeants comme à l'accoutumée. Je pense que la situation qui prévaut sur nos chaînes, à quelques rares exceptions prés, est une résultante : elle est le reflet de notre niveau culturel moyen ; mais il n'y a pas lieu de désespérer : De jeunes talents se profilent à l'horizon et j'espère que nos «Marocains du monde » viendront à notre secours dans ce domaine comme dans d'autres. Quelles sont vos lectures préférées durant ce mois sacré ? Mes lectures au cours du mois de Ramadan sont les mêmes que le reste de l'année : La presse nationale et internationale, des revues de qualité, des essais et des livres d'histoire ou d'analyse politique, économique ou sociale, c'est à dire des ouvrages qui stimulent la réflexion. Quel regard portez-vous sur le paysage médiatique marocain : presse écrite et audiovisuel ? Le paysage médiatique national actuel a connu une mutation d'envergure spécialement depuis un peu plus d'une décennie. Il a progressé quantitativement. Il s'est diversifié mais n'a pas encore atteint ce qu'on peut lui espérer de mieux, sur le plan de la qualité et, souvent, sur le plan de la déontologie. Qu'est-ce qui a changé dans la société marocaine ? Les mécanismes de sociabilité qui ont permis de perpétuer les fondamentaux de la personnalité marocaine fonctionnent-ils toujours ? Comme toute société, la société marocaine se transforme de manière continue. En bien et en moins bien, mais l'évolution, pour ne pas dire le progrès, et la mutation ne sont pas toujours linéaires et univoques. Cependant les « fondamentaux » de la personnalité marocaine perdurent avec des adaptations, somme toute, normales. Il est évident que si un de nos aïeux pouvait revenir sur terre, il ne reconnaîtrait plus, ni son Maroc ni ses Marocains ; et c'est tant mieux ! On peut regretter la disparition de certaines manifestations d'urbanité telles que nous les avons connues dans notre enfance, mais je suis sûr qu'elles sont remplacées par d'autres aussi valables et qui évolueront elles mêmes, sachant que personne «ne se baigne dans les mêmes eaux d'un fleuve», comme l'a dit, il y a des siècles, le philosophe grec.