Antoine Lopez est spécialiste du documentaire animé. Réalisateur de court-métrages, en l'occurrence de Rodolfo Traviata (film fiction), Traverses (dessin animé), lieux communs (essai documentaire), Antoine a fait le déplacement au FICAM pour animer la conférence inaugurale autour du documentaire animé. Il se confie sur cette section du cinéma d'animation. Les propos. Al Bayane : Comment voyez-vous la ligne éditoriale du FICAM ? Antoine Lopez : Je suis venu au FICAM il y a plusieurs années. Cette fois, j'ai remarqué un saut significatif entre ce que j'avais vu il ya 10 ans et ce qui est fait aujourd'hui. Je crois que le FICAM 2016 a été bien organisé avec des conférences, des master-classes. De ce côté-là, la ligne éditoriale est claire. Cette année, le documentaire animé fait partie de la programmation et c'est la raison pour laquelle je suis là. Il y a un grand débat ici autour du documentaire animé. Techniciens, professionnels et spécialistes viennent s'exprimer et montrer leurs travaux. L'actualité n'est pas non plus en reste dans la mesure où sont projetés de long-métrages qui viennent de sortir et qui n'ont jamais été diffusés au Maroc et ce, en présence des réalisateurs ou des producteurs qui viennent également parler de leur travail. Ce qui est intéressant dans un festival comme le FICAM, c'est la possibilité de voir les films avec plaisir, mais aussi de s'enrichir grâce aux discussions, conférences, master-classes, tables rondes. Pour moi, le FICAM est la structure idéale pour les Marocains, notamment les jeunes et pour ceux qui aiment le cinéma et qui ont envie de s'y investir. Le documentaire animé fait l'objet de nombreuses discussions depuis quelques jours ici au FICAM. En effet, il existe depuis longtemps dans le cinéma, mais depuis les années 2000, il connait une expansion assez remarquable au niveau international. Plusieurs documentaires animés sont projetés dans les festivals. On remarque aussi une augmentation au niveau de la production, ce qui était rare avant les années 2000. Depuis 16 ans, il y a une production qui s'installe et qui nous amène entre autres des films intéressants où le réel est présenté par le dessin ou la marionnette. Ceci dit, c'est quelque chose de nouveau dans l'histoire du cinéma d'animation. Je pense qu'au niveau esthétique, le cinéma d'animation connait un tournant. Le choix du documentaire animé par le FICAM est un signal fort. Certains festivals ont même instauré une section autour du documentaire animé. Il y a un changement de mentalités insufflé par les nouvelles générations. Avant, le documentaire passait par la prise de vue en continue. On prenait la caméra et on filmait le réel. La photo était porteuse d'une certaine vérité. Aujourd'hui, on peut traiter la photo avec des logiciels d'image. Celle-ci n'a plus ce statut d'intouchable. Les nouvelles générations qui arrivent avec ces matériaux et nouvelles technologies ne respectent plus cette hiérarchie entre photo et dessin. Du coup, cela entraine plus de subjectivité dans le sujet abordé, ce qui donne forcément des œuvres plus fortes. Au-delà de la technique et de l'évolution des nouvelles technologies, qu'en est-il de la profondeur de la vision sur le plan cinématographique et intellectuel ? Je pense que réaliser un film d'animation est plus long que réaliser un documentaire en prise de vue en continue et filmer le réel. Le film d'animation prend plus de temps. Ce temps pourrait plutôt servir à mon avis à réfléchir, à mener à la maturation le traitement du sujet, ce qui aurait inéluctablement un impact sur la réalisation des films. Prenons à titre d'exemple le film australien «la voix de sa mère» qui raconte une histoire terrible que le réalisateur a entendue à la radio. Celui-ci s'en est inspiré et a dessiné par la suite l'histoire.