Le minaret est tombé à Ghardaïa, il faut donc pendre le Maroc. C'est la trouvaille du régime algérien pour se dédouaner de toute responsabilité dans le désastre de la vallée du M'zab, à laquelle le Premier ministre Abdelmalek Sellal a promis monts et merveilles durant la campagne présidentielle d'avril 2014. A en croire les confidences et même les déclarations publiques des officiels algériens, les événements dramatiques survenus dans cette région du sud ont été fomentés à l'étranger par des services de renseignement de plusieurs pays, en particulier ceux du voisin de l'Ouest. A chaque fois qu'ils sont confrontés à une calamité nationale, les porte-voix du régime algérien répètent presque inconsciemment la même rengaine sur la conspiration ourdie sous d'autres cieux. La récente tragédie de Ghardaïa a mis à nu toute l'étendue de la frilosité des gouvernants d'Alger, qui ont instruit leurs porte-paroles et les médias aux ordres de déterrer ce discours suranné dans l'espoir d'orienter le débat vers l'ennemi extérieur. Or, c'est du désespoir de toute une population dont il est question. Contre toute logique et à l'opposé de toutes les données objectives présageant une explosion à Ghardaïa, les mastodontes du pouvoir ont entonné en chœur le refrain de la fameuse "main étrangère" par laquelle on veut masquer l'incurie et l'incompétence des inféodés du régime, qui conduisent leur pays droit au mur par leur désinvolture et leur obstination à vouloir passer outre les nouvelles réalités géostratégiques et les mutations qui s'opèrent tout autour et dans le reste du monde. Lorsque les prix du pétrole ont entamé leur descente aux enfers au deuxième semestre 2014, le patron du Front de libération nationale Amar Saadani, un fidèle parmi les fidèles, a crié à "la conspiration qui veut soumettre l'Algérie économiquement" par des pays "qui ont échoué à s'immiscer dans ses affaires internes via ce qu'on appelle +le printemps arabe+". Et lorsque des militants des droits de l'homme et de jeunes activistes politiques ont voulu contester le quatrième mandat du président Abdelaziz Boueflika, on leur a vite découvert des ramifications avec des lobbys sionistes et des parties étrangères cherchant à ternir l'histoire et l'image du grand moudjahid "Si Abdelkader El Mali", nom de guerre de l'actuel chef de l'Etat durant la révolution contre l'occupation française. Depuis des lustres, le régime algérien fait dans la diversion pour assurer sa propre survie, quitte à prendre tout un peuple en otage de cette obsession, à dilapider la richesse nationale pour satisfaire son égocentrisme et s'acheter une aura mensongère sur la scène internationale, au détriment des rêves et des aspirations des citoyens, surtout les jeunes refusant de payer les pots cassés d'un passéisme pathétique. La stratégie de manipulation suivie par le régime algérien est tout aussi simpliste que risible: diaboliser le Maroc et le rendre responsable de tous les malheurs de son voisin, au point que les faucons du pouvoir ont érigé la haine du Royaume au niveau d'une "religion". Et tout renégat risque symboliquement la pendaison sur la place publique pour haute trahison. Mais, semble-t-il, cette vision réductrice des choses ne passe plus comme une lettre à la poste auprès d'une bonne partie de l'opinion publique algérienne, désormais peu encline à digérer des allégations tellement peu plausibles. Le vent a apparemment tourné, alors que le régime est enlisé dans des guéguerres de succession, qui l'empêchent de bien apprécier les transformations au sein d'une société algérienne avide de changement, de renouveau et d'un meilleur usage de ce qui reste de ses ressources.