Durant le mois de ramadan, nos habitudes alimentaires changent, le rythme de notre vie, lui aussi, connaît des changements notables. De ce fait, l'organisme se trouve subitement confronté à une situation où tous les paramètres sont en déphasage total. Ces changements des habitudes culinaires, du sommeil, des relations, des horaires du travail, peuvent induire des troubles. Parmi ces modifications, il y a les troubles digestifs qui représentent un motif de consultations médicales non négligeable durant le mois de ramadan. Pour mieux cerner ce sujet, nous avons rencontré pour nos lecteurs le docteur Benhayoun Mohamed Kamal gastro-entérologue, spécialiste des maladies du tube digestif Quelles sont les maladies digestives les plus fréquentes durant le mois de ramadan ? Déjà, de prime abord, on peut séparer les troubles digestif et là on parle des problèmes de l'estomac, et des troubles intestinaux et en second lieu, nous distinguons les affections du foie. Donc comme vous pouvez le voir, il y a deux grands chapitres bien distincts qui peuvent avoir des incidences quotidiennes sur la vie de certaines personnes durant le ramadan. Aujourd'hui, quand on parle de maladies de l'appareil digestif, il faut vous dire que ce nous sommes amenés à voir de plus en plus comme affections dans nos différents cabinets de consultations de gastro-entérologie durant le mois de ramadan est très différent de ce qui existait, il y a de cela quelques années. Je m'explique : Par exemple la maladie ulcéreuse qui causait de très grands problèmes de santé durant la période de ramadan, et qui était en tête de liste des affections prises en charge dans des situations d'urgences au niveau des hôpitaux publics. Les malades arrivaient à l'hôpital souvent en état de choc et présentaient des hémorragies digestives, ce qui nécessitait des prises en charge en réanimation, des soins lourds et une surveillance 24 H / 24 H . Dans le même registre et toujours concernant les pathologies digestives très fréquentes et auxquelles on faisait face dans des situations urgentes, il y avait les ulcères perforés de l'estomac, qu'il fallait opérer en urgence. Aujourd'hui ces situations ont pratiquement disparu ou du moins sont très peu fréquentes. A l'évidence cela constitue une grande avancée dans le domaine de la médecine, du fait des progrès réalisés dans le domaine thérapeutique de l'ulcère de l'estomac qui est traité largement avec des antibiotiques qui arrivent à bout du bacille pylori, sans oublier que les prix des médicaments de l'ulcère de l'estomac ont connu des baisses très importantes et donc ces médicaments autrefois très onéreux, sont aujourd'hui très accessibles à une large frange de notre population. Ajoutons à cela l'impact positif induit par l'assurance maladie obligatoire (AMO) qui permet à un très grand nombre de malades de pouvoir se faire soigner comme il se doit. Tous ces éléments font qu'aujourd'hui l'ulcère en tant que maladie aigue qui avait des incidences graves pendant le ramadan est quelque chose qu'on ne voit pratiquement plus. Les malades ulcéreux qui représentaient une part importante des consultants au niveau des cabinets médicaux, des patients qui venaient avant le ramadan pour s'enquérir auprès de leurs médecins traitants respectifs, s'ils pouvaient ou non jeûner ? Qu'est ce qu'ils pouvaient ou non manger ? Quel traitement prendre ? Tout çà c'est du passé. Mais on peut rencontrer des ulcères en poussée qui se révèlent pendant le ramadan, des ulcères qui peuvent se compliquer. Donc les malades qui sont suivis pour ulcère, doivent savoir qu'il y a certaines précautions à prendre, que les traitements prescrits par le médecin traitant sont à prendre tout en respectant la période de ces thérapeutiques avant, pendant et après le ramadan dans le but de bien protéger leur estomac et d'éviter toutes complications possibles. Qu'en est-il des autres affections ? Maintenant, les affections qui sont fréquentes, ce que nous voyons le plus aujourd'hui et surtout pendant le mois de ramadan, ce sont les troubles digestifs. C'est tout ce qui est lié aux troubles fonctionnels. Il y a deux volets qu'il faut bien distinguer. Le 1er, c'est celui lié à la digestion, le malade va se plaindre de douleurs abdominales, de troubles du transit (constipation – diarrhées), de ballonnements, de pesanteur surtout après la rupture du jeûne. Ce n'est pas une règle générale le tableau symptomatologique, la gravité, varie beaucoup d'une personne à l'autre. Certains patients peuvent présenter plusieurs des symptômes suivants : constipation ou diarrhée, parfois en alternance; douleurs et crampes abdominales soulagées souvent par l'émission de gaz ou de selles. Des ballonnements et flatulences; ressentir un besoin impérieux d'aller à la selle; des sensations d'évacuation incomplète des selles; le malade peut aussi noter la présence de mucus dans les selles. Il y a aussi les troubles dyspeptiques et le reflux gastro-œsophagien que sont des troubles fréquents en cette période de ramadan. Il faut savoir que les troubles dyspeptiques représentent la première cause de consultation en gastro-entérologie. La dyspepsie est apparemment plus fréquente au cours du mois de Ramadan. L'apparition de symptômes dyspeptiques relève d'une mauvaise alimentation au moment de la rupture du jeûne du fait de l'association fréquente et excessive d'aliments trop gras, trop sucrés, trop épicés, d'excitants (café, boissons gazeuses...), ce qui a pour conséquence une irritation digestive à l'origine de douleurs. Quand au reflux gastri-oesophagien, il résulte d'un relâchement du sphincter inférieur de l'œsophage qui, physiologiquement, se referme dès le passage du bol alimentaire dans l'estomac pour éviter la remontée du contenu gastrique. Cette défaillance entraîne un reflux d'acide et provoque des brûlures de la paroi œsophagienne, à l'origine des douleurs caractéristiques du RGO. Entre autres causes, l'alimentation est un facteur qui peut favoriser la survenue de reflux gastro-œsophagiens. Lors du jeûne du Ramadan, la modification de l'alimentation après le repas du ftour privilégiant des aliments riches en lipides et en glucides qui vont directement agir sur le relâchement du sphincter inférieur de l'œsophage s'accompagne d'une augmentation de la sécrétion d'acide gastrique à l'origine des douleurs au niveau œsogastrique et d'un ralentissement de la digestion. Les changements alimentaires en termes de qualité (repas riches en graisses) et de quantité (prise importante et tardive d'aliments, juste avant le sommeil) favorisent la survenue du RGO. Le 2ème volet est relatif aux problèmes du colon Le syndrome de l'intestin irritable est considéré plutôt comme un trouble fonctionnel que comme une maladie. Il s'agit d'un mauvais fonctionnement sans lésions apparentes au niveau de l'intestin. Quant au terme “syndrome”, il désigne un ensemble de symptômes à type de douleurs abdominales, de ballonnements et de troubles du transit (constipation, diarrhées). Concernant la constipation et sa fréquence, il faut dire que le jeûne est apparemment à l'origine d'une plus grande fréquence de troubles intestinaux où la constipation est prédominante. Cette dernière serait la conséquence directe du déséquilibre engendré notamment par l'interdiction d'apport hydrique qui contraint l'organisme à réduire les pertes. L'organisme ne répond plus à la soif pour compenser les pertes externes et puise l'eau dans ses ressources internes. Les conséquences sont une coloration foncée des urines plus concentrées et une augmentation de la consistance des selles qui, physiologiquement, sont constituées de 75 à 85 % d'eau et seulement de 18 à 22 % de matières sèches. La constipation peut causer des désordres anodins tels que l'indigestion avec sensation de ballonnements, mais elle peut parfois être plus grave avec l'apparition d'hémorroïdes ou de fissures anales, d'hémorragies anales qui vont apparaître. Durant le mois de Ramadan, le changement alimentaire et de mode de vie impose chez ces patients un suivi médical particulier afin d'éviter une aggravation de la symptomatologie digestive. Et s'agissant des maladies du foie ? On parle souvent des hépatites virales, de l'hépatite C et à ce sujet, il est utile de rappeler qu'un grand nombre de nos concitoyens sont atteints de ces maladies du foie. Eu égard au respect strict que doit observer le malade en ce qui concerne le traitement, certains patients viennent nous voir pour s'enquérir sur ce qu'ils doivent faire durant le ramadan. La question la plus couramment posée, c'est celle de savoir s'ils peuvent ou non jeûner ? Généralement, toutes les maladies du foie qui sont stables, équilibrées grâce à un traitement, ne posent pas de grands problèmes. Le malade qui est en bonne et parfaite santé physique peut jeûner tout en prenant soin de faire très attention à toutes anomalies observées. Par contre, si le malade présente une maladie du foie à un stade avancé ou si son état physique est détérioré, si son médecin traitant juge qu'il ne peut pas jeûner, ce malade se doit de suivre les conseils du médecin et prendre son traitement aux heures indiquées. Il est utile de rappeler ici toute l'importance de la bonne observance du traitement de l'hépatite C. De très grands progrès ont été réalisés dans le domaine des traitements et grâce aux traitements actuels, il est donc possible d'éviter ou de retarder une évolution vers la cirrhose qui peut survenir, dans une minorité des cas, après 20 ou 30 ans d'évolution et peut se compliquer sous forme de cancer du foie; D'améliorer la qualité de vie des personnes atteintes; d'être débarrassé ou, en cas de guérison, d'éliminer le risque de la contagiosité. Quels sont les effets indésirables du traitement de l'hépatite C ? Les traitements de l'hépatite C sont parfois difficiles à supporter. Il n'est pas rare qu'ils s'accompagnent, au moins dans un premier temps, de forte fatigue tant physique que psychique. Hypersensibilité et irritabilité ne sont pas à négliger par le malade. Parmi les effets indésirables les plus couramment rencontrés, il y a la fatigue, nausées, vomissements, diarrhée, manque d'appétit. Quand l'appétit manque, la perte de poids est augmentée. Le poids doit être vérifié régulièrement. Les nausées sont souvent aggravées par un estomac vide surtout en cette période. Les personnes ayant de graves nausées et des vomissements sont à risque de déshydratation, de déséquilibre des électrolytes, de ralentissement du métabolisme et de perte de poids. Ces malades ne doivent pas jeûner. Ils doivent s'en tenir aux recommandations de leur médecin traitant. Le médecin fait en sorte que le traitement contre l'hépatite C qu'il prescrit à un patient soit aussi facile à suivre que possible. Par conséquent, il est important que le patient informe son médecin de l'apparition de tout effet secondaire, pour que celui-ci lui propose une solution susceptible de l'aider. Nous tenons à remercier le docteur Benhayoun Mohamed Kamal qui a bien voulu répondre à nos questions.