Les journalistes et les admirateurs de Rachid Belmokhtar attendent l'arrivée du ministre de l'éducation nationale et de la formation professionnelle depuis quelques minutes. La salle de la Chambre Française de Commerce et d'Industrie au Maroc est comble ce vendredi car le politicien vient y tenir une conférence : «Une nouvelle Ecole pour le citoyen de demain». Rachid Belmokhtar commence sans attendre : «l'éducation est un projet essentiel pour le développement du pays. Aujourd'hui, nous en sommes à la première phase, au démarrage d'une réforme profonde». Le ministre fait état d'une éducation «malade», aussi bien au niveau national que mondial. «Certains maux sont marocains ; d'autres sont partagés. L'école actuelle n'a pas suivi les progrès technologiques et scientifiques, par exemple. Et au Maroc particulièrement, en matière d'éducation, nous sommes conservateurs. Nous avons des enseignants formés hier, qui donnent cours à des jeunes aujourd'hui, pour les préparer au monde de demain. Notre école est restée classique dans ses méthodes. Elle est fermée sur elle-même. Elle n'est pas en phase avec ce qui se passe hors de ses murs. » Le ministre mentionne ce qu'il considère être un autre problème : « Quand on parle d'excellence, c'est avant tout disciplinaire. Mais la vie, ce n'est pas des disciplines. C'est des connaissances, des comportements, et des savoir-faire. Donc, ne devrions-nous pas changer notre manière d'évaluer nos enfants ? » L'excellence, d'après le ministre, doit être conçue comme la capacité des enfants à se préparer à un avenir complexe. «Il faut que l'enseignement développe donc des qualités essentielles chez les futurs citoyens, comme la curiosité. Ce n'est plus un vilain défaut ! Au contraire, il faut répondre à ce besoin. L'endurance et la persévérance sont aussi des attributs importants. Cela permet de faire des efforts pour mener des projets à bien, même si les résultats ne sont pas immédiats. La conscience, la confiance en soi, la force de caractère, l'acceptation du risque, l'esprit d'équipe, la passion et l'engagement doivent également être des comportements encouragés par l'éducation. » Les changements que le ministère veut opérer « seront progressifs ». Rachid Belmokhtar estime que la boucle sera bouclée dans quinze ans. «Mais il faut néanmoins répondre aux problèmes d'aujourd'hui. L'éducation est un droit fondamental. C'est aussi une obligation de la famille et de l'Etat. Cela figure dans notre constitution : nous devons procurer une éducation accessible et de qualité à chacun. Pour ce faire, il y a des besoins urgents. Pour les identifier, le ministère a organisé des consultations. Plus de 102 000 personnes ont participé. Il reste encore du travail à faire mais nous avons compartimenté les urgences en plusieurs catégories». Pour le ministre, il faut approcher l'éducation en commençant par la sortie : «Que cherche-t-on à retrouver chez un jeune qui sort du système ?» Pour Rachid Belmokhtar, un sentiment d'appartenance est primordial. «Le jeune doit savoir qu'il appartient à une famille, à une ville, à un système scolaire, à un pays dans le monde. A chaque niveau, il doit savoir où il se situe et quelle est sa place. » Un défi à relever est de placer «l'accès au savoir» au cœur de l'éducation. « Les programmes doivent permettre aux enfants d'acquérir par eux-mêmes le savoir. Internet fournit un vrai panel de connaissances mais il faut savoir comment y accéder. La langue est un outil qui aide à la compréhension mais il faut aussi avoir certaines connaissances pour comprendre ce qu'on a sous les yeux. Prenez les fonctions, par exemple. Aujourd'hui, les Smartphones font les calculs ! Mais il faut apprendre aux élèves à quoi servent les fonctions. » Le ministre décrit ensuite le capital social, autre capacité qui doit être maîtrisée par un élève qui finit son parcours scolaire. « Le capital social, c'est le fait que les capacités d'un groupe sont supérieures à la simple somme des aptitudes de ses composants. Quels comportements permettent de multiplier les résultats ? Aujourd'hui, l'école s'occupe de l'individu. Elle ne se base pas sur le capital social. L'enseignant s'adresse à chaque élève, individuellement. Elle forme des individus. Elle évalue chaque élève avec un examen individuel. Pourtant, l'esprit d'équipe est de plus en plus valorisé en entreprise». Le ministre passe ensuite en revue la notion de bien-être, essentielle à ses yeux pour les futurs citoyens. «C'est ce qu'on veut pour les jeunes ! Il faut préparer l'enfant au bonheur. Cela commence avec des attitudes à apprendre comme se comporter correctement avec soi-même, se respecter, faire attention à sa santé, etcetera. Et bien sûr, l'enfant doit se tenir au courant de ce qui se passe dehors, ailleurs. Il doit savoir quelle est la situation du Maroc actuellement, dans le futur, internationalement, économiquement, par rapport au stress hydrique...».