C'est un joli cru que nous a présenté Cinécoles de cette édition du festival de Marrakech ; et de l'avis même du président du jury qui avait déclaré avant la proclamation du palmarès que le niveau de Cinécoles de cette année «était bon et surtout diversifié». La section elle-même qui a pris de l'ampleur depuis qu'elle est dotée d'une récompense princière de 300.000 dirhams destinés à préparer, réaliser le deuxième film pour l'heureux lauréat et qui bénéficie aussi de la part du festival d'un prestigieux jury, est une séquence riche d'enseignements pour l'observateur attentif du paysage cinématographique marocain. Un indicateur ou plutôt un cardiogramme dessinant la courbe des palpitations et des vibrations de ce qui s'annonce comme mouvement et comme tendances du futur. Et d'abord en termes de sociologie. Les dix films de cette année nous offrent une carte élargie des lieux de l'enseignement du cinéma au Maroc. Cela va de l'extrême nord avec la faculté des lettres de Tétouan (2 films) aux portes du Maroc saharien avec la faculté polydisciplinaire d'Ouarzazate, la capitale de la production internationale (1 film), en passant par Casablanca (4 films) et Marrakech (3 films). Il y a prépondérance d'écoles privées et deux institutionsuniversitaires. Sur les dix lauréats en compétition nous retrouvons trois jeunes femmes. Quelles sont les tendances générales qui se dégagent de ce corpus ?Les thèmes et les formes choisis nous mettent sur les deux lignes historiques qui partagent le cinéma : le réalisme et l'imaginaire. À Cinécoles, nous retrouvons, en effet, les enfants des frères Lumière et de Méliès. D'une part, il y a le souci du regard social avec des films attachés à la dimension captation du réel (Dolls, Shoes) avec une variante intimiste et mélodramatique (Dalto) et de l'autre, des velléités de voyage dans l'imaginaire en surfant notamment sur les acquis de la société numérique (Thinkbeforeyou click, 1920). Les jeunes cinéastes n'hésitent pas, en outre, à se confronter à la direction de comédiens professionnels (Layla, Fabulari, Dalto), à faire du méta-cinéma (Goodbyecinema) à user des figures cinématographiques (les flashbacks de Dalto, le travelling arrière de Layla, les gros plans de En dehors de la ville) ou à puiser dans les codes du fantastique (Le souffle de la vie). Bref une grande diversité qui promet. A l'image de la première lauréate de Cinécole, Mahassine El Hachadiqui a tenu le pari ; son deuxième court métrage, Carte postale, produit dans le cadre du Prix Moulay Rachid est en passe de réussir une très belle carrière. Le film vient d'être projeté à Paris dans le cadre de la manifestation Le Maroc contemporain, organisée par l'Institut du Monde arabe (IMA) ; il a en outre été sélectionné pour participer au festival national du film et retenu parmi les cinq courts métrages représentants le Maroc au festival du court métrage méditerranéen de Tanger. Ainsi la voie est tracée, sous le signe de l'excellence et de l'espoir ; Cinécoles ou une manière de saisir les prémices de ce qui s'annonce comme le devenir d'un cinéma en marche.