Dans le dénuement le plus tragique J'habite dans la décharge publique Je m'abrite dans un tas de ferraille Fourgonnette éventrée sans entrailles Sans achat, sans contrat de bail Vêtu de guenilles et d'oripeaux Je suis sale, j'ai mal dans ma peau D'après ma religion et ma croyance Chaque être naît avec sa pitance Quelles que soient les circonstances Pour ma pitance Je me contente de ce qui reste Tout ce que les gens jettent Les épluchures et les miettes Le pain dur et les pommes blettes Je suis une blatte Je suis un pique-assiette Je suis un chien bâtard Je suis un chat de gouttière Je suis un vautour Je suis un rat mort Dans un sac en plastique Jeté dans la décharge publique Je pue le mauvais vin et la bière La cigarette, la fumée et les ordures Je suis chiffonnier chineur J'exhale la pestilence Je sens la décadence Je pue la déchéance De la race humaine Je suis cet horrible gueux Abject et miséreux Qui effraie les oiseaux Qui terrifie les enfants Qui dégoûte les passants Je meurs dans la décharge publique Seul comme la mort Maudissant mon sort Enviant le réconfort Des citadins Dont j'étais un! Je patauge dans la boue et la crasse Les détritus, les miasmes et les immondices Je ne puis supporter ce supplice Je suis un objet usé Vieux, abimé, brisé Jeté, abandonné, ignoré Personne en vient me récupérer Me laver, me soigner, me réparer Je suis non-voulu Mal-aimé Oublié à jamais Dans la décharge publique La nuit Les chiens de la rue Mes amis Me tiennent compagnie Chassent mon austérité Me rappellent mon humanité Et me réapprennent à sourire Nos rires déchirent la nuit Effraient les endormis Défient les ténèbres Et apportent l'aurore!