In memoriam Destin particulier que celui de Mohamed Fouiteh, l'un des pionniers de la chanson marocaine et qui a énormément marqué la scène artistique au point de devenir le premier chanteur sans conteste. Pourtant à l'époque, c'est-à-dire dans les années 40, les choses étaient difficiles car d'un côté, c'était l'époque du Protectorat et d'un autre, il y avait des chanteurs comme Ahmed Jabrane, Bahim Alami et Maâti Bidaoui, un trio qui avait annoncé le devenir de la chanson marocaine moderne. Mais si la plupart des chanteurs avaient pour modèle la chanson égyptienne, Fouiteh, lui, qui était également marqué par le style égyptien, allait se démarquer pour esquisser les contours de la chanson marocaine authentique. Cet originaire de Fès qui a dû atterrir à Casablanca pour faire partie de l'orchestre de la ville ne pouvait savoir que son destin était en train de se sceller, surtout après son départ en France, à Paris exactement qui était la capitale des artistes et des intellectuels. Resté en quelque sorte esseulé après le départ en France de ses amis d'enfance, il décide de les rejoindre. A Paris, il intègre l'Ecole supérieure de musique pour approfondir ses connaissances en solfège et en chant. Là, il rencontre un Algérien, un certain Hachlaf qui le conseille de se défaire de l'influence égyptienne et de composer ses propres chansons, ce qui n'était pas facile pour lui. Mais c'est après avoir rencontré Mohamed Abdelwahab à Paris que la chanson marocaine allait éclore et se développer. Lorsqu'il a rencontré Mohamed Abdelwahab, il a interprété en sa présence ses propres chansons, ce qui n'avait pas beaucoup plu au grand chanteur égyptien qui l'a conseillé de chanter marocain, car Abdelwahab savait pertinemment que le Maroc était très riche en musiques et en rythmes. Quelque temps après, il est rentré au Maroc, mais ce retour avait coïncidé avec l'exil de Feu Mohammed V par les autorités du Protectorat, un événement tragique qui avait énormément affecté Fouiteh à l'instar de tous les Marocain. Il s'est décidé à retourner en France et là, il compose «Aw Maloulou», une chanson qui est allée droit au cœur du peuple. Puis après, il interprète d'autres chansons qui ont toutes connu un grand succès, telles que «Lahbib Lahbib», «Al Bergui», «Mabini ou binou walou», etc. Mais cette réussite était en quelque sorte due aux conseils de Hachlaf qui, dès le retour de son ami, l'a pressé une fois de plus de chanter marocain. C'est ainsi que la première pierre de la chanson marocaine moderne a été posée et que Mohamed Fouiteh est devenu l'adresse même de cette chanson qu'il a affinée au fil des années Avant sa mort, il s'était un peu éclipsé avant de réapparaitre pour quelque temps. Sa mort fut ressentie comme une grande perte par le peuple marocain. *** Chanson Bachir Abdou, valeur séculaire d'un patrimoine Bachir Abdou est sans conteste l'un des chanteurs les plus représentatifs de la chanson classique marocaine. Il appartient à cette école qui respecte les règles et enchante le public grâce à des textes bien élaborés, une musique bien travaillée et une interprétation affinée. Il a été, d'une part, gâté pour avoir vécu avec les pionniers de la chanson marocaine et, d'autre part, lésé à cause de la qualité des voix qui se livraient à une rude concurrence. Il a continué pourtant à travailler, confiant en ses moyens et c'est d'ailleurs tout à son honneur. Aujourd'hui, avec un peu de recul, on se rend compte que Bachir Abdou, vu son talent et ses compétences artistiques, n'a pas eu l'attention qu'il méritait. Mais il vaut mieux tard que jamais, comme dit l'adage. Aussi, faut-il rappeler qu'il a grandi dans un milieu artistique et qu'il est entouré d'artistes dans sa vie familiale. Son épouse, Nezha Regragui est l'une des comédiennes les plus populaires; de même que son fils, Saâd Lamjarrad, a fait preuve d'un grand talent au niveau du chant, ce qui lui avait permis de marquer l'une des émissions-concours les plus connues et de poursuivre son aventure avec un certain succès. D'ailleurs, lui et son fils ont chanté en duo une belle chanson et l'on s'attend à d'autres compositions en commun. Il faut dire que Bachir Abdou est très ouvert et ne cesse d'encourager les jeunes quel que soit le type de musique choisi. Tout ce qu'il leur demande, c'est de s'intéresser à la chanson marocaine, à ses fondements musicaux et au patrimoine artistique national. Par ailleurs, l'artiste Abdou continue à produire. Il est en train de préparer un premier album dans lequel il y aura, à part quelques nouveautés, des reprises d'anciens succès. Une façon de rendre hommage aux anciens et à la chanson marocaine authentique. En effet, lorsqu'on constate que les choses authentiques sont menacées de disparition, on tente de sauver notre patrimoine comme si on luttait pour la survie. Le côté nostalgique agit de façon très active dans la mesure où il nous fait revivre tout un pan de bons souvenirs; des souvenirs où la chanson authentique était très présente et où Bachir Abdou s'imposait avec brio.