Manifeste de l'Indépendance L'indépendance du Maroc est l'aboutissement du combat mené par plusieurs militants et résistants contre l'occupant français, affirme Haj Mohammed Aissaoui Mestassi, dernier signataire du manifeste de l'Indépendance, encore en vie, dans un témoignage inédit livré au journal «Le Matin du Sahara et du Maghreb», qui consacre tout un dossier à la célébration du 70ème anniversaire de la présentation du Manifeste de l'Indépendance. Résistant de la première heure, figure emblématique du mouvement nationaliste, Haj Mohammed Aissaoui Mestassi est le seul signataire du Manifeste de l'Indépendance encore en vie. Du haut de ses 90 ans, il porte un regard lucide sur une partie trouble de l'histoire moderne du Maroc : la période allant des années 30 à la proclamation de l'Indépendance. Approché par le journal, il a bien voulu partager ses souvenirs avec les nouvelles générations. «Le combat des Marocains pour l'Indépendance a commencé dès les années 30, précisément avec les protestations et le manifeste contre le Dahir berbère en 1930 et la création en 1934 du Comité d'action marocain (CAM), qui a présenté une liste de revendications nationales. Il y a eu par la suite la création du parti national par les nationalistes marocains», assure-t-il, ajoutant que l'histoire de la lutte des Marocains pour l'indépendance est très bien transcrite, entre autres, dans les mémoires de Si Boubker Kadiri en deux tomes, dans l'ouvrage «Al Mahidoune, Al Khalidoune» de Abdelkrim Ghellab, et «les mémoires d'un prisonnier» (Modakirat Sajine) d'Ibrahim El Kettani. «Il y a aussi un autre ouvrage écrit par un militant de Casablanca fin 1943, sans oublier le livre de l'école Naciria fondée en 1924 ou 1925 par le Fqih Ghazi, qui est un grand nationaliste, et qui a joué un grand rôle dans la formation des nationalistes fondateurs du mouvement national», se souvient Haj Mestassi. Revenant sur le processus ayant abouti à la présentation, le 11 janvier 1944, du Manifeste de l'Indépendance, il se rappelle qu'entre les années 30 et 40, les militants commençaient à s'organiser et leur détermination grandissait et se renforçait. Ainsi, depuis le début des années 40, ils ne se contentaient plus de demander des réformes, mais réclamaient l'indépendance. «La conférence d'Anfa en janvier 1943 à laquelle prit part le Sultan Mohammed V, constitue une date importante dans la marche vers l'indépendance», affirme cette mémoire vivace. Certains nationalistes, qui voulaient saisir cette occasion pour faire connaître la cause du Maroc, hésitaient entre réclamer des réformes ou l'indépendance. «Mais le Sultan Mohammed V a insisté pour que l'on exige l'indépendance». Et il a d'ailleurs abordé la question lors de ces rencontres avec le président Roosevelt qui a promis le soutien des Etats-Unis au Maroc. Le Sultan a discuté du même sujet avec Churchill et il lui a rappelé la participation des Marocains à la guerre de libération de plusieurs pays européens, se rappelle Haj Mestassi. Ce résistant de la première heure, qui a rejoint le mouvement national en 1934, a participé aux premières manifestations des Marocains contre la présence française. Haj Mestassi a été en outre parmi les signataires du Manifeste de l'indépendance qui a été préparé, affirme-t-il, «dans le plus grand secret». «Le jeudi 11 janvier 1944, les nationalistes du parti de l'Istiqlal ont remis le Manifeste au Sultan Mohammed V, et d'autres nationalistes ont remis une copie du document à la légation française», rapporte Haj Mestassi. Dans ce Manifeste, les nationalistes réclamaient ouvertement l'indépendance du Maroc sous l'égide de Sa Majesté Sidi Mohammed Ben Youssef». La réaction de la résidence française n'allait pas se faire attendre. Si dans un premier temps, elle disait que les signataires ne représentaient qu'eux-mêmes, face à la multiplication des réactions de soutien des Marocains dans l'ensemble des régions, la résidence française procédera à des arrestations dans les rangs des signataires et militants nationalistes le 28 ou 29 janvier, et des condamnations à mort ont été prononcées. «Ces actes ont été suivis par des manifestations et des soulèvements de la population, partout au Maroc, notamment à Rabat et Salé», se souvient encore Haj Mestassi. Et depuis, les Marocains ne voulaient qu'une chose, le départ des Français, assure-t-il.