Centre d'études des temps modernes «Le problème de la culture n'a pas trouvé des oreilles attentives auprès de ce qu'on peut appeler notre élite». Le constat est grave, laisse entendre Ismail Alaoui, président du Centre d'études des temps modernes, lors d'une conférence de presse organisée, jeudi 28 novembre à Casablanca. Consacrée à la présentation du premier tome de la traduction en arabe de l'ensemble des œuvres de Jean Jacques Rousseau, cette manifestation culturelle a été l'occasion pour soulever plusieurs problématiques préoccupant la société marocaine, en l'occurrence la question de la langue qui devrait, selon le conférencier, être abordée dans la sérénité, loin des débats stériles. Evidement, le choix de la traduction des œuvres de Rousseau n'est pas un acte fortuit, car il s'agit de l'un «des grands philosophes précurseurs des principes de la modernité et des changements profonds qu'a connus l'Occident», précise-t-il. Malheureusement cette modernité se situe de l'autre côté de la barricade par rapport à notre société, en raison de plusieurs entraves structurelles. Ces obstacles, Ismail Alaoui, les résume en un point essentiel, celui de la crise du système éducatif. «Il faut assumer une réalité amère, celle qui veut que seulement entre 1 et 3% des enfants qui rentrent à l'école peuvent espérer une mobilité sociale ascendante et appartenir à l'élite, contrairement à la norme internationale qui se situe à 25% », explique le conférencier. Et d'ajouter que le dépassement de ce handicap est une condition sine qua non pour qu'on puisse intégrer la modernité qui n'est pas étrangère à notre culture marocaine. D'ailleurs, les écrits de Salam Moussa, Rifa'a Rafi al-Tahtawi en témoignent. D'où la nécessité de revenir à Rousseau et s'imbiber de sa pensée, après une interruption de plusieurs décennies, conseille-t-il. Bref, il faut que les sciences humaines aient voix au chapitre. S'approprier l'appareil conceptuel de Rousseau Par ailleurs, le professeur Abdeslam Cheddadi, auteur de la traduction du premier tome de J.J. Rousseau, a expliqué l'importance de la traduction de l'œuvre à la langue arabe. «Sans traduction, on ne peut aucunement concevoir un passage vers la modernité», avance le chercheur universitaire. Autrement dit, la traduction a pour avantage de renouveler la pensée humaine. Aussi, elle permet de révolutionner les structures cognitives de la langue en assimilant l'appareil conceptuel d'une culture moderniste. Abondant dans le même ordre d'idées, Cheddadi fait la distinction entre deux aspects de la modernité, matériel et culturel, qui ont été favorisés par le colonialisme afin d'assurer sa domination, alors que la modernité demeure inespérable, voire indivisible, souligne-t-il. «En des tentatives d'ouverture à la modernité, on était interdit de penser nous-mêmes en temps modernes», estime le lauréat du Prix Ibn Khaldoun-Senghor, tout en mettant l'accent sur le fait que le Tiers-monde, et en particulier le monde arabe, est condamné à vivre son identité à travers l'image que se fait de lui l'Occident. Dans le même ordre d'idées, Cheddadi s'interroge sur l'absence de la traduction lors la période coloniale. «Pourquoi aucun livre n'a été traduit en langue arabe durant cette période», s'est-il interrogé. Pour le spécialiste de la pensée d'Ibn Khaldoun, «la révolution culturelle passe d'abord par la langue». Cela va nous permettre de nous approprier les véritables valeurs de la modernité (démocratie, rationalité...) et former une élite dotée d'une véritable culture politique. Il faut aussi dire que le choix de la traduction de Rousseau, contrairement à d'autres philosophes comme Thomas Hobbes ou Jean Locke, trouve son fondement dans les concepts inventés par ce philosophe, tels la souveraineté populaire, la liberté des citoyens, la participation à la gestion de la chose publique... Au final, la conférence tenue par le Centre d'études des temps modernes a jeté la lumière sur la problématique de la traduction au Maroc. En élaborant une proposition de loi dès 1994 puis en 2004 pour la création d'un centre national de traduction scientifique, le PPS a été pionnier en la matière. Toutefois, cette proposition de loi a fini par moisir dans les tiroirs de l'instance législative. Mais cela n'empêche de remettre cette bataille à l'ordre du jour pour faire, enfin, aboutir cette loi. « A l'impossible nous sommes tenus », a en effet conclu le président du Centre d'études des temps modernes. «Le problème de la culture n'a pas trouvé des oreilles attentives auprès de ce qu'on peut appeler notre élite». Le constat est grave, laisse entendre Ismail Alaoui, président du Centre d'études des temps modernes, lors d'une conférence de presse organisée, jeudi 28 novembre à Casablanca. Consacrée à la présentation du premier tome de la traduction en arabe de l'ensemble des œuvres de Jean Jacques Rousseau, cette manifestation culturelle a été l'occasion pour soulever plusieurs problématiques préoccupant la société marocaine, en l'occurrence la question de la langue qui devrait, selon le conférencier, être abordée dans la sérénité, loin des débats stériles. Evidement, le choix de la traduction des œuvres de Rousseau n'est pas un acte fortuit, car il s'agit de l'un «des grands philosophes précurseurs des principes de la modernité et des changements profonds qu'a connus l'Occident», précise-t-il. Malheureusement cette modernité se situe de l'autre côté de la barricade par rapport à notre société, en raison de plusieurs entraves structurelles. Ces obstacles, Ismail Alaoui, les résume en un point essentiel, celui de la crise du système éducatif. «Il faut assumer une réalité amère, celle qui veut que seulement entre 1 et 3% des enfants qui rentrent à l'école peuvent espérer une mobilité sociale ascendante et appartenir à l'élite, contrairement à la norme internationale qui se situe à 25% », explique le conférencier. Et d'ajouter que le dépassement de ce handicap est une condition sine qua non pour qu'on puisse intégrer la modernité qui n'est pas étrangère à notre culture marocaine. D'ailleurs, les écrits de Salam Moussa, Rifa'a Rafi al-Tahtawi en témoignent. D'où la nécessité de revenir à Rousseau et s'imbiber de sa pensée, après une interruption de plusieurs décennies, conseille-t-il. Bref, il faut que les sciences humaines aient voix au chapitre.