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Crise économique et lutte contre les paradis fiscaux
Publié dans Albayane le 19 - 11 - 2013


Espagne
En Espagne, se produit un curieux paradoxe que le citoyen doit côtoyer avec résignation. Au moment où le pays traverse une des crises les plus aiguës de son histoire, la quasi-totalité des entreprises nationales cotisant à la Bourse de Madrid, placent une partie de leur capital dans les paradis dits fiscaux. C'est un thème qui alimente particulièrement les écrits dans les médis spécialisés devant l'incapacité pour l'espagnol moyen de comprendre l'ingénierie financière auxquelles recourent les experts des banques, multinationales et gérants de fonds d'investissements.
Comme conséquence de la crise qui fait des ravages depuis 2007 dans le tissu économique, l'Union Européenne (UE) a exigé du gouvernement espagnol de réduire le déficit public, une mesure qui a conduit à la diminution des fonds destinés aux services sociaux et l'augmentation des impôts. C'était l'option élue pour que l'économie espagnole ne soit, comme celles de la Grèce, du Portugal et de l'Irlande, soumise à un plan de sauvetage.
Une étude publiée vendredi par un chercheur de l'Observatoire de la Responsabilité Sociale et Corporative (ORSC), Andrés Lara, révèle que 33 des 35 entreprises espagnoles formant l'Indice Ibex-35 à la Bource de Madrid (94%) sont présentes dans les « paradis fiscaux en 2011». Les activités menées par ces entreprises n'ont aucun rapport avec la production de biens ou la prestation de services. Au contraire, elles se consacrent, entre autres, à des produits financiers de sociétés de portefeuille ou sociétés «holding».
L'analyse de la progression de la présence des sociétés espagnoles dans les paradis fiscaux démontre que 437 filiales d'entreprises opérant en Espagne se trouvaient en 2011 dans ces territoires contre 354 en 2010 (+23%). Ces filiales ont créé des structures sociétaires complexes qui leur facilitent le paiement des impôts dans les pays de moindre charge fiscale au lieu de le faire dans le pays où elles développent leur activité. Par le biais de ces pratiques, il y a un grand risque d'hémorragie et d'évasion fiscale privant le trésor d'importants revenus.
C'est le cas, par exemple, de compagnies tels Google et Apple qui ont transféré la facturation de leurs ventes en Irlande et Amazon a préféré de le faire au Luxembourg. Dans ces deux pays, l'impôt sur les sociétés est «beaucoup inférieur» qu'en Espagne. Grâce à cette pratique, les sociétés ne sont pas seulement en mesure de présenter des «pertes fictives» en Espagne mais bénéficient des avantages accordés aux Petites et Moyennes Entreprises (PME) eu égard à leur réduite dimension. Elles ne sont pas ainsi obligées de présenter un rapport d'activité ce qui leur permet de rendre «plus opaque leur gestion».
Il demeure difficile de savoir combien de fonds émigrent de l'Espagne vers ces places financières. Ce qui est rationnel est d'affirmer que si cet argent avait été fiscalisé, les réductions des rubriques budgétaires seraient moindres et éviterait de sanctionner le citoyen par de nouveaux impôts et recourir à la réduction des fonds destinés aux services sociaux. Il serait logique, dans cette circonstance, une lutte contre la fraude fiscale avec efficacité. En UE, le volume annuel des fonds non déclarés atteint mille milliards d'euros, observe l'étude de l'Observatoire de la RSC. Uniquement au sein de l'Organisation pour la Coopération et le Développement Economique (OCDE) ont été conclus 300 accords en matière de transparence fiscale et d'échange d'informations en la matière. La polémique est entretenue quant aux critères à retenir pour définir un paradis fiscal. En mars 2012, par exemple, le Conseil Européen avait demandé au Parlement Européen et à la Commission de mettre en pratique des mesures concrètes pour améliorer la lutte contre la fraude fiscale et l'évasion tributaire, y compris en relation avec des pays tiers. En Avril dernier, le Parlement Européen avait adopté une résolution sur la nécessité d'agir d'urgence dans ce domaine. Deux mois plus tard, la Commission Européenne avait, en juin dernier, rendu publique une communication dans laquelle elle énumère les mesures qui devront être adoptées pour renforcer la lutte contre la fraude fiscale. Finalement, le Sommet des Chefs d'Etat et de Gouvernement de l'UE, fin mai dernier, a atteint un consensus sur la révision de la directive sur la fiscalité de l'épargne avant fin 2013. Cette mesure concerne également les étrangers non résidents dans l'espace communautaire.
L'Observatoire de la RSC suggère cependant que les mesures annoncées aux forums internationaux «aillent au-delà de simple déclaration d'intentions car la citoyenneté l'exige et aussi le bon sens».
Selon un rapport, rendu public en octobre dernier par l'association des techniciens du ministère espagnol des finances (Gestha), 80,6% de la fraude fiscale demeure « impunie » en Espagne. Uniquement la fraude en rapport avec la Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA) s'élève annuellement à 17,176 milliards d'euros, un montant qui représente 1,6% du Produit Intérieur Brut (PIB).
Integrity International, une agence de consulting et d'assistance stratégique spécialisée en Information sur l'Entreprise et la Rechercher, signale dans une récente étude que la fraude fiscale en Espagne atteint 70 milliards d'euros annuellement, soit 23% du PIB, ce qui équivaut à la totalité du budget du système sanitaire. Les grandes fortunes et grandes entreprises ont, à elles seules, privé le trésor public de 42,71 milliards d'euros en 2010 sous forme de paiement de la TVA, soit 71% du total de la faraude fiscale.
En cette période de crise, les autorités espagnoles sont appelées à persécuter les fraudeurs et superviser les comptabilités des entreprises et filiales de multinationales disposant de capital dans les paradis fiscaux. Il s'agit d'une alternative pour améliorer els ressources de la trésorerie, préserver la qualité des prestations sociales et le pouvoir d'achat des catégories sociales vulnérables.


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