Al Bayane : Le parti célèbre le 70e anniversaire de sa création, quelle est la portée de cet événement pour vous ? Nabil Benabdellah : La commémoration du 70e anniversaire de la création du Parti communiste marocain (PCM), dont le Parti du progrès et du socialisme (PPS) est l'héritier légitime et le prolongement naturel qui poursuit sa longue et difficile lutte dans un esprit d'ouverture et de créativité traduit, de façon on ne peut plus claire, l'enracinement du parti dans la réalité marocaine. Le PPS poursuit en effet la mission du PCM en se fondant sur la dialectique de la fidélité et du renouveau pour rester attaché à l'identité authentique et initiale du parti et à ses principes fondamentaux, tout en étant ouvert sur son environnement pour être capable d'innover et de s'adapter de manière créative avec la réalité marocaine et les développements successifs de la société. La célébration de cet anniversaire offre aux militants l'occasion d'être fiers du riche patrimoine militant du parti au service des causes du pays et du peuple, et de la position qu'il occupe désormais dans le paysage politique national ainsi que pour son rayonnement croissant intellectuel, politique et organisationnel. L'enracinement de notre parti dans son environnement national représente ainsi la signification la plus plausible de cette célébration depuis sa création et au cours de son évolution, administrant la preuve de sa forte immunité politique et de sa capacité à se perpétuer, évoluer et faire face à tous les défis et ce contrairement à ce que d'autres partis politiques, ayant le même référentiel, ont subi dans le monde arabe et islamique. Le parti ne célèbre pas cet anniversaire dans le but de s'enorgueillir de son patrimoine historique. Loin s'en faut. Le parti vise à s'en inspirer à travers le rappel des sacrifices de ses militants pour définir les contours du présent et tracer les perspectives d'avenir dans le but ultime de poursuivre la lutte du parachèvement de la société moderne et démocratique escomptée. Le parti avait le mérite d'avoir été le premier et à l'avant-garde de ceux qui prônent de nobles valeurs et idéaux à l'image de la pensée socialiste, selon une vision marocaine et des valeurs progressistes et démocratiques, en particulier celles ayant trait aux droits de la classe ouvrière, de l'action syndicale, de l'égalité entre les sexes, des libertés individuelles et collectives, du pluralisme politique et de la diversité culturelle, et des droits humains en général, y compris la nouvelle génération de ces droits. Ce sont là des domaines qui ont connu des progrès tangibles, quoique de manière disproportionnelle, et sont devenus le lot que partagent désormais diverses forces politiques, alors que ces valeurs étaient considérées par une partie d'entre eux comme étant étrangères à notre civilisation. Que signifie pour vous l'existence du PPS aujourd'hui au Maroc et en cette période précise? Il n'est pas exagéré d'avancer que notre parti est devenu un chiffre fondamental difficile dans l'équation politique marocaine. Tout observateur objectif peut en témoigner. Cala est lié à la nature même de notre parti, qui est attaché à l'indépendance de sa décision et qui fait face pour ce faire à toutes les tentatives de domination. Le parti a réussi à occuper une place importante sur l'échiquier politique national et à se distinguer par sa rationalité, son calme, son réalisme et son courage dans la prise de ses décisions quelle que soit la situation, difficile et complexe soit-elle. Il est devenu un parti incontournable et indispensable dans tout ce qui concerne la défense des causes du pays et du peuple, la consécration des acquis démocratiques et leur extension dans le sens de la construction du Maroc du progrès, de la démocratie et de la justice sociale. Le PPS est un parti historique authentique, un parti enraciné dans la société d'aujourd'hui. Et de demain, sans nul doute. La célébration du 70e anniversaire du PPS intervient à un moment où le PPS participe à un gouvernement dirigé par un parti islamiste. Ce qui a créé une véritable polémique autour de cette participation, compte tenu de la contradiction entre l'identité de votre parti et le référentiel islamiste de ce parti. Qu'en pensez-vous ? La question des alliances a été toujours un point central dans la politique du PPS. Elle a toujours constitué un axe stratégique et il l'a toujours traité en tenant compte des particularités et spécificités de chaque étape et des changements politiques. Dans son communiqué final, le 8e Congrès du parti (mai 2010) avait estimé que les alliances du parti doivent intervenir conformément à ce qui est requis pour la consolidation du parcours réformiste dans la perspective de construction de la société moderne et démocratique escomptée. Partant de cette vision, notre parti a décidé, à la lumière d'un débat approfondi et démocratique, de participer, dans l'intérêt du pays, à l'expérience gouvernementale dirigée par le Parti de la justice et du développement (PJD), qui a remporté les élections législatives de 2011. Il s'agit donc d'un choix fait en toute conscience, responsable et dicté par l'intérêt du pays, ce qui ne contredit en rien l'identité socialiste, progressiste et de gauche de notre parti. C'est une alliance d'ordre politique et non idéologique. Il est à rappeler aussi que notre action visant à faire face à toutes les tentatives de mainmise sur la scène politique nationale et à mettre fin à l'indépendance de décision des partis politiques avait objectivement toujours trouvé écho chez le PJD, qui avait les mêmes préoccupations. Il est à souligner aussi qu'un parti se trouve dans l'opposition non pas par choix mais suite à ses résultats obtenus aux élections et à l'impossibilité pour lui de participer au gouvernement. Autrement dit, il est beaucoup plus facile d'être dans l'opposition que de choisir de participer au gouvernement sur la base d'un programme précis qui répond pour l'essentiel à nos orientations et est susceptible d'assurer la possibilité de défendre nos acquis et de les étendre. Le choix de participation a été décidé selon un «cahier des charges» qui prévoit l'engagement de poursuivre les réformes et de mettre en œuvre de manière démocratique et effective le contenu avancé de la nouvelle Constitution, et ce sur la base d'un «contrat-programme» clair et précis, élaboré sur la base des points convergents des programmes des partis politiques, de la majorité en particulier, dans le domaine de la bonne gouvernance, de la moralisation de la vie publique, de la lutte contre la corruption, de la lutte contre la pauvreté et la précarité, et de la lutte contre les dysfonctionnements sociaux. Un tel programme gouvernemental se propose aussi la consécration des acquis, des libertés publiques et leur extension, ce qui n'empêche évidement pas tout parti politique de la majorité d'exprimer ses critiques en cas de besoin, et les exemples ne manquent pas à ce propos. Il est par ailleurs édifiant de rappeler que le PPS avait été sévèrement critiqué par ses alliés de la Koutla démocratique pour avoir réagi positivement, sous la supervision de feu Ali Yata, son ancien secrétaire général au début des années 90 du siècle dernier, à la proposition officielle de l'alternance consensuelle. Certaines parties avaient même tenté d'isoler le PPS à cause de cette décision courageuse, avant de l'adopter, ce qui avait débouché sur une expérience gouvernementale commune ayant à son compte moult réalisations. Notre participation au gouvernement avec le PJD, sur la base d'une décision prise presque à l'unanimité du Comité central (deux abstentions), se poursuit sur des bases politiques et non idéologiques. Et ce, conformément à un programme de réformes et à l'engagement du gouvernement de ne pas renier les acquis réalisés dans le domaine des libertés individuelles et collectives et de ne pas prendre de décisions allant à l'encontre de ce qui a été convenu entre les composantes de la coalition. Vous avez récemment annoncé le début des préparatifs du prochain congrès national de votre parti. Quels sont les défis de cette étape organisationnelle ? Il s'agit d'une étape organisationnelle indispensable comme le prévoit le statut du parti qui prévoit la tenue, tous les quatre ans, d'un congrès national du parti. Le respect de ces dispositions fait partie de la démocratie qui marque la vie interne du parti. C'est ainsi que le Comité central va tenir sa prochaine session à la fin du mois de novembre courant sur la base d'un ordre du jour qui porte évidemment sur la situation politique générale mais également sur l'entame des travaux préparatoires du 9ème congrès national du parti, devant avoir lieu à la fin de 2014. Il s'agit donc d'un congrès périodique ordinaire, qui offrira l'occasion comme ses précédents, d'enrichir le débat et de peaufiner les thèses du parti et ses programmes à travers l'évaluation objective et la lecture critique du bilan et des nouveautés intervenues depuis le 8e congrès de mai 2010. Il offrira de même l'occasion de mettre en œuvre les choix organisationnels et de mettre à niveau les différentes instances du parti, ses organisations et les secteurs qui en relèvent. La prochaine session du Comité central sera l'occasion de se pencher avec beaucoup plus de détails sur les priorités organisationnelles du parti pour lui permettre de poursuivre en toute fidélité sa mission historique et de consolider son édifice organisationnelle dans l'objectif d'aller vers son projet politique.