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Ce que les derniers musulmans d'Al-Andalous avaient enduré avant l'expulsion
Morisques
Publié dans Albayane le 31 - 07 - 2013

Plus de quatre siècles sont passés après la promulgation d'un édit royal ordonnant l'expulsion ipso facto des morisques en 1609 mais le débat autour de cet ordre demeure ouvert. Pour certains chercheurs et historiens, il s'agit d'une mesure de purification ethnique, confessionnelle et discriminatoire adoptée à l'instigation de l'église.
C'est le premier exemple de ce genre de génocide en Europe, comme le soutient Trevor DJ. Dadson de l'université de Londres dans son étude (Trad.) «Les morisques de Villarrubia de los Ojos - siècles XV-XVII» (2007). Pour d'autres, l'expulsion était dictée par des intérêts économiques et pour s'emparer des biens des morisques forcés à abandonner leurs terres. Enfin, il y a une catégorie de chercheurs qui l'attribue à une certaine jalousie et rancune de la part de la nouvelle bourgeoisie chrétienne qui n'admettait pas le train de vie et le haut niveau culturel des familles des musulmans.
Avant d'ordonner l'expulsion définitive des morisques, les autorités espagnoles avaient recouru à tous les stratagèmes dont la violation des traités de capitulations signés entre le dernier sultan nasride de Grenade Abou Abdallah Mohamed (Boabdil pour les espagnols) et les rois catholiques le 25 novembre 1491, pour garantir aux musulmans leurs droits, y compris le respect de leur confession.
Dans ce contexte, il est utile de se référer à une étude du moriscologue espagnol José Maria Percebal, intitulée «Les relations entre chrétiens et morisques : la construction de l'Autre qui a été expulsé en 1609», insérée dans l'ouvrage collectif «l'Expulsion des Morisques» (2009). Les deux communautés qui vivaient en Espagne - «vieux chrétiens» et «nouveaux chrétiens de moros» - se reconnaissaient comme différentes en dépit de la négation officielle de leur existence séparée dès le début du 16e siècle à la suite du baptême forcé des anciens mudéjars. A partir de ce moment, «les nouveaux chrétiens de moros» devaient disparaitre dans la communauté majoritairement chrétienne mais leurs droits «nouveaux» à l'issue du baptême ne furent pas respectés ni par «leurs seigneurs» (employeurs) ni par leurs voisins qui leur interdisaient l'accès à des responsabilités municipales. Leur nouvelle situation partait, par conséquent, du principe d'une situation de discrimination y comprise la perte d'anciens droits tel celui de la communauté protégée (les mudéjars) et leurs tribunaux et conseils reconnus. Dans ce nouveau contexte de coexistence, les musulmans sont qualifiés de «autres» et exclus du nouvel l'idéal de l'individu en Europe doté de valeurs universelles. Ils étaient obligés à se soumettre à un processus d' «assimilation et de christianisation ou disparaître, être exploités par les supérieurs ou exterminés de diverses formes».
Ainsi a-t-elle commencé la période d'assimilation. A partir de 1.500, se sont produites les massives conversions forcées. Il n'existait alors en Espagne du 16e siècle aucun respect de la différence ni l'intention de laisser les musulmans, descendants des habitants des territoires conquis d'Al-Andalous, pratiquer leurs confession, langue, suivre coutumes et gastronomie ou porter leurs habits particuliers.
La base fondamentale de l'assimilation est l'infantilisation du morisque considéré alors comme néophyte, d'où l'appellation de «nouveau chrétien» qui doit être évangélisé et protégé pour qu'il soit «au service de ses seigneurs». La perte de responsabilité de la part de l'adulte morisque conduit à une immédiate intervention à l'égard de ses enfants (progéniture). Les femmes morisques enceintes étaient alors soumises à un strict contrôle et suivi de la part de marraines chrétiennes. Les parrains contrôlaient de leur côté l'enfant du morisque jusqu'à ce qu'il atteignait l'âge d'assister à l'instruction religieuse.
A cette époque, étaient nées la figure de «l'assimilateur, un ethnocide qui cherchait par tous les moyens la disparition et la mort de la différence» et celle de «l'extirpateur, un génocide qui prétendait éliminer physiquement le «différent» qu'il considère irréductible dans sa différance», allusion faite au morisque. Les assimilationnistes (de l'archevêque de Grenade Hernando de Talavera au début du 16e siècle à l'humaniste Pedro De Valencia favorable à la permanence des morisques) voulaient que le morisque disparût comme nouveau chrétien. Les «extirpateurs» (depuis les évêques de Valence avec en tête leur patriarche Ribera) optaient carrément pour l'élimination physique du morisque.
«L'assimilation répressive» est un autre concept qui est né dès les premiers moments bien qu'il ne soit officiellement mis en application que dans la deuxième moitié du 16e siècle. Au début de ce siècle, l'incendie des manuscrits et livres arabes par le cardenal Cisneros dans la place Bibarrambla de Grenade était accompagné du baptême forcé des musulmans. Une mesure adoptée par le Parlement de Valence pour justifier «l'autorité légitime de l'agression» obligeait la victime à accepter le baptême «forcé» qui lui avait été imposé. Au royaume de Grenade, il avait été procédé au changement de propriété et de mettre progressivement au rebut la communauté musulmane.
Finalement, les morisques ont été accusés de s'être alliés avec les ottomans, les maghrébins et les protestants. C'est une raison suffisante pour entreprendre une croisade mystique et purificatrice contre les musulmans de l'Espagne sans besoin de livrer une bataille, soutiennent plusieurs siècles plus tard des chercheurs espagnols. L'expulsion a été décrétée secrètement pour qu'elle soit appliquée progressivement en commençant par le royaume de Valence, rapportent des documents historiques.
En résumé, l'expulsion des morisques est finalement un génocide, un acte arbitraire commis à l'instigation de l'église à des fins religieuses, ethniques, sociales et économiques. Il a suffi un décret royal du roi Felipe III, daté du 22 septembre 1609, pour que des centaines de milliers de morisques (entre 300.000 et 350.000, selon les sources) soient déportés et conduits vers l'inconnu pour la simple raison de s'opposer à l'abandon par la force de leur foi, coutumes et culture. Cette date est l'épilogue d'une chronologie qui a commencé à la veille de la chute de Grenade suite à la signature des «capitulations» de Santa Fe entre le sultan nasride Mohamed XII et les rois catholiques, Isabel la Catholique et Fernando V d'Aragon. En vertu de ce document, les souverains espagnols se sont engagés à respecter et garantir aux musulmans la pratique de leurs religion, traditions et langue.
En 1499, a commencé le changement de la politique religieuse à Grenade en forçant les conversions massives de musulmans par le Cardenal Cisneros, ce qui avait conduit à la rébellion des musulmans du quartier Albayassine. En 1501, a été diffusé un communiqué ordonnant la conversion forcée des musulmans de Grenade, et le 20 juillet de la même année, il a été interdit aux morisques de Castilla de se rendre à l'ancien royaume de Grenade. Le 14 février 1502, un autre communiqué informait les musulmans de Castilla de choisir entre le baptême ou l'exil. En 1525, le roi Carlos V a ordonné aux musulmans de Valence d'opter soit pour la conversion soit pour l'exil. Trois ans plus, il a interdit l'usage de la langue arabe, le costume et les traditions propres de la culture morisque. Le 9 avril de 1609, le conseil royal prend la décision définitive d'expulser massivement tous les morisques du royaume d'Espagne bien que cette décision fût gardée en secret dans l'attente de réunir une flotte pour les conduire vers le Maghreb. Les derniers musulmans d'Al-Andalous ont été ainsi expulsés successivement et définitivement de Valence (22 septembre 1609), de Séville (18 janvier 1610), de Castille (24 février 1610), de Catalogne (17 avril 1610) d'Aragon (29 mai 1610) et d'Estrémadure et Castille-La Manche (10 juillet 1610).
La trace des morisques n'est pas totalement effacée de la terre espagnole. Grace à de récents travaux d'investigation, il est démontré que plusieurs morisques y sont restés et d'autres ont pris le risque d'y retourner après leur expulsion. Comme l'observe le chercheur scientifique Miguel Angel de Bunes Ibarra, s'il est difficile d'établir le nombre exact de personnes qui ont été affectés par les décrets de Felipe III, il s'avère encore plus difficile (à cause de la carence quasi-absolue d'archives sur cette question) de connaître parfaitement le nombre de «nouveaux chrétiens de moros» partis pour l'autre rive de la Méditerranée.
Dans son étude intitulée «Les morisques après l'expulsion» (Titre traduit) insérée dans l'ouvrage collectif «L'Expulsion des Morisques» (2009), ce chercheur espagnol soutient que le même problème se pose lorsqu'il s'agit d'établir le chiffre de morisques qui continuaient de vivre dans la péninsule ibérique après les décrets royaux. Certains témoignages littéraires permettent de démontrer la survie de plusieurs d'entre eux dans différentes localités de Castille et d'Andalousie, comme l'a signalé, par exemple Miguel Cervantès dans El Quijote. Certains contrôleurs chargés de l'attitude de certains «nouveaux chrétiens de moros» dans leur majorité provenant du groupe d'anciens mudéjars, qui sont placés sous la protection d'hommes de l'église, nobles et leurs propres voisins pour éviter leur départ de certaines localités bien déterminées telles Talavera de la Reina, Plasencia, Méride, Trujillo, Ocania, Oropesa, Almaden, etc. .
Il est aussi impossible de quantifier le nombre de morisques qui sont retournés en Espagne après leur expulsion. C'est le cas de la localité de Villarrubia de los Ojos (dans Castille-La Manche), qui a fait l'objet d'une volumineuse étude (1328 pages), du professeur d'histoire de l'université de Londres, Trevor J. Dadson, «Histoire d'une minorité assimilée, expulsée et réintégrée» (2007). La petite localité de Villarrubia de los Ojos est un exemple à citer de la résistance du morisque à abandonner sa terre. «Et-ce que les morisques de Villarrubia furent-ils une exception qui confirme la règle ou reflétaient une réalité qui se donnait dans plusieurs villages et lieux de Castille- et Estrémadure? S'est demandé ce professeur d'histoire à l'Université de Londres. Un autre historien espagnol, Antonio Dominguez Ortiz (1909 - 2003), décrivait avec amertume le sentiment de frustration qu'affecte tout intellectuel en traitant de la question morisque. Dans la page 50 de son étude «Histoire des morisques. Vie et tragédie d'une minorité» (1993), élaborée en compagnie de Vincent B., lit-on ceci : « (Trad.) : «L'expulsion de la minorité n'était pas un fait inévitable; non plus une exigence de la majorité chrétienne. C'était une mesure imposée d'en haut et acceptée sans enthousiasme à tel point que parfois avec une certaine résistance passive. C'est l'histoire qui nous reste à narrer». Malheureusement, il s'agit là d'une communauté marocaine qui a été atrocement extirpée de sa terre et condamnée à l'oubli. Elle est aujourd'hui citée seulement comme un fait historique passager en dépit de huit siècles d'existence dans la péninsule ibérique.


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