Un grand colloque scientifique international interdisciplinaire pour la commémoration du 400ème anniversaire de l'expulsion des Morisques d'Espagne a été organisé les 28 et 29 octobre à Rabat et se tient les 30 et 31 octobre à Casablanca par l'Institut des Etudes Hispano-Lusophones (Unité de Recherche sur la Moriscologie) de l'Université Mohammed V-Agdal, Rabat et la Faculté des Lettres et des Sciences Humaines de Ben Msik, Casablanca (Laboratoire Maroc et monde occidentaux). Organisé avec la participation de partenaires comme le ministère de la Communauté marocaine à l'étranger et le Conseil de la communauté marocaine à l'étranger, le ministère de la culture, la Bibliothèque nationale, la Fondation Al Saoud, le colloque est une occasion de revenir sur une histoire toujours d'actualité avec la nécessité du dialogue, de la tolérance dans un espace où l'immigration est de l'ordre du quotidien. L'objet du colloque est le patrimoine et l'histoire morisques. Il est réparti sur divers axes comme l'historiographie morisque : état des lieux, les antécédents et les répercussions de l'expulsion des Morisques, les Morisques de la diaspora, les transferts culturels et techniques. Les objectifs du colloque c'est de commémorer, de la rive sud, le IVè centenaire de l'expulsion et l'exil des Morisques d'Espagne et ouvrir le champ à différentes lectures et analyses de la question morisque, faire de ce colloque un espace scientifique interdisciplinaire de rencontre de chercheurs et spécialistes dans le domaine, instaurer des débats riches et constructifs en mesure de révéler la vie religieuse des morisques, leur condition socio-économique et leur vicissitude identitaire, à même d'analyser les causes, les préambules et les conséquences de leur expulsion, promouvoir les études moriscologiques au Maroc en tant que champ de recherche interdisciplinaire, réfléchir sur des questions telle que la nécessité d'une relecture et une réécriture de l'histoire pour pouvoir édifier un nouveau message. Les Morisques, de l'espagnol moriscos (petit maure) sont les musulmans d'Espagne nouvellement convertis au catholicisme à la suite de la reconquête de l'Andalus, la chute de Grenade le 2 janvier 1492, l'entrée triomphale des Espagnols à Grenade après le retrait du dernier roi de la dynastie des Abou Nasr Abou Abdillah. Avant les Morisques c'était les Mudéjars ces musulmans en Espagne qui, avec l'avancée de la Reconquête et devenus des vassaux des chrétiens, étaient autorisés à vivre et à pratiquer librement leur religion. C'était la période de tolérance avant l'entrée en scène de l'Inquisition. Celle-ci a fait qu'après 7 siècles de vie et de civilisation en Espagne, les Musulmans furent invités à se convertir au catholicisme ou à quitter le territoire. Pour ne pas vivre la tragédie de l'expatriation, les Morisques vont jouer le jeu de la conversion de façade. Mais l'église de l'Inquisition ne va surtout pas ajouter foi à leur sincérité: les Morisques étaient présumés poursuivre leurs pratiques religieuses musulmanes en cachette. Ils vont être accusés de collusion avec les Turcs, redoutables ennemis des chrétiens. Il faut attendre un siècle de 1505 à 1609, un sombre siècle de persécutions et de clandestinité confessionnelle, pour que la décision définitive d'expulsion intervienne. Il s'agirait d'un demi million de personnes qui vont être déportées de leur pays en grande partie vers les côtes du Maghreb notamment le Maroc. Du moins si l'on compte aussi les nombreuses familles qui avaient fuit les persécutions bien avant les édits d'expulsion de 1609. L'Espagne catholique triomphale qui avait étendu son espace vital au Nouveau Monde et ses richesses aurifères, rêvait de pureté catholique du peuple élu, béni de Dieu. C'est pourquoi elle avait commencé d'abord par l'expulsion des juifs, quelque 120 mille personnes selon des estimations de spécialistes. Ensuite ce fut le tour des musulmans. Il y avait aussi des raisons économiques: on spoliait des terres, des biens des expulsés. Ceux-ci par ailleurs connaissaient un taux de croissance démographique inquiétant pour les chrétiens dans certaines régions. Sur le chemin de l'expatriation et de l'exil, les expulsés vont, en plus, être la cible de toute une armée de voleurs et de criminels dont les responsables de navires qui vont essayer de les dépouiller des biens que les déportés furent autorisés à acheminer vers le pays d'accueil, le Maroc notamment. Une tragédie qui va éveiller une grande émotion chez des Européens de l'époque. Les principaux ports d'embarquement vers le Maroc vont être Malaga, Gibraltar, Tarif et Cadix. Les expulsés qui ont pu regagner la terre ferme vont s'installer dans des villes comme Tétouan, Salé et Rabat. Celles-ci furent marquées par les empreintes des nouveaux arrivants qui y apportèrent leur savoir-faire dans tous les domaines: architecture, artisanat, art culinaire etc. Soit une immense richesse en transfert de savoir pour le pays d'accueil. A Salé ce sera le lancement de l'aventure des Corsaires salétins qui vont organiser dans la ville à un moment donné une véritable république où vont se réfugier des marins chevronnés renégats européens, hollandais, anglais, français qui vont combattre auprès des anciens andalous. Ceux-ci vont écumer les côtes espagnoles pour capturer des bateaux avec leur cargaison de marchandises venue notamment de l'Amérique et vont même jusqu'à effectuer des incursions surprises à l'intérieur du territoire espagnol en mettant la main sur tout ce qu'il trouvent sur leur chemin notamment des prisonniers qu'ils emmènent à Salé en attendant le paiement de rançons.