S'il y a un concept dont tout le monde parle sans toujours pouvoir cerner exactement la signification, c'est bien la démocratie dont la pratique est encore plus difficile que la définition. Du comportement des individus jusqu'à la détermination d'une équipe gouvernementale, en passant par la relation qui préside à l'intérieur des partis politiques ou la manière par laquelle la décision est prise au sein d'une structure, la démocratie est sollicitée pour valider un choix, une situation. Dans la contestation, elle reste l'argument définitif pour juger ou apprécier un contexte. Diverse et variable, cette idée conçue par les hommes soulève de plus en plus de problèmes par la difficulté de son appréhension et l'application de ses caractéristiques en tout lieu, en un temps déterminé. La démocratie est-elle une idéologie, un mode de gouvernement ou un mode de vie? La démocratie est-elle absolue, peut-elle ignorer toute contrainte spatio-temporelle, ou est-il possible de laisser à chaque pays le temps de faire sa démocratie, selon son propre rythme et sa temporalité. Serait-elle l'aboutissement de l'«évolution idéologique de l'humanité» comme le prétend Fukuyama (celui de la fin de l'Histoire) ou au contraire le simple déclencheur de cette évolution. La démocratie a-t-elle un modèle universel pour pouvoir juge s'il est respecté ou non? Quels sont les critères qui permettent objectivement l'appréciation de la réalisation du rêve démocratique? Ou, comme pour tous les rêves, il suffit d'ouvrir les yeux pour s'apercevoir qu'ils n'existent pas. A quel moment la lutte démocratique prend fin? Dans quelle mesure la démocratie garde sa valeur, dans la forme et dans le contenu, sans qu'elle soit instrumentalisée à des fins particulières? Si l'ensemble de ces questions ne peut trouver réponse dans un espace aussi exigu, il reste à tout un chacun de réfléchir sur les événements que connaît la région, en Afrique du Nord ou en Asie mineure, pour se déterminer par rapport à des processus politiques qui nous interpellent. L'apathie des populations et la dépolitisation qui en découle contribuent à la dépréciation du processus édificateur de la démocratie. Par cette position de spectateur, avec un sentiment d'impuissance qui ne cesse de se développer devant la prise de décisions et leur application pour des intérêts particuliers, la personne perd sa liberté et contribue au « laissez aller, laisser faire» au lieu de peser sur son environnement. La manipulation est aussi nuisible à la démocratisation de la vie publique que l'abstention. Elle engouffre les esprits dans les méandres du doute par le seul jeu de la rhétorique, l'utilisation de la rumeur et l'étal de supputations théoriques. L'alibi populiste, surtout en temps de crise économique, se fait fort pour mobiliser les incertitudes. Il se répand d'autant plus facilement que des failles, des césures, des fractures dans la société le permettent. Seul le jugement formé et l'organisation efficace permettent de lui tordre le cou pour permettre à la raison et à l'intelligence de s'exprimer. Pour cela, il faut disposer de la clarté du discours, de l'adéquation des objectifs avec les attentes légitimes des masses populaires, celles qui croient dans le changement démocratique et non dans le rétablissement d'un mode de vie passéiste et obsolète. Si la démocratisation s'accompagne par des tensions et des contestations permanentes, résultats de l'ouverture et de l'élargissement des libertés et induites par les besoins nouveaux qui se créent; leur résolution, dans le cadre strict de la loi, doit aboutir au renouvellement de la confiance et l'octroi de la légitimité populaire (il n'y a que les urnes pour ce faire !) pour consolider encore les acquis et réaliser la justice sociale. C'est en cela que l'action politique agit pour résoudre les problèmes de la société. C'est par cela que la société évolue vers l'égalité entre ses composantes, la justice sociale et le développement durable.