des relations franco-marocaines Marcel Merle, théoricien français des relations internationales, criait cette évidence : politique étrangère et continuité des engagements extérieurs passent pour être pratiquement synonymes. Sauf rares exceptions, les engagements pris par les Etats en direction de leur environnement international sont lourds de conséquences et revêtent une importance telle qu'ils ne sauraient être dilués dans les variations idéologiques partisanes ou aux caprices de la loi de l'alternance. La fonction et les missions assignées à la politique étrangère ne sont pas sans expliquer cette évidence. En effet, d'une manière générale, la politique étrangère a pour objet de veiller à la réalisation de l'intérêt national, lequel fait l'objet d'un large consensus national dont très peu de forces politiques peuvent être tentées de se détacher. Pour ne citer que l'exemple le plus connu, la politique étrangère américaine tranche, malgré l'alternance entre républicains et démocrates, par son étonnante constance quant à un certain nombre de dossiers relevant de l'intérêt supérieur des Etats-Unis. Cette règle vaudrait davantage pour la politique étrangère française. La rotation continue entre partis de gauche et partis de droite n'a jamais été un prétexte pour opérer des retournements de fond dans la ligne de conduite diplomatique de l'Hexagone. Très souvent, les revirements n'ont concerné que les volets tactiques de l'action, et sont souvent dictés par les nécessités de «démarquage» idéologique que par celles de l'action elle-même. En toutes hypothèses, ceux qui ont pris pour objet d'étude la politique étrangère française sous la Ve République sont unanimes à souligner la constance de la France sur un certain nombre de dossiers jugés stratégiques ou sensibles à l'image extérieure de l'Hexagone : francophonie, partenariat euro-méditerranéen, lutte contre le terrorisme, pour ne citer que les dossiers les plus récurrents. Sur ce registre, la loi de l'alternance s'est révélée impuissante à imposer des ruptures dans le style diplomatique des différents gouvernements qui se dont succédé en France. Bien au contraire, l'héritage légué par un gouvernement est très souvent repris et endossé par son successeur, le cas échéant à la faveur de quelques inflexions destinées à articuler la couleur politique du parti au pouvoir. Les relations franco-marocaines peuvent bien illustrer cette évidence. Non pas tant en raison de l'ancrage historique de ces relations multiséculaires, ni en raison de la proximité géographique et culturelle qui fait du tandem franco-marocain une fatalité géopolitique, mais d'abord compte tenu de l'épaisseur des intérêts communs qui sont au fondement de cette relation bilatérale. Qui, des socialistes français comme des libéraux, saurait dire que les échanges commerciaux avec le Maroc ne devraient pas constituer une priorité pour la France ? Qui, des deux côtés, pourrait soutenir que la coopération culturelle, scientifique et technique avec le Maroc est d'un impact peu évident pour le rayonnement extérieur de la France ? Qui encore, de ces deux sensibilités politiques, se permettrait de ne pas accorder l'importance qu'elle mérite à la coopération dans le domaine sécuritaire ? L'amitié entre le Roi Hassan II et le Président François Mitterrand n'était-elle pas aussi vigoureuse que celle nouée avec les Présidents Giscard d'Estaing et Chirac ? Le gouvernement Jospin n'était-il pas le premier supporter de son homologue marocain dirigé par Abderrahmane Youssoufi ? Inutile de prolonger la liste des questionnements tant il est vrai que le Maroc et la France sont liés par une communauté de destin. Il est vrai, l'amplification des risques sur les fronts euro-méditerranéen et sahélo-saharien, la contiguïté géographique et culturelle et l'intérêt qu'ont les deux pays à resserrer les liens d'amitié et de coopération sont trop puissants pour être affectés par la compétition politique entre la gauche et la droite en France. *Professeur à la faculté de droit de Rabat-Agdal Conseiller auprès du Centre d'études internationales