est l'affaire de spécialistes Depuis 2002, un travail énorme a été réalisé par les chercheurs de l'IRCAM et par les créateurs littéraires (romanciers, poètes,...). L'amazighe marocain a été standardisé en tenant compte des données de toutes les variantes régionales vivantes et encore utilisées à grande échelle comme langue maternelle par des millions de Marocains. Les structures lexicales, morphologiques et syntaxiques ont été normées. Des terminologies ont été élaborées dans les domaines de la grammaire, des médias, de la didactique, etc. Ce travail a été fait par l'IRCAM en tant qu'institution de l'Etat, comme dans toutes les expériences d'aménagement des langues dans le monde. Citons le cas de l'arabe avec les Ecoles de Koufa et Sabra, le cas du français avec l'Académie de Port-Royal, etc. La question de la graphie à utiliser a été réglée après un débat houleux entre différents acteurs sociaux, principalement durant le dernier trimestre de 2002. L'alphabet tifinaghe a été officiellement adopté et aménagé et les règles d'orthographe établies. Ce sont les institutions étatiques qui prennent en charge l'aménagement des langues et ce sont les spécialistes de ces langues qui s'en occupent. Même si l'expérience de l'enseignement de l'amazighe depuis 2003 a eu beaucoup de défaillances, cela nous a permis d'avoir des manuels scolaires utilisables immédiatement, une réflexion sérieuse sur la didactique de la langue, et surtout une langue normée à tous les niveaux. Sur le plan pédagogique, Les chercheurs de l'IRCAM ont conçu une didactique de l'amazighe tenant compte de ces variations régionales (voir les manuels scolaire de la langue amazighe). La création de la Chaîne Tamazight et la dynamique audio-visuelle va dans le même sens. La loi organique devra donner un coup de pousse à l'implantation de la norme établie en approfondissant les acquis de travail des dix dernières années. Malheureusement, cette loi qui tarde à venir donne l‘occasion à certains amateurs de polémiquer à ce sujet. Ces personnes dont la plupart était contre la reconnaissance officielle de l'amazighe détournent actuellement leur déception vers des questions techniques comme la graphie tifinaghe ou la standardisation de la langue et parfois vers des questions touchant à la généralisation de son enseignement à tous les Marocains ... en relançant le débat pour gagner un peu de temps et faire diversion. Concernant le caractère unitaire ou pluriel d'une langue, il faut signaler que la sociolinguistique a démontré qu'aucune langue n'est homogène. Les langues vivantes, normées ou non normées, sont marquées par des variations de différentes natures (géolectales, sociolectales, etc.). Prenons le cas du français, c'est un super-système qui couvre des réalités linguistiques assez variées (Paris, Marseille, Wallonie, Québec, plusieurs zones en Afrique ...) avec des spécificités locales très prononcées touchant essentiellement à la prononciation et au lexique. Mais tout le monde parle du français. La langue française a été normalisée par une institution étatique. Malgré les spécificités régionales du français, on parle toujours d'une seule et même langue française. L'intercompréhension n'est pas une donnée à priori, c'est le résultat des contacts et de l'initiation aux correspondances entre deux variantes, par exemple le français québécois et le français de France. Le même constat est valable pour l'anglais ou l'espagnol. La langue normée est la somme des faits linguistiques attestés dans toutes les régions. On ne peut saisir une langue qu'à travers des faits de langues, des pratiques individuelles. Mais la somme des pratiques individuelles fait la langue. Quant à l'amazighe, ses variations régionales relevées touchent essentiellement la prononciation de quelques consonnes (les occlusives et les liquides) et une partie du lexique. La norme graphique permet de neutraliser les variations phonétiques et la synonymie permet de regrouper une grande partie des variations lexicales. Les variations régionales ne sont pas en contradiction avec une norme nationale. Tous les locuteurs amazighophones peuvent se reconnaître dans la langue normalisée (standardisée). L'oral continuera avec ses spécificités comme dans toutes les langues du monde. N'en déplaise à ceux qui ne sont pas du domaine et qui polémiquent encore, ces questions sont l'affaire d'institutions académiques et de spécialistes comme partout dans le monde, à moins de nier ce droit à l'amazighe. *Professeur en linguistique amazighe à l'Université Ibn Zoher d'Agadir