de la base des bénéficiaires Des experts marocains ont plaidé mercredi pour l'élargissement de la base des bénéficiaires de la retraite, alors que le gouvernement entame un dialogue de concertation pour réformer les régimes de retraite qui font face à une situation critique. «Le défi majeur qu'on affronte est celui de l'élargissement de l'assiette (des bénéficiaires de la retraite). Il faut s'intéresser aux couches sociales qui ne sont pas couvertes par le régime et qui ne cotisent pas», a déclaré par téléphone à la MAP, Abdeslam Seddiki, professeur d'économie à l'Université Mohammed V-Agdal de Rabat. Ces couches constituent la majorité écrasante de la population avec plus de 70%, selon M. Seddiki. Pour sa part, Lahcen Achy, chercheur au Centre Carnegie pour le Moyen-Orient, juge nécessaire d'élargir la base des bénéficiaires des régimes de retraite, tirant la sonnette d'alarme sur le phénomène du vieillissement de la population des fonctionnaires qui engendre une augmentation des effectifs des retraités par rapport aux cotisants. «Il faut avoir un régime de retraite pour toutes les autres catégories d'actifs comme les agriculteurs, les commerçants et les artisans», a insisté M. Achy, joint par téléphone. L'adoption de ce système permettra une base beaucoup plus large et un renouvellement continu de la population des cotisants par rapport à celle des retraités, a-t-il expliqué. D'après cet expert, il serait judicieux d'allonger l'âge de la retraite en raison de l'augmentation de l'espérance de vie au pays, qui est passée de 62 ans au début des années soixante à 73 ans actuellement. «On ne peut pas continuer à avoir un système généreux avec le même niveau de cotisations, mais avec une révision à la hausse de l'âge de retraite», a-t-il martelé. M. Seddiki ne partage pas cet avis : «ce n'est pas approprié de fixer un âge unilatéral pour toutes les catégories d'actifs». «La justice veut qu'on fixe un âge (de retraite) en fonction du degré de pénibilité du travail», estime cet économiste, évoquant certains métiers à haut risque comme les mines, le bâtiment et travaux publics qui exposent ceux qui les exercent à des maladies professionnelles «au point que beaucoup d'entre eux meurent avant l'âge de la retraite». La commission technique chargée de la réforme des régimes de retraite a élaboré un mémorandum dans lequel elle propose la mise en place d'un système de retraite bipolaire: un pôle public et un pôle privé, a annoncé, mercredi à Rabat, le Chef du gouvernement, Abdelilah Benkirane. Cette proposition semble adéquate pour M. Seddiki. «la sagesse veut qu'on opte pour un régime bicéphale ( )», une solution adoptée par plusieurs pays. L'application d'un régime unique de retraite s'avère difficile parce que «la situation du privé n'est pas celle du public et le déficit affecte la caisse des fonctionnaires, à savoir la Caisse marocaine des retraites (CMR)», a-t-il expliqué. «Il faut choisir entre le système de répartition et de capitalisation. L'idéal serait de garder le système en cours, à savoir le système de capitalisation qui agit sur la solidarité entre les cotisants et entre les générations», a-t-il ajouté. Certes la formule proposée par la commission technique permettrait d'avoir beaucoup plus de cotisants par rapport au nombre de retraités, «mais sur le plan actuariel, ça va pas éponger le déficit potentiel qui pourrait résulter du régime actuel», estime M. Achy. «Moi, je pense à une fusion de l'ensemble des caisses», a-t-il dit, appelant à encourager les régimes de retraite complémentaires «pour que les gens qui le souhaitent fassent un peu d'épargne-retraite». Le déficit des caisses de retraite est un problème collectif qui concerne toutes les parties prenantes, a indiqué ce professeur à l'Institut national de statistique et d'économie appliquée, estimant qu'il serait «injuste» qu'il soit assumé par l'Etat tout seul. «Que les syndicats veuillent défendre les droits des retraités, on est d'accord, mais ça ne doit pas être fait au détriment de la collectivité qui englobe ceux qui ont une retraite et ceux qui ne l'ont pas», a-t-il dit avec un ton sévère. Selon lui, la réforme des régimes de retraite doit se faire progressivement et non pas avec des «mesures révolutionnaires» car «c'est difficile de faire des changements importants d'une manière brutale». Pour réussir cette réforme et préserver la soutenabilité du système de la retraite, il faut qu'il y ait un débat public pour avoir l'adhésion des parties concernées, notamment les syndicats, préserver les acquis et réviser le système de gouvernance en vigueur dans les caisses de retraite, selon M. Seddiki. Le nombre des adhérents à la CMR, créée en 1930, frôle les 900.000 fonctionnaires de l'Etat, civils et militaires, avec un volume de cotisations estimé à 20,29 milliards de dirhams en 2011.