La première de «Malak» d'Abdesalam Kelai Pour son premier film, Abdessalam Kelai n'a pas choisi un sujet simple et un univers maitrisable. Il est descendu vers un gouffre d'enfer, accompagnant un ange déchu. Une jeune lycéenne (fort jolie et photogénique) se retrouve un jour enceinte après des rapports avec un adulte plus âgé qu'elle. Comme cela arrive fréquemment dans notre société. Innocente, sans expérience et naïve, elle est obligée de vivre de longues journées, cherchant des secours ici ou là, sans grand résultat. Ni la famille, ni les amies, ni les rencontres fortuites, ni la société large ne lui viendront en aide. Tout le film narre les péripéties malheureuses de la jeune fille à la recherche d'une somme d'argent pour se faire avorter. Un drame accentué, noirci, délibérément appuyé par des ajouts encore plus sombres. Ils sont empruntés à la vie de tous les jours, ce quotidien si oppressant des gens et des femmes, la ville et ses problèmes, le social et ce qui en est poignant, triste et misérable. De jour ou de nuit, on est obligé de suivre les pas de la jeune mineure dans les rues sales, retirées, dans les différents coins sordides où elle est acculée à se rendre. Du coup, le film oscille et hésite entre se coller à son héroïne ou raconter et donner une image d'une ville, d'un pays, témoigner ! C'est toujours le même problème : se trouver dans la posture du réalisateur réaliste (côté documentaire) ou celle du conteur d'histoires. Si ça colle pas sans faille, on aurait un long-métrage fluide, qui se donne à voir aisément, avec passion. Sinon, le contraire s'opèrera et le film serait sur deux lignes sans liens connectés, ce qui cause une dispersion et de l'histoire racontée et de l'attention. Un film doit avant tout capter, docilement, son spectateur. «Malak» aurait pu dépasser le malaise senti par trop de plans, de sauts, d'ellipses parfois non contrôlées, de certaines scènes sans éclat. Il est nous rend sensible à la situation de la jeune fille bien cadrée, bien cernée, surtout en gros plan (la direction de photo est excellente). Elle nous devient sympathique et on compatit avec elle, mais lorsque le réalisateur la jette dans les gouffres obscurs de la ville de Tanger, il nous perd quelque peu. Oui, on saisit le message. Le film est autant l'histoire de la fille que celle de Tanger. Mais est-ce que cela colle ? Parfois oui, parfois non. L'internationale ville qu'est Tanger est montrée de nuit. Un vaste tripot de tous les vices : prostitution, criminalité, immigration secrète, police impitoyable... Des constats et des vérités mêlés. Or cela n'est que le lot d'une grande ville, comme partout dans le monde, et pas toute la vérité. Mettre l'accent dessus sans vision préalable n'apporte pas trop de soutien ni de connaissance sensible à Malak la fille et à «Malak» le film. La jeune fille est obligée de subir. A chaque fuite, à chaque désillusion, elle est confrontée à un pan de la ville. Elle habite une chambre sordide, sans eau ni électricité, côtoyant la prostitution. Elle essayera elle aussi de vendre ses charmes. Elle aura une relation qui se termine lamentablement une fois la vérité connue. Des phases et des phases d'une quête. Et dans ce lot elle aura des rencontres amies, de passage, qui lui sont imposées par le réalisateur. Une immigrée subsaharienne lui donne à manger. Un gardien de voitures, la nuit, l'abrite. Un vieux gauchiste nostalgique la soulage par des paroles sans effet. Abdeslam Kelai saisit l'occasion offerte par le film pour planter ses propres images, ses préoccupations intimes ici ou là, comme le fait de montrer une femme médecin handicapée, ce qui, bien vu, intègre et normalise par l'image et dans l'image un fait existant. A la fin, on peut dire que «Malak» est un premier film avec tout ce que cela comporte. On garde une image d'une jeune fille fragile mais décidée, d'une beauté saisissante. Que le film se termine sur un voyage sans destination est de mise.