Un monument de la culture marocaine s'en va La nouvelle est tombée comme un couperet et la famille des artistes est inconsolable. Ahmed Tayeb Laâlej s'est éteint, samedi à l'âge de 84 ans. La scène artistique vient de perdre l'une des figures emblématique du théâtre national et l'un des grands maîtres du Zajal au Maroc. Le moment est à la douleur et la résignation au sein de la famille Laâlaj, tant le défunt était chéri de tous. Le répertoire de l'homme en dit beaucoup sur son apport, riche et inoubliable, au développement de la culture et des arts au Maroc. En effet, le défunt faisait figure d'une encyclopédie ambulante, une personnalité pétrie de qualités humaines et un artiste à multiples facettes, grâce auquel l'art dramatique et la chanson marocaine ont connu leur âge d'or. Dramaturge, parolier, adaptateur, interprète et comédien, Tayeb Laâlej, dont le nom ne peut être dissocié des grandes œuvres qu'a connues le Maroc depuis les années 1960, en particulier dans le domaine du théâtre, était le symbole même de la réussite dans la vie active. Son abnégation au travail et son talent inné lui avaient ouvert la voie d'une carrière aussi fulgurante que foisonnante. Ayant fait ses débuts dans la menuiserie, l'homme s'est vite rendu compte de ses immenses potentialités artistiques qu'il allait aiguisées et mettre à profit au fil des ans. Autodidacte, homme ambitieux et talentueux, Laâlej s'est vite imposé sur la scène artistique, devenant même incontournable en matière d'art dramatique au Maroc, pour lequel il a su adapter de grandes œuvres du patrimoine théâtral universel. «Tartuffe», «Les fourberie de Scapin», «Le bourgeois gentilhomme» de Molière sans parler de Jules Romain et Bertolt Brecht. Dans le domaine de la chanson,Tayeb Laâlej a fait montre d'un rare don pour présenter d'une façon ingénieuse et captivante les paroles en langue dialectale. Des chansons telles «Mana Illa Bachar», «Khouyi, Khouyi» resteront à jamais gravées dans la mémoire collective de plusieurs générations. Pour Mustapha Kabbaj, Secrétaire général de la Fondation Ahmed Tayeb Laâlej pour le théâtre, le Zajal et les arts populaires, le regretté défunt «était un génie» ayant enrichi la culture marocaine, mettant en avant ses contributions, d'une valeur culturelle inestimable, notamment dans les domaines du théâtre, du Zajal et des études portant sur les arts populaires et les contes. «Autodidacte, généreux et jouissant du respect de tous, le défunt a légué une production foisonnante», a jugé M. Kabbaj. En effet, au cours de sa longue carrière artistique, des rencontres ont été organisées pour mettre en exergue son apport à la vie culturelle du pays. Une rencontre organisée le 11 mars 2008 au théâtre national Mohammed V, dans le cadre de la première édition du Festival du théâtre de Chellah, avait mis en lumière son parcours authentique et ses apports multidimensionnels à la scène artistique national. Le dramaturge Driss Tadili jugeait alors que Tayeb Laâlej fût l'un des premiers artistes à avoir injecté une bonne dose de créativité au niveau de l'adaptation des grands classiques du théâtre. Le comédien et dramaturge Abdelhak Zerouali affirmait, lui, que Tayeb Laâlej était un véritable '«phénomène artistique» grâce à son imposante production dramatique et poétique. Cet artiste hors pair a, également, reçu plusieurs hommages, notamment celui rendu le 2 juin 2010 dans le cadre des «journées de Molière au Maroc», initiées par le ministère de la Culture et l'Institut supérieur d'art dramatique et d'animation culturelle. Cet hommage fût rendu en signe de reconnaissance à l'une des figures emblématiques du théâtre marocain, qui avait contribué à faire connaître auprès du grand public les oeuvres de Molière. Un an plus tard, un autre hommage grandiose a été rendu à cet artiste à Rabat. Initié par le Parti du progrès et du socialisme (PPS), cet hommage fût l'occasion de saluer le militantisme de Tayeb Laâlej dans le domaine artistique pendant plus d'un demi-siècle. Auteur prolifique et touche-à-tout invétéré, Tayeb Laâlej aura écrit «les deux tiers des chansons» du répertoire contemporain du pays, estimait alors le compositeur Ahmed Alaoui, président du Syndicat marocain des professions musicales. Né en 1928 à Fès, Ahmed Tayeb Laâlej a été placé par son père chez un «maâlem menuisier», comme apprenti, pour devenir à son tour, à l'âge de 18 ans, un maître menuisier. C'est sur le tard que Ahmed Tayeb Laâlej a repris le chemin des études. S'inspirant de la riche tradition populaire, cet homme de théâtre a su exploiter à bon escient le patrimoine culturel marocain. Auteur de plusieurs pièces mémorables, notamment «Hada», «Aitouna», «Nechba» et «Saad», Tayeb Laâlej , qui a rejoint en 1986 les rangs de l'Union des écrivains du Maroc, avait reçu en 1973 le Prix du Maroc de littérature et, en 1975, la médaille du mérite intellectuel syrien. Le défunt a été inhumé, dimanche, dans sa ville natale.