Le Festival des musiques sacrées du monde dont la 18ème édition aura lieu du 8 au 16 juin à Fès, parie cette année sur une combinaison mariant la musique à la réflexion, pour tenter d'entrevoir les possibilités de lendemains enchanteurs. En optant pour un thème à plus d'un titre évocateur “réenchanter le monde”, le festival cherche cette année, selon Faouzi Skali, directeur général de la Fondation Esprit de Fès, sa principale organisatrice, à entrevoir les possibilités de nouveaux rapports au monde “où la fatalité, et donc la dictature du fait accompli, n'a plus de place”. Il s'agit, explique-t-il, de reprendre à rebrousse-poil le processus actuel de délitement, pour y restituer la place de l'homme, de la culture, de la spiritualité, échapper au diktat du tout économique et retrouver la liberté de l'esprit. Une interrogation viendra alors à l'esprit : Comment entamer une telle épopée à la fois individuelle et collective tout en échappant aux mille pièges tendus par les différentes formes de recherche du pouvoir pour lui-même, qu'elles soient matérialistes ou idéalistes, politiciennes ou fondamentalistes ?. Pour tenter de répondre à celle-ci et à une série de questions similaires, des artistes mais aussi des intellectuels de renom voyageront des siècles dans le temps pour s'inspirer des enseignements légués par le personnage exceptionnel qu'est Omar Al Khayyam, poète, homme de science, philosophe et spirituel persan dont ses Rubiyat (quatrains ou fulgurances poétiques) n'ont pas encore révélé tous leurs secrets. L'esprit d'Al Khayyam, auquel cette 18-ème édition rendra un hommage digne de son œuvre, conduira ainsi le fil d'Ariane de la soirée d'ouverture : Une scénographie du réalisateur français Tony Gatlif, connu par sa musique de films, mettra en scène les paroles d'Omar Al Khayyam, avec la participation d'artistes d'Asie centrale, du monde oriental et occidental. Dès le lendemain, Bab Al Makina, site principal du festival, enchainera les grandes affiches. Du jazzman et maitre du Blues et du Gospel Archie Shepp, aux deux ténors de la chanson arabe Wadie El Safi et Lotfi Bouchnak, en passant par l'artiste islandaise Bjork, ou encore la célèbre chanteuse populaire américaine Joan Baez, le réenchantement promet d'être au rendez-vous. Pour les habitués, le somptueux musée Al Batha, avec son chêne pluri-centenaire, ou les riads et maisons traditionnelles de la médina, accueilleront également cette année des spectacles authentiques donnés par des groupes et artistes d'Hongrie, d'Iran, de France, d'Egypte, d'Inde, d'Italie, d'Espagne ou encore de Pakistan. Et pour démocratiser le plaisir de la culture, le festival dans la ville revient cette année avec une programmation incluant des concerts gratuits, plus orientés vers le grand public, à la place de Bab Boujloud, des soirées soufies dans les jardins de Dar Tazi, ainsi que des activités pédagogiques et artistiques pour enfants et adolescents. A cette dimension festive, cette 18ème édition engagera, dans le cadre du forum “une âme pour la mondialisation”, volet académique du festival, une réflexion sur les causes profondes des mutations qui traversent le monde actuel, tant sur un plan idéologique que politique et social. “Une façon de réconcilier le cœur et la raison pour la réalisation de projets porteurs de sens”, selon les propos de Mohamed Kabbaj, président de la fondation Esprit de Fès. Les intellectuels présents se pencheront sur les raisons qui ont fait que “les vieilles recettes s'avèrent stériles” et qu'un monde nouveau éclot aujourd'hui entrainant “ruptures et désarrois du monde ancien”, mais aussi sur les voies faisant en sorte que la poétique rejoigne le politique et la spiritualité se conjugue avec les notions de développement et d'entreprise. Des noms, bien connus sur la scène internationale comme Leili Anvar, Edgar Morin, Bertrand Vergely, Habib Belkouch, Véronique Rieffel, Maati Kabbal, Gunnar Stalset, Katherine Marshall, Pierre Laffitte ou encore Tariq Ramadan seront invités à donner leur lecture sur des sujets portant sur poésie et cité, printemps arabe, spiritualité et entreprise, crise financière ou crise de civilisation.