Bien qu'elle soit dépositaire d'une expérience électorale vieille de plus de 50 ans, la femme marocaine peine toujours à se frayer un chemin dans le monde machiste de la politique et éprouve encore du mal à occuper la place qui lui échoit au sein des instances élues. Depuis les années soixante, la marocaine, peu familiarisée à l'époque aux arcanes de la politique et aux règles réelles du jeu électoral, nourrissait déjà l'ambition de la députation et caressait le rêve d'enclencher la longue marche de féminisation de l'hémicycle, un droit que lui garantissait la première constitution du Royaume. En effet, la loi suprême de 1962 consacrait le droit à l'égalité entre hommes et femmes et reconnaissait explicitement aux femmes des droits politiques. Son article 8 stipulait clairement que «l'homme et la femme jouissent de droits politiques égaux». Fortes de ce droit, les femmes avaient dès lors affirmé leur volonté d'intégrer l'arène politique. Elles étaient seize à se présenter sur 690 candidats aux législatives de mai 1963 et huit parmi 1022 candidats à briguer en 1977 les 176 sièges du Parlement. En 1983, seize candidates se sont présentées aux législatives sans parvenir à décrocher aucun des 306 sièges à pourvoir. Il aura fallu attendre 30 ans (1993) pour que deux femmes arrivent à se faire élire au Parlement. Lors de ces législatives, 2.042 candidats, dont 33 femmes, étaient en lice pour les 222 sièges de la Chambre basse. Symbolique, cette entrée timide sous la coupole n'a pu être consolidée à l'occasion des échéances suivantes de novembre 1997, et ce en dépit du nombre des candidates qui avait plus que doublé (69 femmes). Deux femmes seulement siégeaient au Parlement à l'issue de ce scrutin, soit un taux de représentativité de 0,62 %. Les francs-tireurs de la politique s'en mêlent Face aux appels incessants des francs-tireurs de la politique et des adeptes de la «discrimination positive», en particulier les mouvements féministes, les partis politiques ont convenu finalement de réserver un quota de 10 % des sièges aux femmes au sein de la Chambre des députés. A la veille des élections de 2002, le législateur y est allé aussi de sa contribution en proposant de nouvelles mesures de nature à donner un coup de pouce à la présence féminine au Parlement. Ainsi, la loi organique relative à la Chambre des représentants a remplacé le mode de scrutin uninominal à un tour par le scrutin de liste à la proportionnelle et introduit le système des deux listes (listes locales et liste nationale) dans l'objectif de faciliter l'élection des femmes si elles sont bien positionnées sur les listes. En application de ce texte, un quota de 30 sièges (sur 325) fut alors réservé exclusivement aux femmes en 2002, dans le cadre d'une «liste nationale» qui garantissait à la gent féminine un taux de représentativité de 10,46 %. Dans la course aux 325 sièges de la Chambre basse, 266 prétendantes avaient brigué le nouveau quota de 30 sièges réservé aux femmes qui se voulait au départ une mesure spéciale transitoire et temporaire. Lors de ce scrutin, cinq femmes seulement avaient pu tirer leur épingle du jeu et décrocher le titre de représentantes de la nation dans les mêmes conditions de compétition et surtout d'égalité que les hommes, portant ainsi le taux de représentativité des femmes à 10,77 %. + 2007 : Un rendez vous manque + Les femmes, qui cultivaient l'espoir d'atteindre en 2007 le tiers des sièges, encouragées en cela par un vif soutien de réseaux de députées et d'associations féminines engagés pour la parité, ont échoué une fois de plus lors de cette épreuve électorale à conforter leur présence dans l'hémicycle. Fidèles à elles-mêmes, elles ont fait de la concrétisation de la parité un leitmotiv et de la persévérance leur ligne de conduite sans pour autant parvenir à booster les acquis des précédentes consultations. En somme, seulement 34 femmes ont réussi à accéder au «cercle fermé» des députés dont 30 via la liste nationale. Elles n'ont représenté que 3 % du total des candidats «tête-de-liste» et 5 % de l'ensemble des candidatures présentées dans les listes locales, des chiffres qui en disent long sur l'effort qu'elles seront appelées à fournir et du chemin qui leur reste à parcourir pour atteindre l'objectif ultime de la parité. Aujourd'hui, les femmes ne représentent qu'une proportion de 10,46 % à la Chambre basse du Parlement marocain, loin derrière le Rwanda (56,3 %), l'Irak (25,2 %), le Soudan (25,1 %), les Emirats Arabes Unis (22,5 %), la Mauritanie (22,1) ou la Syrie (12,4 %), selon le classement mondial de l'Union interparlementaire. Engagement de l'état en faveur de la parité Dans la perspective des prochaines échéances électorales, les femmes, en général, et les associations féminines, en particulier, ont multiplié les appels au maintien de la liste nationale, à sa consécration au profit des femmes, à l'augmentation de son quota et à sa consolidation en tant que mécanisme de mise en oeuvre du principe de la parité. Ces appels n'ont par tardé à trouver écho auprès du législateur, d'autant plus que la nouvelle constitution de juillet 2011 consacre solennellement, dans son article 19, l'égalité des droits homme-femme et souligne que «l'Etat marocain oeuvre à la réalisation de la parité entre» les sexes. Mieux encore, la nouvelle loi fondamentale stipule dans son article 30 que «la loi prévoit des dispositions de nature à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux fonctions électives». En conséquence, de nouvelles règles de discrimination positive devant renforcer la représentativité des femmes à la première Chambre du Parlement furent introduites. Dans cette optique, la loi organique du 4 octobre 2011 a porté à 90 le nombre de sièges à pourvoir dans le cadre de la liste nationale, dont 60 iront à la gent féminine et 30 aux jeunes de moins de 40 ans. Elle dispose également que la première place dans la liste de candidature doit être réservée aux femmes. De surcroit, le législateur a réduit de 6 à 3 % le seuil d'éligibilité requis pour participer à la répartition des sièges, en vue de permettre à toutes les formations politiques, même les petits partis, de décrocher des sièges au niveau de la liste nationale. A fortiori, les élections législatives anticipées de 2011 se présentent comme un véritable test pour mesurer la portée des nouvelles dispositions prises en faveur de la parité et surtout une occasion propice pour les femmes de prendre leur revanche et montrer qu'elles sont aussi capables que les hommes d'avoir les faveurs des électeurs. Elles sont quelque 1140 femmes à briguer les sièges de la liste nationale et pas moins de 484 dans les circonscriptions locales (9 % de l'ensemble des candidats) dont 64 mandataires de listes. Seront-elles en mesure de s'attirer une bonne partie des voix des 13,63 millions d'électeurs ? Peuvent-elles compter sur la solidarité féminine du moment que les femmes représentent 45,10 % du corps électoral ? Ce scrutin signera-t-il une percée significative de la gent féminine ou constituera-t-il une énième déception ?. Les réponses à toutes ces questions ne tarderont pas à tomber. Seulement quelques jours nous séparent des élections et les urnes finiront par nous révéler leur verdict. Rendez-vous est pris pour le 25 novembre.