Les scandales sur la maltraitance des petites bonnes au Maroc ne cessent d'être révélés. Si l'on se base sur les chiffres de l'UNICEF, elles seraient plus de 60.000 à servir d' « esclaves » modernes dans des foyers marocains, 42% d'entre elles subissent quotidiennement toute sorte d'abus. Afin de les repêcher de cette misère, un projet de loi relatif au travail domestique a été adopté par le Conseil du gouvernement mercredi dernier. Ce texte, si appliqué, apportera une amélioration sans précédent à la situation des enfants travailleurs au Maroc. Contactée par Al Bayane, Nouzha Skalli, ministre du Développement social, de la famille et de la solidarité, affirme que : «Ce projet constitue une avancée importante pour l'Etat de droit dans notre pays. Ce projet est d'une extrême importance dans la mesure où il permettra l'organisation du travail des enfants, leur protection et la garantie des droits de cette population. Le département dans lequel j'opère s'est largement investi pour l'interdiction du travail des enfants de moins de 15 ans. Pour nous, c'est un grand jour». Les dispositions de ce projet de loi qui a été adopté après une attente qui a duré deux bonnes années, ont trait aux conditions de l'emploi du personnel domestique, au repos hebdomadaire, au congé annuel, aux jours fériés et fêtes religieuses, au salaire, au contrôle et aux sanctions. Ce texte stipule que le travail domestique des filles de moins de 15 ans est désormais interdit. Il interdit également de confier au personnel domestique, âgé entre 15 et 18 ans, des tâches ménagères dangereuses. Il vise aussi à préciser les rapports entre ces salariés et les employeurs, dans la perspective de leur garantir protection sociale et droits socio-économiques. A cela s'ajoute l'emploi du personnel domestique étranger qui sera dorénavant soumis à une autorisation délivrée par le ministère de l'Emploi. S'exprimant à ce sujet, Meriem Kamal, chargée de communication de l'association INSAF et coordinatrice du collectif pour l'éradication des petites bonnes se dit : « très contente que cette loi soit enfin sortie du placard du Secrétariat du gouvernement. Cette loi est une grande avancée pour le Maroc, nous espérons réellement que le gouvernement continuera de garantir les droits de cette population». Dans le même sens, et avec le même optimisme Mme la ministre estime que « Cette loi va nous donner des instruments très importants nous permettant d'avoir réellement un Maroc digne de ses enfants. Nous espérons pouvoir éradiquer définitivement le travail des petites bonnes ». Le grand pas est donc fait, notre pays dispose d'une réglementation qui saura mettre à niveau à moyen et long terme la situation de ces travailleurs domestiques. Cependant, il faudrait opérer des changements au niveau des pratiques. De larges campagnes de sensibilisations sont nécessaire pour accompagner l'arsenal juridique mis en place. D'après une étude, 10% des employés ignoreraient l'inégalité du travail des enfants de moins de 15ans. Pis, d'après meriem kamal « plus des deux tiers des parents de ces enfants n'ont pas la moindre idée sur les lois protégeant leurs petits ». Ceci joue en la faveur des employés qui, eux, continuent d'exercer toute sorte d'abus psychiques et physique sur les domestiques. « A cet effet, nous avons besoin de plus de sensibilisation dans les régions les plus enclavées. Les parents ne peuvent pas être tenus comme responsable si on ne leur offre pas les moyens leur permettant de voir grandir leurs enfants dans de bonnes conditions » conclut la coordinatrice du collectif pour la protection des petites bonnes. Un seul souci fera surface, « La grande majorité des employeurs sont en dehors de la loi. Cette loi, si elle est appliquée, les poussera à se débarrasser des leurs petites bonnes, n'ayant pas la possibilité de rentrer chez eux, ces petites se retrouveront dans la rue ». En effet, la majorité des petites bonnes perdent contact avec leurs parents au bout de quelques mois de leur départ. Il va donc falloir prévoir des centres d'accueil, des psychologues et un personnel qualifié pour l'accompagnement des petites bonne et leur assurer pour la suite une bonne insertion. D'après un acteur associatif « 42% de ces petites filles ont été victime de violence. Cette violence ne se limite pas à celle psychique, ces petites bonnes sont maltraitées et abusées sexuellement». La société civile n'a malheureusement toujours pas de légitimité juridique lui permettant d'intervenir directement auprès des employés. Toutefois, cette nouvelle loi offre à l'inspection du travail des prérogatives en matière de réconciliation entre employeurs et employés en plus de la mise en place de mécanismes de contrôle et de sanctions en cas de violation des dispositions de la loi. A ce propos, Meriem Kamal estime qu'il serait nécessaire de mettre en place une équipe parmi la police judiciaire afin de pouvoir intervenir directement en cas d'abus à l'égard des domestiques. Seul bémol, il n'existe jusqu'à présent pas numéro vert ou de formulaires permettant de dénoncer de telles pratiques, chose qui ne facilite pas la prise en contact avec les parties censées intervenir pour la protection des domestiques. Les outils juridiques de l'éradication de ce phénomène sont donc là. Mais au-delà des textes, un changement de mentalité s'impose. Les histoires tragiques des petites filles exploitées dans notre société se suivent, se ressemblent et atteste d'une incapacité chronique de combattre ce fléau au 21ème siècle. La loi présente réussira-t-elle à changer la donne ? Dans tous les cas, les parties concernées restent optimistes quant aux grandes avancées qu'apporte ce texte et espèrent pour voir garantir aux enfants un Maroc digne d'eux.