On a beau vanter Hay Riad, un des quartiers les plus prisés de la capitale, que ce soit pour le calme qui y règne, pour sa propreté, ou pour ses belles constructions dont les prix augmentent à la vitesse de la lumière. On a beau dire qu'il y faisait bon vivre, qu'il était sur le chemin de se transformer en un nouveau centre urbain. Inutile de se voiler la face. Depuis des années, le quartier est hanté par l'ombre d'agressions dont sont victimes en premier lieu les adolescents mais de plus en plus d'adultes. En fait, il suffit d'être piéton à Hay Riad pour craindre pour sa sécurité. On en est rendu à un point où pour aller s'acheter 2 baguettes chez l'épicier du coin, il faut prendre sa voiture. En témoigne ma récente expérience où, me rendant à l'épicerie dont nous sépare quelques 100m et 2 immeubles avec gardiens, je fus surprise par un passant venu s'adresser à moi de façon très agressive en me criant : «khti, debbri aalia!», traduction : «ma sœur, trouve moi quelque chose !». Notons que sa façon ou plutôt non-façon de s'exprimer n'avait rien de fraternel. Le petit porte monnaie très vieux que j'avais ce jour-là et ma phrase «je n'ai que quelques dirhams pour acheter du pain» ont fait office d'arme de défense puisque le gars a compris que je n'avais rien sur moi. Détail non négligeable, je tenais par la main mon petit gosse de 2ans. Mon petit gosse avec lequel je fais ce trajet quotidiennement pour me rendre au Mail Central (Mahaj Riad) dont ne nous séparent que quelques 4minutes, et pourtant! Quand le gars s'est éloigné mon cœur battait la chamade. Il m'avait menacée dans ma sécurité et surtout je n'avais aucun contrôle sur la situation, encore moins sur la sécurité de mon enfant. Les 2 gardiens de sécurité ne se trouvaient pas là ce jour là, et ce n'est pas de leur faute car ce n'est pas à eux de défendre la sécurité des citoyens. D'ailleurs quand je vois plus de 40% de mon salaire versé en impôts publics, la question que je me pose est : «où sont ceux supposés veiller à ma sécurité et à celle de mon enfant ?» Mais mon expérience avec les agresseurs ne s'arrêtera pas là. Hier, en retournant du salon de coiffure, je fus surprise par un passant qui marchait mine de rien mais qui s'est transformé en l'espace de quelques secondes en un monstre venu courir vers moi tout en pointant son canif et en me murmurant «donne ton téléphone portable». L'horreur de l'incident fut tellement immense que je n'avais qu'un seul souhait : qu'il parte des lieux. Même parti j'étais en pleurs et stoppais une dame en voiture pour qu'elle me ramène chez moi. Même parti avec mon portable que j'avais jeté sous l'effet de la peur loin pour qu'il cesse de s'approcher de moi avec son canif qu'il était sur le point de lancer sur mon visage, je continuais d'être traumatisée à l'idée qu'il revienne planter son arme dans ma face. Inutile de mentionner que les 2-3 adultes qui ont assisté à la scène n'ont pas bougé le doigt pour me venir en aide, mais là encore, quoi qu'en dise les lois du genre «non assistance à personne en danger», je dirai que ces personnes ne perçoivent aucune miette des 44% de mon salaire versé en impôt. Honnêtement, la phrase «la plus grande force du Maroc est ses forces de l'ordre» me laisse de plus en plus pensive. De quel ordre parle-t-on? Si l'ordre concerne le maintien de la sécurité des habitants, je ne vois aucunement en quoi c'est une force. Sachant que la majorité de mes connaissances habitant dans le même quartier n'ont pas échappé à de pareilles scènes de crime et d'agression (je fus l'une des retardataires pour la simple raison que j'ai passé les douze dernières années de ma vie à l'extérieur du quartier et de la ville), les questions qui se posent sont : Pourquoi les forces de l'ordre n'interviennent-elles pas pour la sécurité des citoyens avec la même ardeur qu'on les voit intervenir lors des marches pacifiques qui pourtant ne nuisent pas au contribuable comme tel? Et même lorsque les forces de l'ordre ont la bonne foi d'intervenir pour protéger le citoyen, disposent-elles des moyens et outils nécessaires pour exercer leur travail dans des conditions satisfaisantes? En-est-on rendu au point que chacun devrait posséder sa propre arme de défense, à l'instar de ce qui se passe aux Etats-Unis? Quel rôle jouent la société civile et les associations des droits de l'homme dans un domaine où le droit à la vie et à la sécurité est quotidiennement menacé? Quelle part joue l'exclusion sociale et le non accès au travail dans la création de telles problématiques? Peut-on parler de démocratie lorsque le citoyen se trouve menacé dans ce qu'il a de plus basique : sa sécurité et celle de ses enfants? En attendant de recevoir une réponse à mes questionnements, je vous prie, chers concitoyens de Hay Riad et d'autres quartiers souffrant probablement de la même problématique, de rester cloîtrés chez vous si vous n'êtes pas fichu de posséder une voiture, une arme de défense ou tout au moins une ceinture noire dans un art martial quelconque.