Il fut un temps où la retraite signifiait tout simplement la fin d'une vie de labeur et le commencement d'un repos à vie bien mérité. Aujourd'hui, cette donne n'est plus totalement la même puisqu'ils sont de plus en plus nombreux, la soixantaine bien sonnée, à se remettre au boulot. Exit les parties interminables d'échecs ou encore de cartes disputées dans les jardins publics, moment très apprécié par les vieux retraités pour passer le temps et évoquer des souvenances partagées. Le tout dans une ambiance de franche rigolade. Exit aussi les pérégrinations dans les ruelles et les marchés de la ville et qui finissent souvent sur le banc d'un jardin public ou un café, le temps de reprendre son souffle et de méditer un peu. Car aujourd'hui, nos retraités se remettent bel et bien au travail. Les uns par nécessité car la maigre pension ne suffit pas pour payer des factures, des frais médicaux ou encore soutenir un ou des enfants, si ce n'est toute la famille. Des charges qui les poussent à chercher du travail. Et peu importe la tâche, pourvu que les fins de mois deviennent un peu moins difficiles. Travailler plus pour gagner plus et peu importe le métier, chauffeur de taxi, concierge et même agent de sécurité pour les bien portants. D'autres parmi nos seniors reprennent le travail, non pas à cause de l'indigence mais parce qu'ils ne supportent pas l'oisiveté, habitués qu'ils sont à un rythme de vie chargé. Ils continuent à travailler car ils ne peuvent pas se reposer autrement. Une journée de travail bien pleine est pour eux la source du bien-être. La raison même de leur existence. Comme c'est en quelque sorte le cas au pays du soleil levant où la culture du travail est très ancrée à telle enseigne que l'entreprise est considérée comme une famille. Là-bas, la retraite signifie pour nombre de japonais la déchéance. La mort dans l'âme, les uns commettent même l'irréparable en se suicidant. Et il y a aussi chez nous ceux qui sont indispensables à leur administration ou leur entreprise. Assumant très souvent des responsabilités de premier plan, ils sont réputés pour leur savoir-faire et leur efficacité. Sollicités et priés de rester, ils prolongent leurs bons et loyaux services. Comme si le temps n'a pas de prise sur eux, nos seniors semblent de plus en plus disposés à prolonger leur vie active. D'autant que l'espérance de vie au pays est aujourd'hui de 73 ans au lieu de 62 ans au début des années soixante selon les statistiques du Haut Commissariat au Plan, qui indique que l'effectif des personnes âgées de plus de 60 ans est passé de 833. 000 à 2,4 millions entre 1960 et 2010, soit une augmentation de 2,3 pc. Une courbe qui ira crescendo pour atteindre les 3,5 pc entre 2010 et 2030, selon le HCP dans un rapport publié en octobre 2010. Du coup, avec l'allongement de l'espérance de vie et les risques de déficit qui pèsent sur les équilibres financiers des caisses de retraite, le prolongement de la vie active et le relèvement de l'âge de départ à la retraite au-delà de 60 ans, se posent aujourd'hui comme une alternative incontournable. Comme c'est le cas d'ailleurs en Europe où la plupart des pays ont procédé au relèvement de l'âge légal de la retraite repoussé par certains membres de l'Union Européenne jusqu'à 67 ans. Exemple, le cas de l'Allemagne qui a décidé de porter l'âge légal de départ à la retraite à 67 ans entre 2012 et 2030. Et compte même le prolonger jusqu'à 70 ans d'ici à 2060 ! Une décision qui figure parmi une batterie de mesures drastiques prises par les pays de l'Union Européenne pour faire face à la crise économique et financière et retrouver des équilibres budgétaires. Au Maroc, la donne n'est pas la même mais il n'en reste pas moins que le relèvement de l'âge de départ à la retraite est plus que jamais à l'ordre du jour. Et cette option ne date pas d'aujourd'hui puisqu'il a été envisagé bien avant avec le lancement en 2003 du chantier de la réforme des régimes de retraite à l'époque du précédent gouvernement dirigé par M. Driss Jettou. Mais quand bien même le relèvement à 65 ans de l'âge de départ à la retraite soit établi, cela ne peut que repousser de quelques années le déficit, voire l'épuisement des réserves de certaines des quatre caisses de retraite comme la Caisse Marocaine de Retraite (CMR) menacée de déséquilibres financiers à partir de 2012 et même de l'épuisement de ses réserves en 2019. Un constat dressé par le cabinet d'études ‘'Actuaria'' auquel a été confié la mission de faire l'état des lieux des caisses de retraites et de proposer des pistes de réforme. Des propositions qui ont été remises en 2009 à la commission technique et la commission nationale de suivi de la réforme de retraite instituées par le gouvernement en concertation avec les partenaires sociaux et économiques. Cela dit, en attendant la réforme, il reste que les forçats du travail après la retraite se font de plus en plus nombreux. Ils n'ont pas tous les mêmes motivations, ni encore moins les mêmes objectifs mais pour la plupart d'entre eux, c'est le dernier baroud d'honneur pour retrouver une santé financière.