La France coloniale, qui a conquis l'Algérie, a cru pouvoir y rester pour l'éternité. Pour des raisons économiques (gaz et pétrole) et pour des raisons stratégiques (bombe atomique) elle s'est accaparé pratiquement la quasi-totalité du Sahara aux dépens du Maroc et de la Tunisie. Le Gouvernement Provisoire Algérien, formé pendant la guerre de l'indépendance de l'Algérie, avait promis à ses voisins maghrébins dans des traités internationaux signés de renoncer à la « Carte de l'Algérie Française » au profit de la « Carte de l'Union Maghrébine », et de restituer les territoires sahariens pris par la France coloniale aux autres pays du Maghreb. Juste après l'Indépendance de l'Algérie en 1962, ce n'est pas le Gouvernement Provisoire qui a pris le pouvoir, mais les généraux, la Junte militaire de l'armée algérienne (https://algeriawatch.org/?p=55355). Cette Junte militaire n'a rien voulu savoir des accords conclus entre le Gouvernement Provisoire Algérien et ses voisins maghrébins en vue de la restitution des territoires sahariens spoliés par la France coloniale. Elle a défendu et joué depuis l'indépendance, et jusqu'à nos jours, la « Carte de l'Algérie Coloniale Française » au détriment de la « Carte de l'Union Maghrébine ». Elle a confisqué l'indépendance de l'Algérie. Il suffit de se référer au témoignage accablant de Ferhat Abbas, figure importante du combat pour l'indépendance et pour une Algérie démocratique, afin de découvrir les détails de la dictature imposée par les militaires au peuple algérien frère ainsi que l'ampleur de « la trahison des chouhada » (Ferhat Abbas, L'Indépendance confisquée, Editions Flammarion, Paris 1992). Après plusieurs tentatives infructueuses, la Tunisie a renoncé à ses revendications légitimes à cause des pressions et agressions violentes de la Junte algérienne. Quant au Maroc, dont l'indépendance s'est étalée sur plusieurs décennies, il n'a pas renoncé à ses territoires (https://www.libe.ma/Rever-le-Maghreb-Archeologie-du- locage_a122464.html). Il a même réussi à récupérer son Sahara occupé par l'Espagne coloniale grâce à la Marche Verte et en vertu des accords de Madrid La Junte algérienne a réagi en créant de toutes pièces un mouvement séparatiste qu'elle a formé militairement et soutenu politiquement. Pour réaliser ce projet, elle a séquestré une partie de la population sahraouie dans la localité de Tindouf et défendu un prétendu droit à l'autodétermination. Au lieu de penser à l'intérêt de cent millions de Maghrébins et de jouer la « Carte de l'Union du Maghreb », elle a préféré le séparatisme pour continuer à jouer la « Carte de l'Algérie Française » définie et défendue par la puissance impériale. Elle n'a même pas accepté la proposition du président tunisien Dr. Moncef Marzouki de résoudre la question de cette population sahraouie séquestrée en Algérie dans le cadre d'une Union Maghrébine, et de ne pas renvoyer, encore une fois, l'intérêt de cent millions de Maghrébins aux calendes grecques sous prétexte de défendre les intérêts des séquestrés de Tindouf (environ 70.000 habitants). Le président Marzouki s'était donc déplacé personnellement pour rien à Alger dans l'espoir d'éviter le sacrifice des aspirations des peuples du Maghreb sur l'autel des séquestrés de Tindouf. Il faut dire que même à supposer que les aspirations de ces séquestrés soient légitimes, les intérêts de cette population peuvent beaucoup mieux être respectés dans le cadre d'une « Union Maghrébine » que dans le cadre d'un « Maghreb balkanisé », donc divisé en plusieurs Etats. Ceci est d'autant plus logique si on prend en considération le fait que les populations sahraouies, que ce soit dans le Sahara Central (Algérie), Occidental (Maroc) ou Oriental (Tunisie et Libye), sont en partie des populations nomades vu leur mode de vie lié à la nature du sol. Elles ne connaissent pas de frontières ! Mais pour pouvoir développer toutes ces réflexions et considérations, il faut disposer d'une culture politique et sociologique, culture que les militaires algériens n'ont pas, et pour cause : ils ont été socialisés dans des casernes ! Le Maroc, acculé au pied du mur par la Junte Algérienne qui veut réaliser, grâce à la carte de ses séparatistes, une expansion saharienne vers l'Océan Atlantique, et par l'Espagne qui colonise toujours une partie de son territoire (Sebta, Melilla et les îles Zaffarines), est parti à la recherche d'alliés de taille pour défendre son existence et ses intérêts. Démarche tout à fait légitime ! Les militaires algériens, qui n'ont pas étudié l'histoire des relations internationales, n'ont pas pu s'imaginer un tel scénario qui est tout de même un scénario tout à fait classique, scénario qu'on devrait normalement connaître si on a une formation en politologie, ne serait-ce qu'élémentaire. Donc la Junte militaire algérienne n'a pas pu voir venir la reconnaissance de la marocanité du Sahara par les Etats Unis, ni les accords stratégiques entre le Maroc et Israël, ce qui est très grave pour cette dictature à peine déguisée. Grave également bien sûr pour l'avenir de l'Union du Maghreb. Et à supposer que la Junte militaire algérienne aurait pu deviner par hasard les conséquences régionales de sa politique tout en laissant les choses évoluer contre l'intérêt de cent millions de Maghrébins, cela aurait été plus grave encore. Si la junte militaire au pouvoir en Algérie depuis l'indépendance n'a pas vu Israël venir s'installer à ses frontières, c'est qu'elle est aveugle ! Et si elle a vu par hasard qu'Israël allait s'installer à ses frontières et n'a rien fait pour l'en empêcher ? Le séparatisme prôné par les militaires algériens n'est dans l'intérêt d'aucun pays de cette contrée, surtout pas dans celui de l'Algérie qui a hérité d'une carte coloniale vouée tôt ou tard à la disparition. Et il n'est pas à fortiori dans l'intérêt de la population séquestrée à Tindouf dans des camps de réfugiés, pour ne pas dire dans des camps de concentration. ——————————– Fawzi Boubia est écrivain et philosophe, spécialiste des relations « Orient-Occident ». Récente publication : « Von Deutschlandlernen: Goethe und Hegel », Palm Art Press, Berlin, 2021. « Ich bin ein Migrationshintergrund », un roman sur l'exclusion des étrangers en Allemagne. :