Porter Goss, nommé à la tête de la CIA il y a moins de deux ans pour réformer une agence de renseignement mise à mal par les attentats du 11 septembre 2001 et la gestion du dossier irakien, a remis vendredi sa démission au Président des Etats-Unis. Sans avancer aucun motif pour expliquer son geste, George Bush a salué la franchise de ses conseils au cours de cette période de transition. Des responsables du gouvernement ont déclaré vendredi sur CNN que le général de l'armée de l'air Michael Hayden, numéro deux du renseignement américain, remplacerait Goss. Des sources citées sur les sites Internet du «The New York Time» et du magazine Time ont fourni des indications allant dans le même sens. Plusieurs sources haut placées au sein de l'Administration Bush ont confié au «Washington Post» que le président américain avait pris la décision de remplacer Goss il y a quelques mois. John Negroponte, directeur du Renseignement national qui supervise désormais les activités de la CIA, a annoncé à Goss le mois dernier qu'il devait se préparer à quitter ses fonctions en mai, selon le site Internet du quotidien. Negroponte pourrait proposer le successeur de Goss dès lundi, a-t-on appris de source officielle. Le Président américain, qui a entrepris de remodeler son administration pour redresser une cote de popularité au plus bas en raison, notamment, des revers subis en Irak, n'a pas non plus évoqué le nom de son successeur, dont le choix pourrait s'avérer délicat. Le Renseignement national a été créé dans le cadre des réformes adoptées, non sans résistance, après les attentats du 11-Septembre. Le départ surprise de Goss a été annoncé lors d'une réunion organisée à la hâte dans le bureau ovale de la Maison blanche, en présence de l'intéressé et de Negroponte. La décision a été prise d'un commun accord, a-t-on souligné. «Le mandat de Porter à la CIA était un mandat de transition. Il a contribué à l'intégration de cette agence au sein de la communauté du renseignement. C'était une tâche ardue. Il a servi avec compétence», a déclaré Bush. Un responsable de l'Administration Bush a fait état de tensions entre Negroponte et Goss, la nouvelle agence de Renseignement national cherchant à s'affirmer face à la CIA. L'atmosphère est devenue explosive lorsque Negroponte a décidé qu'une bonne partie des analystes antiterroristes de la CIA devrait être transférée au sein du Centre national de l'antiterrorisme récemment créé dans le cadre des réformes des services de renseignements. Goss s'y était opposé parce qu'il estimait que cela entamerait les capacités de la CIA, a déclaré un responsable des services de renseignements. «Il défendait l'agence», a-t-il résumé. A l'occasion de son audition devant le Congrès, appelé à confirmer sa nomination en septembre 2004, Goss avait estimé que le chef de la CIA devait avoir un accès direct au président des Etats-Unis, un privilège désormais réservé à Negroponte. «Une caricature» Il s'était également engagé à redorer le blason de l'agence qu'il a servie dans les années 1960 et pour laquelle il avait dit éprouver un «amour profond». Son mandat, estiment certains observateurs, ne pouvait être que limité en raison des tensions qui ont très tôt émaillé ses relations avec de hauts responsables des services secrets. Nombre d'entre eux ont depuis quitté la CIA. «Dieu soit loué !», s'est exclamé un ancien agent en apprenant sa démission. «Les choses ont tellement mal tourné ici... C'est une véritable caricature, à l'heure actuelle. Il n'y a pas de véritable autorité. Parmi ceux qui pourraient partir à la retraite ne restent que ceux qui ont des enfants à l'université et qui doivent payer leur scolarité», a-t-il ajouté sous le couvert de l'anonymat. Goss, nommé après la démission de George Tenet, mis en cause pour les renseignements erronés fournis au sujet de l'arsenal irakien, a quant à lui assuré que l'agence, «bien à flot, tenait bon la barre». «Je crois honnêtement que nous avons fait progresser remarquablement vos objectifs en ce qui concerne les capacités de renseignement de notre pays (...)», a-t-il ajouté, s'adressant au président. Diplômé de grec ancien à l'Université de Yale dans les années 1960, Goss, né en 1938, a passé dix ans à la direction des opérations, la branche secrète de la CIA, qu'il a quittée en 1971 pour raison de santé. Les informations sur ses activités sont toujours classées secret-défense, mais il a lui-même fait savoir qu'il avait passé le plus clair de cette période à Miami et qu'il avait travaillé en Amérique centrale et dans les Caraïbes, notamment en Haïti. Elu en 1988 à la Chambre des représentants sous l'étiquette républicaine après avoir fait fortune dans l'immobilier, en Floride, il y a notamment présidé la commission du renseignement.