Plusieurs juges veulent convoquer l'ancien président, qui pourra être interrogé comme un citoyen ordinaire. SAMEDI soir à minuit, Jacques Chirac redevient un citoyen ordinaire. Après douze années d'immunité présidentielle, l'ancien chef de l'État peut désormais être entendu par la justice. Et pas moins de cinq procédures l'attendent. Si l'affaire Clearstream est la plus médiatique, elle se présente, pour l'instant, comme la moins délicate pour l'ex-chef de l'État, les juges ayant l'intention de l'interroger comme simple témoin. Beaucoup plus sensibles sont en revanche les dossiers le concernant en sa qualité d'ancien maire de Paris et/ou président du RPR. À Nanterre, l'hypothèse d'un renvoi devant un tribunal correctionnel, pour la même affaire d'emplois fictifs que celle d'Alain Juppé, n'est pas exclue. Mais Jacques Chirac devra encore s'expliquer sur d'autres emplois fictifs, à Paris, dans un dossier où ses plus proches collaborateurs ont déjà été mis en examen. C'est donc un long parcours judiciaire qui attend l'ancien président de la République, avec ses conséquences fâcheuses sur son image aussi bien que sur la fonction présidentielle. → Clearstream Devant les juges Jean-Marie d'Huy et Henri Pons, Jacques Chirac devra notamment préciser quelle connaissance il avait des faux listings de Clearstream. Il dira également si oui ou non il a ordonné au général Rondot de mener une enquête parallèle. Interrogé le 22 mai dernier, l'ancien militaire a déclaré que lors de la fameuse réunion du 9 janvier 2004, dans le bureau de Dominique de Villepin alors ministère des Affaires étrangères, celui-ci « a fait état de la décision présidentielle que la DGSE mette ses moyens à ma disposition ». Une version jusque-là contredite par Dominique de Villepin et par l'entourage de Jacques Chirac. Par ailleurs, en marge de ce dossier, les juges Pons et d'Huy pourraient demander l'ouverture d'une procédure distincte visant un compte présumé de Jacques Chirac au Japon, sur les bases d'éléments découverts dans les archives du général Rondot. → Les emplois fictifs du RPR Le volet concernant Jacques Chirac a été disjoint du dossier principal le 12 décembre 2002, dans l'attente du terme de l'immunité présidentielle. Son audition sous le statut probable de témoin assisté est inéluctable, et Jacques Chirac aura à s'expliquer sur une note manuscrite dans laquelle il demandait une promotion pour une secrétaire municipale qui travaillait en réalité pour le RPR. Au terme de cet interrogatoire, il appartiendra au juge Alain Philibeaux de décider ou non de sa mise en examen. Dans l'hypothèse où le magistrat choisirait de poursuivre l'ancien président, il ouvrirait la voie à un procès devant le tribunal correctionnel de Nanterre. C'est la même affaire qui a valu à Alain Juppé une condamnation à un an de privation de droits civiques. → La Sempap Peu connu, ce dossier est peut-être un des plus délicat. L'enquête ouverte pour « favoritisme, détournement de fonds publics et prise illégale d'intérêts » vise la Sempap, une société d'économie mixte chargée, entre 1986 et 1996, des travaux d'imprimerie de la Mairie de Paris. Un rapport de l'inspection générale de la Ville de Paris, daté de 1992, conclut : « Nous sommes en fait en présence d'un véritable système sciemment mis en place qui à tout moment, peut provoquer un scandale politico-financier qui ne manquera pas d'éclabousser la ville et le maire de Paris lui-même. » De son côté, la brigade financière a écrit : « Il apparaît que l'activité de la Sempap était sous le contrôle du cabinet du maire de Paris. » Le dossier est aujourd'hui entre les mains du juge d'Huy. → Les faux chargés de mission L'enquête pour « détournement de fonds publics et faux et usage de faux » porte sur un système de rémunération occulte à la Mairie de Paris, au bénéfice de collaborateurs ou de proches de personnalités politiques entre 1986 et 1995. La justice considère que plus de 4 millions d'euros auraient ainsi été détournés des caisses municipales au profit d'une quarantaine de chargés de missions supposés fictifs. À ce jour, quatre anciens directeurs de cabinet de Jacques Chirac à l'Hôtel de Ville sont poursuivis : Michel Roussin, Robert Pandraud, Daniel Naftalski et Rémy Chardon, ainsi qu'une quinzaine de bénéficiaires présumés de ces emplois présumés fictifs. L'audition programmée de Jacques Chirac par la juge Xavière Siméoni devrait avoir lieu après le 26 juin, date à laquelle la Cour de cassation se prononcera sur la validité de la procédure. → Euralair L'affaire de la faillite de la compagnie aérienne semble être finalement plus gênante pour Bernadette Chirac que pour son mari. La juge Siméoni enquête sur des voyages qui auraient été offerts au couple présidentiel et à diverses autres personnalités, dont des journalistes.