"Quatre mois, trois semaines et deux jours", du cinéaste roumain Cristian Mungiu, a remporté dimanche soir la Palme d'or du 60e Festival de Cannes, le choix du jury présidé par le réalisateur britannique Stephen Frears ayant pour une fois reflété les anticipations de la presse. Le film se déroule dans la Roumanie de Ceaucescu, où l'avortement est interdit. Une jeune étudiante, Gabita (Laura Vassiliu), entreprend d'interrompre sa grossesse avec l'aide d'Ottila (Anamaria Marinca), sa camarade de chambrée. Les deux femmes font appel à M. Bébé (Vlad Ivanov) pour opérer, discrètement dans une chambre d'hôtel. Il se fera payer non pas en argent, mais en nature. L'espace d'une nuit, Cristian Mungiu, cinéaste d'une nouvelle vague roumaine, va nous faire partager les affres et les angoisses d'Ottila, qui met tout en oeuvre, au-delà de l'abnégation, pour aider son amie. La Palme d'or a été remise au cinéaste roumain par l'actrice Jane Fonda, venu à Cannes pour un hommage rendu à son père l'acteur Henry Fonda. "Toute cette attention que nous suscitons ici durant le Festival, cette histoire en laquelle nous croyons tant, va toucher une multitude de gens à présent", a réagi Mungiu. "J'espère aussi que cette récompense reçue ce soir sera une bonne nouvelle pour les cinéastes des petits pays car cela veut dire apparemment qu'on n'a pas besoin d'un gros budget et d'une flopée de stars." LE PRIX DU JURY POUR PERSEPOLIS Le Grand Prix distingue "La Forêt de Mogari", de la réalisatrice japonaise Naomi Kawase. Shigeki (Shigeki Uda, un comédien non professionnel) est un vieil homme vivant dans une maison de retraite. Il part un jour en randonnée avec la jeune aide-soignante Machiko (Machiko Ono). Un accident de voiture va les amener à se perdre en pleine forêt, Shigeki ayant décidé de se rendre en pèlerinage sur la tombe de son épouse, protégée des yeux indiscrets par l'épaisse frondaison qui laisse passer un jour diffus. Là, Machiko, qui a perdu aussi un être cher, aidera Shigeki à remplir le rituel funéraire qu'il destinait à sa bien-aimée trépassée et à lui dire définitivement au revoir. Naomi Kawase avait remporté en 1997 le Caméra d'or, qui récompense un premier film à Cannes. Elle était également en compétition sur la croisette en 2003 avec "Shara". Le réalisateur américain Gus Van Sant s'est vu décerner un prix créé spécialement pour l'occasion, le Prix du 60e Anniversaire, pour "Paranoid Park". Gus Van Sant avait reçu la Palme d'or en 2003 avec "Elephant". L'acteur russe Konstantin Lavronenko remporte le Prix d'interprétation masculine pour sa performance dans "Le bannissement", d'Andreï Zviaguintsev, tandis que l'actrice coréenne Jeon Do-yeon reçoit le Prix d'interprétation féminine pour son rôle dans "Secret Sunshine", de Lee Chang-dong. Le prix d'interprétation féminine a été remis par Alain Delon qui a réclamé 25 secondes de silence en mémoire de l'actrice Romy Schneider, morte il y a 25 ans. Le prix du scénario récompense le réalisateur allemand d'origine turque Fatih Akin pour "De l'autre côté" et le prix de la mise en scène revient au réalisateur et peintre américain Julian Schnabel pour "Le scaphandre et le papillon", film qui représentait la France. Enfin, le prix du jury revient ex-aequo à "Persepolis", dessin animé de Marjane Satrapi et Vincent Paronnaud, et à "Lumière silencieuse", du Mexicain Carlos Reygadas. "Même si un film est universel, je tiens à dédier ce prix à tous les Iraniens", a déclaré Marjane Satrapi, dessinatrice et néo-réalisatrice née en Iran.