Les étudiants n'en reviennent toujours pas. Un mort et des blessés par dizaines sur les campus. Depuis jeudi dernier, une ambiance de vendetta règne sur l'espace universitaire. Comme une étincelle, l'agitation partie du campus d'Agadir, s'est propagée pour embraser d'autres campus à Marrakech, Rabat, Taza, Meknès, Errachidia et Casablanca. Avec, à chaque fois, le même cachet: des affrontements à connotation «ethnique» ou politique. Même si les incidents de la métropole sont sans aucune parenté avec ceux éclatés sur les autres campus. Contrairement à ce que laisserait entendre la présence d'un dénominateur commun –des étudiants originaires des provinces du Sud– le conflit de Casablanca n'aurait pas de connotation politique. «C'est juste une vieille histoire de règlement de comptes qui refait surface. Il ne faut pas y voir un conflit de leadership entre mouvements estudiantins», s'accordent à affirmer différentes sources. Retour sur les faits. Vendredi dernier en début d'après-midi, à la cité universitaire de la Route d'El Jadida à Casablanca, une bande de six «pseudo-étudiants» s'en prend verbalement à un étudiant originaire des provinces du Sud. L'altercation dégénère en bagarre impliquant d'autres étudiants, dont des Sahraouis venus prêter main-forte à leur camarade. De l'avis de différentes sources, l'incident était provoqué intentionnellement par cette bande qui est connue de tous, administration et étudiants. Elle semait la terreur sur le campus depuis des années. «C'est une sorte de milice constituée par l'ancienne direction de la cité et dirigée contre les étudiants originaires des provinces du Sud», s'accordent à dire nos interlocuteurs sur le campus. L'espace d'une après-midi donc, vendredi dernier, la cité universitaire s'est transformée en une arène de combats abritant des affrontements musclés avec jets de pierres, utilisation de couteaux et bâtons. Résultat: une trentaine de blessés et une douzaine d'étudiants interpellés et traduits devant le parquet avant d'être relaxés. Mais les meneurs n'étaient pas parmi eux. Hier jeudi, l'accalmie était rétablie à la cité universitaire de Casablanca. Mais un climat de tension et d'expectative pesait encore sur le campus, dont les allées étaient anormalement désertes. Il faut dire que beaucoup de ses résidents l'ont fui depuis les tristes événements du vendredi dernier. De leur côté, sur la cinquantaine des Sahraouis, seuls quelques-uns ont rejoint leurs chambres. «La peur de représailles les empêche de regagner la cité», affirment des étudiants sur place. Des incidents ont d'ailleurs éclaté samedi dernier, bien que des forces de l'ordre étaient là, quand des étudiants sahraouis tentaient de rejoindre leurs chambres dans la cité. Hier encore, des forces de l'ordre étaient déployées sur les lieux pour assurer la sécurité et parer à d'éventuelles reprises de violence. Dans les autres villes, les violences ont nettement des réminiscences «politiques». A Marrakech, Rabat, Meknès et, dans une moindre mesure Taza, des incidents opposent aussi des étudiants militant sous différentes couleurs: Amazighs vs Sahraouis, gauchises et extrême-gauchistes vs Amazighs ou islamistes, Sahraouis-administration… Quels que soient les protagonistes, l'éternelle lutte de leadership, sauf de rares exceptions, sous-tend à chaque fois les affrontements. Ainsi, à Agadir, un violent accrochage a opposé, le week-end dernier, des étudiants de la mouvance amazighe (mouvement culturel amazigh) et un groupe d'étudiants sahraouis à la cité universitaire. L'incident a provoqué l'arrêt des cours à l'université. Une trentaine de blessés. La cité universitaire d'Errachidia a été, samedi dernier, elle aussi le théâtre d'une sanglante empoignade entre étudiants amazighs et d'autres se proclamant de la formation d'extrême-gauche, Annahj (Voie démocratique). Bilan: un mort et six blessés. A l'origine de ce désastre, une guerre de leadership éclatée à la faculté des sciences et techniques d'Errachidia. L'accrochage se poursuit et s'exacerbe à la cité. Il a fait sept blessés dont l'un succombera à ses blessures. Inquiétant! Sachant que la tension reste latente et les affrontements menacent d'être à chaque fois plus violents. Malgré l'intervention des forces de l'ordre, il suffit d'une petite étincelle pour embraser l'espace universitaire. Où s'arrêtera cette violence que la conjoncture préélectorale semble stimuler? Comment s'y prendre pour apaiser les esprits et rétablir le calme sur les campus ? Des questions que la réforme universitaire semble avoir occultées.