La victoire se jouera au centre le 6 mai pour Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal, qui se disputent désormais l'électorat de François Bayrou, un "aigle à deux têtes" contraint à la neutralité s'il veut assurer la pérennité de sa stratégie du "ni-ni". A l'issue du premier tour de l'élection présidentielle, le rapport de forces est théoriquement favorable au candidat de l'UMP, qui a recueilli 31,18% des suffrages, face à sa rivale socialiste, qui fédère 25,87% des voix. Les sondages réalisés depuis dimanche donnent Nicolas Sarkozy gagnant au second tour. La droite dispose d'un réservoir de voix de 43,8%, la gauche de 36,4%, un score historiquement faible. Plus de 6,8 millions d'électeurs (18,57%) ont apporté leur suffrage au président de l'UDF, François Bayrou. Ils sont la clé du second tour et "ne sont pas à vendre", a prévenu Marielle de Sarnez, directrice de campagne du candidat centriste. Les "bayrouistes" peuvent être tentés de rejoindre leur famille d'origine, droite ou gauche, ou de poursuivre sur une voie iconoclaste en se livrant à un "tous sauf Sarkozy" ou un "tous sauf Royal". D'après une enquête Ifop-Fiducial réalisée auprès des électeurs de François Bayrou, 54% ont l'intention de voter pour Nicolas Sarkozy, 46% pour Ségolène Royal. François Bayrou, qui donnera mercredi une conférence de presse, pourrait annoncer la création d'un grand parti "démocrate" afin de continuer à peser sur l'échiquier politique avec le renfort d'une escouade de députés à la faveur des élections législatives des 10 et 17 juin. L'UMP et le PS ont poursuivi lundi les manoeuvres d'approche esquissées dès le soir du premier tour. Le parti de Nicolas Sarkozy va constituer un "pôle centriste" avec des élus UDF et un "pôle de gauche", dont Eric Besson, transfuge du PS, sera l'un des animateurs, a annoncé François Fillon sur RTL. Le ministre de l'Emploi et de la Cohésion sociale, Jean-Louis Borloo, a jugé "indispensable" la présence "massive" de ministres centristes dans le futur gouvernement si Nicolas Sarkozy est élu le 6 mai. Le ministre délégué aux Collectivités territoriales, Brice Hortefeux, a déclaré sur France Inter que la porte était "naturellement ouverte" à l'UDF et que les valeurs portées par François Bayrou étaient "naturellement mieux défendues" par Nicolas Sarkozy que par sa rivale socialiste. ROYAL VEUT "RASSEMBLER LARGE" Au Parti socialiste, on insiste sur la nécessité - et la possibilité - de "rassembler large" malgré une arithmétique électorale défavorable à Ségolène Royal. "Il y a aussi dans l'électorat de François Bayrou des hommes et des femmes qui ont voulu le changement, qui croyaient même en votant Bayrou battre Sarkozy", a déclaré le premier secrétaire du PS, François Hollande, sur France 2. Ségolène Royal peut favoriser un rééquilibrage en sa faveur, mais elle doit prendre garde à ne pas s'aliéner la gauche radicale en menant une campagne trop "centriste". Même cas de figure pour Nicolas Sarkozy à l'égard des électeurs d'extrême droite. "Si Ségolène Royal se laisse enfermer dans un 'droite-gauche' - c'est ce que veut (Nicolas) Sarkozy - elle a perdu. Elle perdra honorablement, elle fera 46, 47, même peut-être 48% mais elle ne peut pas gagner", a jugé sur i-Télé Daniel Cohn-Bendit, qui avait appelé à une alliance PS-UDF-Verts avant le premier tour. L'autre inconnue du scrutin réside dans l'attitude de Jean-Marie Le Pen, qui a subi un revers (10,44%), perdant près d'un million de voix par rapport à 2002, dépossédé par Nicolas Sarkozy. Le dirigeant d'extrême droite, qui a oscillé entre conciliation et invectives à l'égard du candidat de l'UMP durant la campagne, donnera ses consignes de vote le 1er mai. Bruno Gollnisch, numéro deux du FN, a déclaré que Jean-Marie Le Pen pourrait poser ses conditions avant d'appeler éventuellement à voter pour Nicolas Sarkozy. Le parti d'extrême droite pourrait aussi s'orienter vers un non-choix entre les deux protagonistes du second tour, incitant ses quelque 3,8 millions d'électeurs à l'abstention. Dans une enquête Ipsos-Dell, les électeurs de Jean-Marie Le Pen disent vouloir donner leur voix à Nicolas Sarkozy à 83% et pour 17% à Ségolène Royal. Il reste une dizaine de jours de campagne aux deux prétendants pour courtiser les électorats centriste et frontiste. Ségolène Royal devrait donner quatre meetings, Nicolas Sarkozy cinq. Ils s'affronteront dans un duel télévisé le 2 mai.