Consacré à des questions économiques, le sommet de Paris s'est transformé en manifestation de soutien politique au gouvernement libanais de Fouad Siniora. FOUAD SINIORA était hier au centre de toutes les attentions lors de la conférence internationale sur le soutien au Liban. Consacré à des questions économiques, le sommet réunissant une cinquantaine de pays et d'institutions internationales a tourné à la manifestation de soutien politique au gouvernement libanais. Il se déroulait en effet quarante-huit heures après la démonstration de force d'une opposition emmenée par le Hezbollah dans les rues de Beyrouth. En difficulté dans la capitale libanaise, le premier ministre libanais a pu mesurer à Paris ses appuis. Parti préoccupé, il s'est vu réconforté par les « amis du Liban ». Ses principaux appuis extérieurs, la France, les États-Unis et l'Arabie saoudite, ont entraîné dans leur sillage l'Union européenne, les alliés de Washington et les pays du Golfe dans leur campagne financière en faveur du pays du Cèdre. « Cette réunion est d'une importance cruciale pour le Liban. Votre assistance nous conforte dans notre détermination à consolider notre liberté, notre démocratie, notre indépendance et nos réformes économiques », a expliqué en ouverture des débats Fouad Siniora. Conscient que son pays est à nouveau au bord du gouffre, le premier ministre a reconnu qu'il sera « difficile de parvenir à appliquer les réformes sans la participation de l'opposition ». Il n'a pas pour autant avancé de scénario pour sortir de l'impasse politique. « J'espère que la raison prévaudra et que l'agitation cessera », a-t-il affirmé en commentant les affrontements meurtriers qui ont à nouveau éclaté à Beyrouth durant la conférence. « Il appartient aux Libanais de nouer un dialogue constructif et aux acteurs responsables, en particulier dans la région, d'aider les Libanais à retrouver la voie de l'unité », a indiqué, de son côté, le président français. Ponctuée par les commentaires enjoués d'un Jacques Chirac jouant à la fois au maître de cérémonie et à l'animateur, la réunion s'est apparentée à une course au don. Chaque participant est intervenu brièvement avant de donner le montant de son obole. Les organisateurs avaient prévenu que le succès de l'opération se jugerait à l'aune des sommes récoltées. On espérait un total de 5 milliards de dollars pour la reconstruction et le financement de réformes structurelles. À l'heure du déjeuner, le pari était gagné : Jacques Chirac, flanqué de son grand argentier, Thierry Breton, annonçait une cagnotte de 6,7 milliards de dollars. Perfusion financière L'enjeu est, sur le papier du moins, de donner au Liban les chances nécessaires à son redressement. Le programme de réformes annoncé le 4 janvier par Fouad Siniora doit relancer l'économie en améliorant l'environnement des affaires, restaurer progressivement les équilibres financiers et satisfaire des besoins sociaux. À défaut de réaliser ces objectifs officiels, la conférence devrait permettre en mettant le Liban sous perfusion financière d'éviter d'ajouter à l'imbroglio politique un crash monétaire. Puissance invitante, la France n'en est pas à son coup d'essai : la session a été précédée, bien avant la guerre entre Israël et le Hezbollah, par deux initiatives du même type en 2001 et 2002. La communauté internationale avait à l'époque apporté sa contribution au Liban du premier ministre aujourd'hui défunt Rafic Hariri. Mais ce dernier n'était pas parvenu, en dépit de ses efforts, à sortir son pays de la spirale infernale d'un endettement colossal. D'un montant de plus de 36 milliards de dollars, la dette atteint désormais l'équivalent du produit intérieur brut d'une contrée dévastée par les attaques israéliennes de l'été dernier. Statut pour les Fermes de Chebaa Ancien ministre des Finances de Rafic Hariri, Fouad Siniora se trouve cette fois en première ligne dans un contexte plus périlleux qu'au début de la décennie. Consciente des risques encourus par l'ensemble de la région, l'Arabie saoudite a signé un chèque à la hauteur de ses inquiétudes. Le prince Saoud al-Faysal, ministre des Affaires étrangères du royaume saoudien, a accordé 1,1 milliard de dollars pour conjurer « l'escalade permanente qui nourrit les tensions » dans la région. « Espérons que cette aide permettra au pays de sortir des troubles politiques qu'il traverse actuellement », a-t-il commenté. Condoleezza Rice a suivi ce mouvement de générosité bien ordonné avec une promesse 770 millions de dollars à entériner par le Congrès à majorité démocrate. L'essentiel étant à ses yeux de marquer au « lendemain des événements de Beyrouth un soutien au gouvernement démocratiquement élu ». La France arrive en troisième position avec quelque 600 millions de dollars. Jacques Chirac a affirmé que l'aide financière devait aller de pair avec un règlement international de la crise libanaise. Dans son discours lu en partie en français, Ban Ki-moon, le secrétaire général des Nations unies, qui effectuait sa première mission officielle internationale, est allé dans le même sens. Il a rappelé la nécessité de parvenir à la mise en oeuvre complète de la résolution 1 701 de l'ONU sur le Liban. Un texte qui prévoit un changement de statut pour les Fermes de Chebaa, ce minuscule territoire occupé par Israël et la libération des soldats israéliens capturés par le Hezbollah. En attendant, Fouad Siniora devrait rentrer à Beyrouth avec une aide substantielle destinée, selon lui, « non pas à un groupe, mais à tous les Libanais ».