La Juventus Turin a soulevé dimanche le trophée le plus amer de son histoire et le club, qui risque la 2e division dès la saison prochaine dans le scandale des matches truqués, se prépare à vivre une difficile transition avec le départ annoncé de ses principaux dirigeants. Les Bianconeri, vainqueurs 2-0 contre la Reggina, n'avaient pas eu le temps de fêter le 29e "scudetto" de leur histoire que leur directeur général Luciano Moggi annonçait en quelques mots sa démission et son départ du "monde du football". Visé par une double mise en examen -- pour "association de malfaiteurs destinée à la fraude sportive" et "concurrence déloyale" sur le marché des transferts --, accablé par des écoutes téléphoniques diffusées par la presse dans lesquelles il choisit ses arbitres préférés auprès d'un responsable de la Fédération, M. Moggi, 68 ans, a ainsi été poussé à la démission par la famille Agnelli, propriétaire du club et soucieuse de redresser l'image de la "Vieille Dame". Son départ signe la fin d'une époque, celle de la "Triade" qu'il formait depuis douze ans avec l'administrateur-délégué Antonio Giraudo et le vice-président Roberto Bettega. Avec ce trio redouté, contesté, mais jamais remplacé, la Juventus avait enlevé sept Championnats et atteint quatre fois la finale de la Ligue des champions, remportant une fois le prestigieux trophée européen. Mais en révélant pour la première fois vendredi les détails de leur enquête, les magistrats du parquet de Naples (sud) ont provoqué un tremblement de terre dans le Calcio et jeté le trouble sur tous les titres empochés par le club ces dernières années. Combien de personnes suivent le Calcio en Italie? Quatre équipes impliquées -- la Juventus, et visiblement dans une moindre mesure l'AC Milan, la Lazio Rome et la Fiorentina --, 19 matches suspects dans le viseur, 41 personnes mises en examen, dont Luciano Moggi, le président démissionnaire de la Fédération italienne de football (FIGC) Franco Carraro et neuf arbitres: le parquet a levé le voile sur un immense système de matches truqués qui aurait faussé l'ensemble de la saison 2004-05 en faveur de la Juve. Silvio Berlusconi, patron de l'AC Milan, club pourtant impliqué selon les procureurs, n'a pas hésité dimanche à exiger "la restitution des deux (derniers) Championnats" (2004-05, 2005-06) dans lesquels son équipe s'est classée deuxième derrière la Juventus. "Combien de personnes suivent le Calcio en Italie? Quarante millions? Et bien, ils nous ont tous pris pour des cons", a aussi lancé l'entraîneur de l'Inter Milan, Roberto Mancini. L'ampleur du scandale pourrait dépasser l'affaire des paris clandestins qui avait jeté l'AC Milan et la Lazio Rome en 2e division au début des années 80, et si l'enquête judiciaire s'annonce longue, la Fédération semble décidée à agir vite pour ne pas laisser pourrir la situation. Il y a un an, quelques semaines lui avaient suffi pour reléguer de la 1re à la 3e division le club de Genoa, pour une affaire de corruption ne portant que sur une rencontre. "La Juve se prépare à entrer dans un très long tunnel", avertit La Gazzetta dello Sport, quotidien sportif de référence en Italie. "Un tunnel dans lequel il est assez probable qu'elle trouve la Serie B (2e division)", ajoute le journal. La relégation pourrait s'accompagner d'une exclusion automatique de la Ligue des champions 2006-07 et la Juve verrait aussi annuler son titre obtenu en 2004-05. Le manque à gagner en termes de parrainage, droits TV et les départs prévisibles de joueurs coûteraient alors jusqu'à 300 millions d'euros au club, estime dimanche la Gazzetta, qui annonce comme quasiment certain le départ de Fabio Capello vers l'Inter Milan la saison prochaine.