Dans un rapport publié hier, les Nations unies s'inquiètent des pénuries d'eau qui menacent la consommation humaine et agricole. Le Maroc doit conjuguer les épisodes de sécheresse avec des barrages qui peinent à alimenter la population en eau. Les prévisions des Nations unies sur la disponibilité en eau dans le monde, communiquées dans un rapport publié à l'occasion de la Journée mondiale de l'eau, dimanche 22 mars, sont sans appel : près de 52% de la population mondiale pourrait être contrainte de vivre en subissant les effets d'une pénurie d'eau à l'horizon 2050. Intitulé «L'eau et les changements climatiques», le rapport, édité par l'Unesco et relayé par Le Monde, rappelle combien l'eau est une denrée vitale et essentielle au fonctionnement de très nombreux secteurs. Il mentionne quelques données chiffrées : «Au cours des 100 dernières années, l'utilisation mondiale d'eau a été multipliée par six et continue d'augmenter rapidement de près de 1 % par an en raison de la croissance démographique, du développement économique et de l'évolution de la consommation.» Une autre partie retient particulièrement l'attention : «Les inondations et précipitations extrêmes au niveau mondial ont augmenté de plus de 50 % ces dix dernières années, et surviennent actuellement à un rythme quatre fois plus soutenu qu'en 1980. D'autres événements climatiques extrêmes, tels que les tempêtes, les sécheresses et les vagues de chaleur, ont augmenté de plus d'un tiers au cours des dix dernières années et sont enregistrés deux fois plus souvent qu'en 1980.» Baisse de la production céréalière Les sécheresses, le Maroc connaît bien. Deux ans que le royaume est en effet sujet à des périodes de sécheresse, dont les impacts se font sentir avant tout sur l'agriculture. La sécheresse du printemps 2019 a freiné les perspectives de production de blé et de céréales pour 2019, d'après l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO). En mai dernier, la FAO soulignait d'ailleurs que la faiblesse des précipitations nuirait à la récolte et à la production de blé dans le royaume, évoquant des «perspectives de production [qui] ne sont pas favorables». Des craintes d'autant plus légitimes que «la plupart des superficies de blé au Maroc sont conduites selon le mode de l'agriculture pluviale ; elles ne sont pas irriguées et dépendent donc de la pluie», nous expliquait Chaouki Al Faiz, directeur de recherche à l'Institut national de recherche agronomique (INRA). La production d'oranges n'est pas en reste : celle-ci devrait baisser de 31%, soit 815 000 tonnes par rapport à la saison précédente, à cause des pénuries d'eau et des changements climatiques, ce qui pourrait impacter la consommation nationale autant que les exportations, indiquait en janvier dernier un rapport semestriel du Département américain de l'Agriculture. «La priorité étant donnée à la consommation humaine en eau, l'agriculture fait face à des restrictions d'irrigation. Les quantités d'irrigation dédiées aux cultures irriguées sont réduites, ce qui affecte le rendement et la production de ces cultures», souligne Rachid Hadria, chercheur à l'INRA, contacté par Yabiladi. Et d'ajouter : «L'Etat impose également des restrictions sur les superficies réservées aux cultures particulières, comme la betterave à sucre. Chaque année, les producteurs de betteraves à sucre s'entendent sur les superficies à cultiver, mais lorsqu'il n'y a pas suffisamment d'eau, les autorités restreignent les superficies irrigables.» Des barrages qui peinent à alimenter la population en eau A une plus large échelle, les sécheresses ont des conséquences catastrophiques : «[Elles] ont représenté à elles seules 5% des catastrophes naturelles, touchant 1,1 milliards de personnes, tué 22 000 personnes et entraînant des pertes économiques s'élevant à 100 milliards de dollars en dommages sur une période 20 ans (1995-2015). En dix ans, le nombre d'inondations est passé d'une moyenne annuelle de 127 en 1995 à 171 en 2004», indique le rapport des Nations unies. La sécheresse draine également avec elle le stress hydrique, auquel le Maroc est particulièrement confronté, notamment à travers la situation de ses barrages. Le déclin le plus frappant enregistré par le World Resources Institute (WRI), un think tank américain spécialisé dans les questions environnementales, est celui du barrage Al Massira, dans la province de Settat. Ce dernier est le deuxième plus grand réservoir au Maroc. En trois ans, sa teneur a diminué de plus de 60%. Une situation qui s'explique certes par la sécheresse recensée ces dernières années, mais aussi par les problèmes d'irrigation et la soif croissante des villes voisines, en particulier Casablanca. «Le taux de remplissage en eau des barrages diminue d'années en années», confirme Rachid Hadria. En cause notamment, l'envasement des barrages, explique le chercheur : «Les sédiment amenés par les rivières stagnent au niveau des barrages et réduisent leur capacité de stockage d'une année à l'autre.» Preuve que ce phénomène représente un enjeu de taille : son impact sur les capacités de stockage des barrages se chiffre à 75 millions de m3 en moyenne par an, selon les chiffres du secrétariat d'Etat chargé de l'eau (SEE). La capacité totale perdue est évaluée à près de 2 100 m3, soit près de 11% de la capacité de stockage des barrages.